La vie et l’enseignement de Sri Chaitanya Mahaprabhu -1/4

La vie et l’enseignement
de

Sri Chaitanya Mahaprabhu

Un bref aperçu (1)

par Sa Divine Grâce
A.C. BHAKTIVEDANTA SWAMI PRABHUPADA

PREMIERE PARTIE

 

INTRODUCTION: Sri Chaitanya Mahaprabhu, le grand Apôtre de l’amour de Dieu 

L’avènement de Sri Caitanya

Les divertissements d’enfance de Nimaï (Sri Chaitanya)

Nimaï Pandita l’érudit, triomphe  de  Kesava Kasmiri,  qui devient son disciple

Nimaï Pandita inaugure Son Mouvement du Sankirtana – Le chant congrégationnel des Noms de Dieu

                INTRODUCTION:

  Sri Chaitanya Mahaprabhu, le grand Apôtre de l’amour de Dieu

Sri Caitanya Mahaprabhu, le grand Apôtre de l’amour de Dieu et l’Initiateur du chant collectif et public des Saints Noms du Seigneur, parut à Sridhama Mayapura, un quartier de la ville de Navadvipa, au Bengale, le soir de la pleine lune du mois de Phalguna (Phalguna purnima) en l’an 1407 de l’ère de Saka (Sakabda) -soit en février 1486 selon le calendrier chrétien.

Son père, Sri Jagannatha Misra, un brahmana érudit du district de Sylhet, était venu étudier à Navadvipa, car cette ville était alors le plus haut centre d’enseignement et de culture. Après avoir épousé Srimati Sacidevi, fille de Srila Nilambara Cakravarti, le grand érudit de Navadvipa, il s’installa sur les rives du Gange pour y vivre. Son épouse lui donna plusieurs filles, dont la plupart moururent à un âge précoce. Deux fils, cependant, Sri Visvarupa et Visvambhara, survécurent et devinrent l’objet de l’affection de leurs parents. Visvambhara, le dixième et plus jeune enfant de la famille, devait plus tard porter le nom de Nimai Pandita, puis, après qu’il eût embrassé l’ordre du renoncement, celui de Sri Caitanya Mahaprabhu.

Sri Caitanya Mahaprabhu, qui est le Seigneur Suprême, manifesta Ses Divertissements sublimes pendant quarante-huit ans, pour finalement quitter ce monde en l’an 1455 Sakabda, à Puri.

Ses vingt-quatre premières années, Il les passe à Navadvipa comme étudiant et chef de famille. Il épouse d’abord Srimati Laksmipriya, qui meurt de façon prématurée alors que le Seigneur est absent. Quand Il revient de l’est du Bengale, Il accède à la requête de Sa mère qui lui demande de prendre une nouvelle épouse, Srimati Visnupriya Devi; mais cette dernière vivra dans la séparation du Seigneur toute sa vie durant, puisque Sri Caitanya acceptera le sannyasa, ou l’ordre du renoncement, à l’âge de vingt-quatre ans, alors que Srimati Visnupriya atteignait à peine sa seizième année. Devenu sannyasi, le Seigneur, toujours à la requête de Sa mère, Srimati Sacidevi, S’installe à Jagannatha Puri, pour les vingt-quatre dernières années de Son séjour sur Terre. Pendant six de ces années, Il voyagera partout en Inde, et principalement au sud, pour propager le message du Srimad-Bhagavatam.

 Mais Sri Caitanya ne prôna pas uniquement le Srimad-Bhagavatam.; Il remit également en honneur la Bhagavad-gita, qu’Il voulut rendre accessible à tous. La Bhagavad-gita donne Sri Krsna pour la Personne Divine et Absolue, le Seigneur Lui-même, dont l’enseignement ultime dans ce grand livre de savoir spirituel est le suivant: délaisser toute autre pratique religieuse pour simplement s’abandonner à Lui, Sri Krsna, le Seigneur Suprême, seul digne d’adoration. Celui-ci assure encore que tous Ses dévots seront protégés des suites diverses de leurs péchés, qu’ils s’affranchiront de toute angoisse (BG 18.66) .

