Vâmana (deva) est un des dasha-avatâras, les dix incarnations les plus célèbres du Seigneur Visnu. Sa forme est celle d’un nain (vâmana) et sa carnation est blanche. Son corps, spirituel et absolu, resplendit d’une grande beauté. Il apparu en tant que fils de Kaśyapa et d’Aditi. Son histoire est conté dans le huitième chant du Srimad-Bhagavatam.Sri Vâmanadeva se présenta devant le grand roi Bali Mâhâraja, afin de mendier – comme sa position de brâhmana Lui autorisait à le faire -, tout ce qu’Il serait en mesure de couvrir en trois enjambées seulement. Bali Mâhâraja fut étonné par une requête aussi humble de la part du brâhmana nain.Mais Sri Vâmanadeva étant une incarnation du Seigneur Suprême Visnu possédait une puissance infinie. Il prit immédiatement une forme gigantesque et en une seule enjambée couvrit la terre entière. Avec la deuxième enjambée il prit possession de l’univers entier. L’enveloppe de l’Univers fut percée par Ses pieds pareils-au-lotus et le Ganges coula de cette brèche . Alors qu’Il s’apprêtait à accomplir sa troisième enjambée, Sri Vâmanadeva sembla insatisfait de Bali Mâhâraja. Il l’ accusa de manquer à sa parole car Il restait encore un pas à faire et il n ‘y avait plus aucune place pour celui-ci. C’est alors que Bali Mâhâraja dans une attitude de complète soumission vis-à-vis de Dieu ( âtma nivedanam) demanda au Seigneur de poser Ses pieds pareils-au-lotus sur son propre corps.
Les Ecritures révélées nous disent que personne ne peut conquérir Dieu. Toutefois dans le cas de Bali Mâhâraja, le Seigneur Vâmanadeva fut si satisfait par la soumission totale de Son dévot qu’il décida de devenir Son portier personnel.
Sri Vâmanadeva est glorifié par Jayadeva Gosvami dans son Sri-dashâvatâra-stotra:
Chalayasi vikramaṇe balim adbhuta-vāmana
pada-nakha-nīra-janita-jana-pāvana
keśava dhṛta-vāmana-rūpa jaya jagadīśa hare
« Sous la forme d’un nain (Vāmana), Tu dépouillas Bali, et de l’eau coulant entre Tes orteils (le Gange), Tu sanctifias cette planète. O Keshava (Krishna), Seigneur de l’Univers, gloire à Toi. »
Sri-dashâvatâra-stotra (5)
Les extraits suivant du Srimad-Bhagavatam – traduction et commentaires de Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupâda – , contiennent des enseignements précieux destinés, avant tout, à ceux et à celles qui désirent progresser sur la voie de la réalisation spirituelle. Ils s’adressent aussi à tous ceux qui aspirent tout simplement au bonheur en ce monde même. Sri Vâmanadeva nous enseigne que le bonheur peut être atteint lorsque l’on s’attache à cultiver une qualité primordiale pour atteindre à la sérénité intérieure. Cette qualité qui manque cruellement à nos sociétés modernes trop avides et profondément insatisfaites : le contentement.
L’extrait (SB 8.19.16) commence alors que Vâmanadeva se trouve en présence du roi Bali Mâhâraja et, lui déclare n’aspirer qu’à trois enjambées de terre.. Il explique pourquoi il est important de cultiver la qualité de contentement:
Sri Vâmanadeva dit:
O roi des Daityas, à Ta Majesté qui vient d’une si noble famille et qui peut faire la charité avec munificence, Je ne demanderai que trois enjambées de terre, mesurées selon Mes pas.
( Les commentaires de Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupâda sont en violet, les versets en rouge)
Sri Vamanadeva désirait trois enjambées de terre, selon la mesure de Ses propres pas. Il ne voulait pas plus que le nécessaire. Cependant, bien qu’Il prétendît être un enfant ordinaire, Il désirait en fait la terre qui correspondait aux systèmes planétaires supérieur, moyen et inférieur, tout cela pour montrer la puissance de Dieu, la Personne Suprême.
O roi, toi qui règnes sur l’univers entier, bien que tu sois très généreux et en mesure de Me donner autant de terre que Je désire, Je ne veux rien de toi qui ne Me soit pas nécessaire. Si un sage brâhmana n’accepte des dons charitables que pour couvrir ses besoins, il ne s’empêtre pas dans les actes pécheurs.