 Malheureusement, en dépit du message de la Bhagavad-gita, des enseignements directs de Sri Krsna, des hommes à l’intelligence étroite se méprennent sur Son identité réelle, croient qu’il s’agit au plus d’un grand personnage historique. Leur pauvre fonds de connaissance les empêche de reconnaître en Lui le Seigneur originel et les rend sujets à l’influence trompeuse des diverses formes d’athéisme. C’est ainsi que le message de la Bhagavad-gita fut mal interprété, même par de grands érudits. Depuis que Sri Krsna disparut de la surface du globe, des centaines de commentaires sur la Bhagavad-gita ont vu le jour, écrits par des érudits de toute sorte, dont la plupart, malheureusement, étaient motivés par quelque intérêt personnel.

 Sri Caitanya Mahaprabhu est bien Sri Krsna Lui-même, bien que cette fois Il ait choisi d’apparaître sous la forme d’un grand bhakta, pour faire connaître à l’humanité tout entière, aux philosophes comme aux théologiens, la nature spirituelle et absolue du Seigneur Suprême dans Sa Forme originelle de Sri Krsna, Cause de toutes les causes. Son enseignement repose sur le fait que Sri Krsna, qui parut à Vrajabhumi (Vrndavana) en tant que Fils de Nanda Maharaja (le roi de Vraja), est Dieu, la Personne Suprême, digne de l’adoration universelle. Vrndavana-dhama, la terre où se produisit l’Avènement du Seigneur, n’est point différente du Seigneur Lui-même, Somme ultime du savoir, car le Nom, la Forme ou la Renommée du Seigneur, de même que l’endroit où Il Se manifeste, ne font tous qu’Un avec Lui. Vrndavana-dhama doit donc être adoré au même titre que le Seigneur. Or, la plus haute forme d’adoration du Seigneur fut celle des gopis de Vrajabhumi, manifestée à travers leur pur amour pour Lui. C’est la même voie qu’indiqua Sri Caitanya Mahaprabhu comme la plus parfaite adoration du Seigneur. Il reconnut dans le Srimad-Bhagavata Purana l’Ecriture parfaite, sans nulle tache, qui permet d’accéder à la connaissance du Seigneur; et Il enseigna que le but ultime de l’existence pour tous les hommes est de développer le prema
, ou pur amour de Dieu.

 Plusieurs dévots de Sri Caitanya, tel Srila Vrndavana Dasa Thakura, Sri Locana Dasa Thakura, Srila Krsnadasa Kaviraja Gosvami, Sri Kavikarnapura, Sri Prabhodhananda Sarasvati, Sri Rupa Gosvami, Sri Sanatana Gosvami, Sri Raghunatha, Bhatta Gosvami, Sri Jiva Gosvami, Sri Gopala Bhatta Gosvami, Sri Raghunatha Dasa Gosvami et, plus récemment, dans les deux cents dernières années, Sri Vivanatha Cakravarti, Sri Baladeva Vidyabhusana, Sri Syamananda Gosvami,  Sri Narottama Dasa Thakura, Sri Bhaktivinoda Thakura et, enfin, Sri Bhaktisiddhanta Sarasvati Thakura -notre maître spirituel- ainsi que de nombreux autres grands et illustres dévots érudits du Seigneur, ont écrit un nombre considérable d’ouvrages relatant la vie et les préceptes du Seigneur. Ces écrits s’appuient tous sur les sastras ( Ecritures Védiques), qui comprennent les Vedas, les Puranas, les Upanisads,  le Ramayana,  le Mahabharata ainsi que d’autres récits authentiques approuvés par les grands acaryas. Ils sont inégalables tant par leur contenu que par leur forme; ils débordent de savoir spirituel et absolu. Malheureusement, la masse des hommes les ignore encore, mais lorsque ces écrits, pour la plupart rédigés en sanskrit ou en bengali, seront présentés dans toute leur lumière à l’esprit des êtres pensants, leur message d’amour sublime, en même temps que la gloire spirituelle de l’Inde, submergera ce monde morbide, vainement lancé à la recherche de la paix et de la prospérité par le biais de voies illusoires, non reconnues par les acaryas d’une filiation spirituelle authentique.

 Les lecteurs de cette courte description de la vie et des préceptes de Sri Caitanya auront tout intérêt à parcourir l’oeuvre de Srila Vrndavana Dasa Thakura, l’auteur du Sri Caitanya- bhagavata, et de Srila Krsnadasa Kaviraja Gosvami, l’auteur du Sri Chaitanya-caritamrta. Le Caitanya-bhagavata dépeint de manière fascinante les premières années de la vie du Seigneur, alors que le Caitanya-caritamrta s’attache plutôt à Ses enseignements .

 Les faits concernant les premières années, de la vie du Seigneur furent rassemblés par un de Ses principaux dévots et contemporains, Srila Murari Gupta, un médecin de l’époque, et ceux ayant trait aux dernières années de Sa vie par Son secrétaire privé, Sri Damodara Gosvami, également connu sous le nom de Srila Svarupa Damodara, compagnon de presque tous les instants de Sri Caitanya Mahaprabhu à Puri. Ces deux bhaktas, donc, rassemblèrent la presque totalité des événements relatifs à la vie du Seigneur, et tous les ouvrages écrits plus tard sur Sri Caitanya (parmi lesquels ceux que nous mentionnons plus haut) furent rédigés à partir des Mémoires (kadacas) de Sri Damodara Gosvami et de Murari Gupta.               

             L’avènement de Sri Chaitanya Mahaprabhu


Ainsi, le Seigneur apparut le soir de la Phalguna purnima en l’an 1407 Sakabda et, de par Sa volonté, il y avait ce soir-là éclipse de lune. Or, la coutume hindoue veut que pendant la durée d’une éclipse, tous les gens se baignent dans le Gange, ou toute autre rivière sacrée, et chantent des mantras purificateurs. Ainsi, lors de l’Avénement de Sri Caitanya, l’Inde entière retentissait des sons sacrés de Hare Krsna, Hare Krsna, Krsna Krsna, Hare Hare / Hare Rama, Hare Rama, Rama Rama, Hare Hare. Ces seize Noms du Seigneur, qu’on trouve mentionnés dans plusieurs Puranas et Upanisads, constituent ce qu’on appelle le taraka-brahman-nama de l’ère où nous vivons, c’est-à-dire le moyen de s’y affranchir de l’existence matérielle.
 Chanter les Saints Noms du Seigneur sans commettre d’offense   peut affranchir l’âme déchue de son esclavage matériel. Les Noms du Seigneur, en Inde et en d’autres lieux, sont innombrables, et tous ont une valeur égale, car tous désignent la Personne Suprême. Mais comme le chant de ces seize Noms est plus particulièrement recommandé pour l’âge actuel, les hommes devraient en tirer parti pour suivre la voie que tracèrent les grands acaryas, lesquels atteignirent tous la perfection en observant les règles des Ecritures (sastras).

L’éclipse de lune coïncidant avec l’Avènement du Seigneur souligne le caractère particulier de Sa mission, qui est justement de prêcher l’importance du chant des Saints Noms dans cet âge de Kali, règne de la discorde. En cet âge, de simples peccadilles suffisent à provoquer des conflits graves; c’est pourquoi les sastras y recommandent une méthode de réalisation sprituelle commune à tous; et c’est le chant des Saints Noms du Seigneur. Les hommes, chacun selon sa langue propre, peuvent se réunir et glorifier le Seigneur avec des chants mélodieux; que cette pratique soit accomplie sans offense, et ceux qui y participent seront assurés d’atteindre progressivement la perfection spirituelle sans avoir à suivre de méthode plus astreignante. Lors de telles rencontres, ou communions, érudits et illettrés, riches et pauvres, Hindous, Chrétiens et Musulmans, Européens, Américains et Indi
ens, candalas (Mangeurs de chien », ou les plus bas des hommes) et brahmanas, tous pourront écouter les vibrations spirituelles du chant des Saints Noms, et par là enlever du miroir du coeur toute la poussière que le contact avec la matière y a déposée. Répondant à la mission du Seigneur, tous les hommes accepteront alors Son Saint Nom comme le lieu commun de la religion universelle. L’Avènement de Sri Caitanya Mahaprabhu, c’est donc l’avènement du Saint Nom.

             Ses divertissements d’enfance


Petit enfant sur les genoux de Sa mère, le Seigneur ne cessait de pleurer que si les femmes qui L’entouraient se mettaient à frapper dans leurs mains en chantant les Saints Noms. Les voisins notèrent la chose avec respect et admiration, et parfois, des jeunes filles prenaient plaisir à Le faire pleurer pour Le voir Se calmer au chant des Saints Noms. Ainsi, dès Sa plus tendre enfance, Sri Caitanya commence à mettre l’accent, de façon inattendue, sur l’importance des Saints Noms. On Le connaît alors sous le Nom de Nimai attribué par Sa mère chérie à la suite de Sa naissance sous un arbre nima dans la cour de la maison paternelle.

Dès qu’Il atteint l’âge de six mois, lors d’une cérémonie d’usage du nom d’anna-prasana, on donne pour la première fois de la nourriture solide au jeune Nimai. Au cours de cette fête, on place également devant l’enfant, pour obtenir une indication de ses tendances futures, d’une part des pièces de monnaie et de l’autre des Textes sacrés. Le jeune Nimai, dévoilant Son avenir, préfère aussitôt le Srimad-Bhagavatam aux pièces d’argent.

Sri Caitanya est encore tout bébé, rampant dans la cour de la demeure familiale, lorsqu’un jour un serpent s’approche de Lui. Le Seigneur commence à jouer avec le reptile, remplissant de crainte et d’émoi toute la maisonnée; mais après quelques moments de jeu, le serpent s’éloigne, l’enfant est emporté par Sa mère. Une autre fois, un voleur, tenté par les joyaux qui ornent Son corps, L’enlève. Le brigand cherche un endroit solitaire où il pourra dépouiller le jeune enfant, mais il s’égare, tourne en rond et finalement se retrouve devant la maison de Jagannatha Misra. Effrayé, craignant d’être pris, il abandonne aussitôt l’enfant et prend la fuite. Bien entendu, parents et amis sont au comble de la joie en revoyant l’enfant perdu, pour qui l’aventure a été l’occasion d’une randonnée joyeuse sur les épaules du voleur.

Un jour, un pèlerin, un brahmana, est reçu dans la maison de Jagannatha Misra, et alors qu’il s’apprête à faire une offrande de nourriture à Dieu, le jeune Nimai s’avance et commence à goûter les mets préparés à cette fin. L’enfant a touché la nourriture, elle ne peut plus être offerte en sacrifice, et le brahmana doit préparer une nouvelle offrande. Mais le même incident se reproduit une deuxième, puis une troisième fois, après quoi Nimai est mis au lit. Vers minuit, quand toute la maisonnée dort d’un profond sommeil et que toutes les chambres sont bien closes, notre brahmana entreprend de répéter l’offrande à sa Murti, mais là encore, l’enfant survient et ruine le sacrifice. Le pèlerin se met alors à pleurer, mais tous sont endormis, et nul ne l’entend. Alors, l’enfant, nul autre que le Seigneur, Se montre au brahmana fortuné tel qu’il est, dans Sa Forme de Krsna, lui révélant ainsi Sa véritable identité. Mais Il interdit au brahmana de dévoiler ce qu’il a vu, et Lui-même retourne auprès de Sa mère.   Plusieurs incidents du même genre se produisent au cours de l’enfance de Sri Caitanya. Parfois, par exemple, en jeune garnement, Il importune les brahmanas orthodoxes qui se baignent dans le Gange. Un jour, ces derniers viennent se plaindre auprès de Son père que plutôt que d’aller à l’école, son jeune fils passe son temps à les éclabousser. Mais sur ces entrefaits, le Seigneur entre dans la maison avec tous Ses livres et vêtements de classe, comme s’Il revenait de l’école.

Au ghata, ou lieu de bain, Il a également l’habitude de jouer des tours aux jeunes filles du voisinage, assemblées là pour rendre un culte à Shiva dans l’espoir d’obtenir de bons époux, comme c’est l’usage dans les familles hindoues pour les jeunes filles non encore mariées. Le Seigneur intervient comme un petit coquin au milieu de leur rituel et leur dit: « Chères soeurs, faites-Moi don, Je vous prie, de toutes ces offrandes que vous avez préparées pour Siva. Siva est Mon dévot, et Parvati Ma servante. Si vous M’adorez, Siva et tous les autres devas seront bien davantage satisfaits. »  Certaines refusent d’obéir à l’espiègle Seigneur, et Il les condamne alors: « Vous épouserez des vieillards, déjà pères de sept enfants par leurs précédentes épouses. » Par crainte, et parfois aussi par amour, les jeunes filles Lui font donc diverses offrandes, et le Seigneur les bénit, leur promettant de bons et jeunes époux et des douzaines d’enfants. Ces bénédictions réjouissent le coeur des jeunes filles, mais elles n’en vont pas moins se plaindre à leur mère de ces incidents.
           

                Nimaï Pandit, l’érudit

Ainsi se déroule l’enfance du Seigneur. A seize ans, Il établit Son propre catuspathi (école de village conduite par un bramana érudit), où Il parle uniquement de Krsna, même dans Ses cours de grammaire. Srila Jiva Gosvami, pour Lui plaire, composera plus tard une grammaire sanskrite dont toutes les rè
gles sont illustrées par des exemples utilisant les Saints Noms du Seigneur. Cet ouvrage, connu sous le nom de Hari-nanamrta-vyakarana, est d’ailleurs toujours en usage, surtout dans les institutions d’enseignement du Bengale.

A cette époque arrive à Navadvipa un grand érudit du Cachemire, Kesava Kasmiri, lequel a l’intention de tenir des débats publics sur les sastras. Notre pandita (érudit) est un vrai champion; il a voyagé à travers tous les hauts lieux de l’érudition en Inde. Il vient finalement à Navadvipa, dont il entend défier les savants panditas. Il se trouve que les érudits de Navadvipa, pensant que si le jeune garçon était vaincu il leur resterait toujours la possibilité d’affronter eux-mêmes le redoutable jouteur, choisissent d’envoyer Nimai Pandita (Sri Caitanya) pour confondre le pandita du Cachemire. Si par miracle Kesava Kasmiri était d’abord vaincu par Nimai, leur gloire n’en serait que plus grande; partout on dirait qu’il n’a fallu qu’un jeune garçon de Navadvipa pour vaincre ce savant incomparable dont la renommée s’étendait à l’Inde entière. C’est au cours d’une promenade le long des rives du Gange que Nimai Pandita rencontre Kesava Kasmiri. Il lui demande de composer un verset sanskrit à la gloire du Gange, et le pandita,sans délai en compose cent, débitant les slokas comme un vent d’orage, étalant son vaste et puissant savoir. Nimai Pandita, qui a parfaitement retenu tous les slokas, reprend le soixante-quatrième en y faisant ressortir certaines irrégularités de rhétorique et de stylistique. Il questionne plus particulièrement le pandita sur l’usage qu’il a fait, dans ce verset, des mots bhavani-bhartuh, « l’époux de l’épouse de Siva », et souligne leur caractère antinomique. En effet, Bhavani désigne l’épouse de Siva, et qui d’autre que ce dernier pourrait être son époux (bharta) ? Il relève également, au grand étonnement de Kesava Kasmiri, plusieurs autres défaillances. Comment est-il possible qu’un simple écolier puisse ainsi détecter les faiblesses littéraires d’un savant érudit ? Bien que cet incident se soit produit avant toute rencontre publique, la nouvelle se répand à travers tout Navadvipa comme une traînée de poudre. Finalement, Kesava Kasmiri, reçoit, en songe, un ordre de Sarasvati, la déesse du savoir: qu’il s’incline devant le Seigneur. Et c’est ainsi que le pandita du Cachemire deviendra un disciple de Caitanya.    

Sri Chaitanya inaugure son Mouvement du Sankirtana

Survient ensuite le mariage du Seigneur, qui se déroule en grande pompe et dans la joie. C’est alors qu’il commence à prêcher le chant public et collectif des Saints Noms, dans la ville même de Navadvipa. Certains brahmanas jalousent bientôt Sa popularité, et multiplient les obstacles sur Sa voie. Leur malveillance est telle qu’ils vont protester contre Lui auprès du magistrat musulman de Navadvipa. Le Bengale se trouve alors sous la domination des Pathanas. Le gouverneur de la province est le Nawab Husena Saha. Or, le kadi prend très au sérieux les plaintes des brahmanas. Sa première mesure est d’interdire aux disciples de Nimai Pandita de chanter à haute voix les Noms de Hari. Mais le Seigneur, en réponse, leur enjoint de ne pas suivre cet ordre du kadi, et de poursuivre leur sankirtana comme à l’ordinaire. Le magistrat dépêche alors des gardes sur les lieux pour interrompre les chants et briser les mridangas . Dès que Nimai Pandita est saisi de la chose, Il met sur pied un mouvement de désobéissance civile. On peut d’ailleurs voir en Lui le précurseur du mouvement de désobéissance civile pour la juste cause. Un défilé de 100 000 hommes, avec des milliers de mrdangas et de karatâlas, emprunte les diverses rues de Navadvipa, défiant l’ordre du kadi. La foule atteint finalement la maison du kadi, lequel, effrayé par cette masse, court se réfugier au sommet de sa demeure. Les milliers de gens rassemblés là se montrent tout d’abord violents, mais sur l’intervention du Seigneur, tous s’apaisent. Le kadi sort de son refuge et tente d’adoucir Sri Caitanya, qu’il appelle son neveu. En effet, il considère Nilambara Cakravarti comme son oncle (caca), et par suite, Srimati Sacidevi, la mère de Nimai Pandita, comme sa soeur. Comment le fils de sa soeur pourrait-Il s’irriter contre lui, son oncle maternel ? Alors le Seigneur de répondre que puisqu’il est Son oncle, le kadi devrait assurément Le recevoir dans sa maison. Une fois mise au point cette première entente, Nimai Pandita et le magistrat musulman, qui est lui aussi un homme de savoir, s’engagent dans un long débat sur le Coran et les sastras védiques. KA2 074 LargeLe Seigneur soulève la question de l’abattage des vaches; à quoi répond dûment le kadi en s’appuyant sur le Coran. A son tour, le kadi interroge le Seigneur sur le sacrifice de la vache tel qu’il se présente dans les Vedas, et Sri Caitanya lui répond qu’un tel sacrifice, conforme aux Ecritures védiques, n’est pas considéré comme relevant de l’abattage d’animaux; en effet, dans un tel sacrifice, on prend une vache ou un boeuf d’âge avancé et on lui redonne une vie nouvelle, un jeune corps, par le pouvoir des mantras védiques. Mais dans l’ âge de Kali (kali-yuga), l’âge où nous vivons, de tels sacrifices sont prohibés, car il n’existe plus de brahmanas capables de les conduire avec succès. En définitive, dans notre ère, tous les yajnas (sacrifices) sont interdits: ils se traduiraient par des tentatives inabouties et dépourvues de sens. A toutes fins pratiques, seul le sankirtana-yajna y est recommandé. S’exprimant en ces termes, Sri Caitanya finit par convaincre le kadi. Devenu le disciple du Seigneur, le kadi lance alors une proclamation selon laquelle nul ne devra désormais faire obstacle au Mouvement du sankirtana institué par le Seigneur. Et il reportera cet ordre par testament, pour ses héritiers. La tombe du kadi se trouve toujours dans la région de Navadvipa, et des pèlerins s’y rendent encore pour lui offrir leur hommage. Les descendants du kadi habitent les lieux, et jamais ils n’entravèrent le progrès du sankirtana même aux jours des conflits Hindo-musulmans.

On voit par ce récit que Sri Caitanya n’était pas un « timide vaisnava« . Un vaisnava, un dévot du Seigneur, ignore la crainte, et se montre prêt à tout pour servir la juste cause. Arjuna lui aussi était un vaisnava, un grand dévot de Krsna, et il combattit vaillamment pour satisfaire le Seigneur. Vajrangaji, ou Hanuman, un autre dévot du Seigneur, donna une sévère leçon aux troupes athées de Ravana, contre lequel il combattait auprès de Sri Rama, son Seigneur adoré. Le principe même du vaisnavisme est de satisfaire le Seigneur par tous les moyens. Par nature profonde, un vaisnava est non-violent, pacifique, possédant toutes les qualités divines; mais il ne saurait tolérer l’impudence d’un abhakta blasphémant le Seigneur ou Ses dévots.

A la suite de Sa rencontre avec le kadi, Sri Caitanya commence à prêcher et à promouvoir Son bhagavata-dharma, ou Mouvement de sankirtana, avec plus de vigueur que jamais, et quiconque s’oppose à la propagation du yuga-dharma  se voit désormais châtier de diverses manières. Entre autres, un brahmana, Gopala Capala, qui se trouve être un oncle maternel de Sri Caitanya sera atteint de lèpre; mais voyant son repentir, Ce dernier l’acceptera plus tard comme Son disciple

Chaque jour, afin que Son message se répande toujours plus, Sri Caitanya prêche vigoureusement et envoie tous Ses disciples et compagnons, y compris des chefs de file aussi importants que Srila Nityananda Prabhu et Thakura Haridasa, pour prêcher eux-mêmes de porte en porte le Srimad-Bhagavatam. Ainsi le Mouvement du sahkirtana emplit-il bientôt toute la ville de Navadvipa. Le Seigneur a établi Ses quartiers dans la maison de Srivasa Thakura et de Sri Advaita Prabhu, deux de Ses principaux disciples grhasthas. Les deux brahmanas, parmi les plus hauts placés de l’endroit, sont aussi les plus ardents défenseurs du Mouvement de Sri Caitanya. C’est d’ailleurs principalement à Sri Advaita Prabhu que l’on doit l’Avènement de Sri Caitanya Mahaprabhu (voir La compassion d’Avaïta Acharya) . Voyant la société entière se perdre de plus en plus en des actes matériels et négliger le service de dévotion, qui peut seul affranchir l’humanité des trois formes de souffrance  qu’engendre l’existence matérielle, il avait, dans sa compassion sans fin pour le monde usé, dégradé, où il vivait, prié avec ferveur, demandant que le Seigneur descende sur Terre, L’adorant avec constance, Lui offrant de l’eau du Gange et des feuilles de tulasi , l’arbre sacré.

SUITE….La vie et l’enseignement de Sri Chaitanya Mahaprabhu: n°2

(1) Ce texte de Srila Prabhupada, sur  Chaitanya Mahaprabhu, apparaît comme Introduction au Srimad-Bhagavatam (Premier Chant)  – Edit. BBT-, et est en fait intitulé dans son entier  « Un bref aperçu de la vie et de l’enseignement de Sri Caitanya Mahaprabhu, le parfait prédicateur du Srimad-Bhagavatam et du bhagavata-dharma. »

 



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