Un brâhmana ou un sannyasi est habilité à demander la charité à autrui, mais s’il prend plus que le nécessaire il devient coupable. Nul ne peut utiliser les biens du Seigneur au-delà du nécessaire. Sri Vâmanadeva faisait savoir indirectement à Bali Maharaja qu’il occupait plus de terre que ce qu’il lui fallait.Dans le monde matériel, toutes les souffrances sont dues à l’extravagance. On acquiert de l’argent de façon extravagante et on le dépense de la même manière. De tels agissements sont répréhensibles. Tout appartient à Dieu, la Personne Suprême, et tous les êtres vivants, qui sont les fils du Seigneur Suprême, ont le droit d’utiliser la propriété de leur père suprême; cependant, on ne doit pas prendre plus que ce qui est nécessaire (voir Iso1 ). Ce principe doit surtout être suivi par les brahmanas et les sannyasis qui sont entretenus par les autres membres de la société. Vamanadeva représentait donc le mendiant idéal, car Il ne demandait que trois pas de terre. Bien entendu, il existe une différence entre Ses pas et ceux d’un être vivant ordinaire. Dieu, la Personne Suprême, par Son inconcevable puissance, peut occuper l’univers entier, soit les systèmes planétaires supérieur, moyen et inférieur, par la grandeur infinie de Ses pas.
Bali Maharaja dit:
O fils de brahmana, Tes instructions valent celles des anciens et des sages. Cependant, Tu n’es qu’un petit garçon et Ton intelligence est insuffisante. Aussi n’es-Tu pas très prudent en ce qui concerne Ton intérêt.
Dieu, la Personne Suprême, trouvant Sa plénitude en Lui-même, n’a certes rien à désirer pour Son propre intérêt. Sri Vâmanadeva ne S’était donc pas rendu auprès de Bali Maharaja pour Son propre intérêt. Comme le mentionne la Bhagavad-gita : bhoktaram yajna-tapasam sarva-loka-mahesvaram. Le Seigneur est le propriétaire de toutes les planètes, dans les mondes matériels comme spirituel Bhagavad-gita (5.29)Pourquoi aurait-Il besoin de terre? Bali Maharaja dit avec juste raison que Sri Vamanadeva n’était pas du tout prudent en ce qui concerne Son intérêt personnel. Le Seigneur S’était rendu auprès de Bali Maharaja non pour Son propre intérêt, mais pour celui de Ses bhaktas (dévots). Les bhaktas sacrifient tout intérêt personnel pour satisfaire le Seigneur Suprême, et de la même façon, Celui-ci, bien qu’Il n’ait aucun intérêt personnel à satisfaire, peut tout faire lorsqu’il s’agit de servir les intérêts de Ses bhaktas. Celui qui trouve sa plénitude en lui-même n’a pas d’intérêt personnel.
Je suis en mesure de Te donner une île entière car les trois divisions de l’univers m’appartiennent. Tu es venu me prendre quelque chose et Tu m’as satisfait par Tes paroles aimables; pourtant Tu ne demandes que trois pas de terre. Tu n’es donc pas très intelligent
Selon le point de vue védique, l’univers entier représente un océan d’espace. Dans cet océan, il existe d’innombrables planètes, et chacune d’elles est appelée une dvipa, ou une île. Quand Sri Vamanadeva vint trouver Bali Maharaja, celui-ci était en fait en possession de toutes les dvipas, ou îles de l’espace. Bali Maharaja était très heureux de voir Vamanadeva et il était disposé à Lui donner autant de terre qu’Il pourrait lui en demander; mais comme Sri Vâmanadeva ne lui demanda que trois pas de terre, il Le jugea peu intelligent.
O petit garçon, celui qui vient à moi pour mendier quelque chose ne doit pas avoir à demander quoi que ce soit d’autre ailleurs. En conséquence, si Tu le désires, Tu peux me demander autant de terre que ce qui Te sera nécessaire pour subsister
Dieu, la Personne Suprême, dit:
O mon cher roi, même la totalité de tout ce qui peut exister dans les trois mondes pour satisfaire les sens d’une personne ne peut satisfaire celui qui n’est pas maître de ses sens.
Le monde matériel est une énergie illusoire destinée à faire dévier les êtres vivants de la voie de la réalisation spirituelle. Quiconque se trouve dans le monde matériel est extrêmement anxieux d’obtenir de plus en plus de choses pour satisfaire ses sens. Pourtant, le vrai but de la vie n’est pas la satisfaction des sens mais la réalisation spirituelle. En conséquence, ceux qui s’adonnent trop aux plaisirs des sens se voient conseiller la pratique de l’ astanga-yoga (yama, niyama, asana, pranayama, pratyahara, et ainsi de suite). De cette façon, on peut dominer ses sens. Le but de la maîtrise des sens est de mette un terme au processus qui nous enchaîne au cycle des morts et des renaissances. Comme le dit Risabhadeva:
nunam pramattah kurute vikarma
yad indriya-pritaya aprnoti
na sadhu manye yata atmano yam
asann api klesada asa dehah
« Lorsque quelqu’un considère la satisfaction des sens comme le but de sa vie, il s’engage dams la vie matérielle à en devenir fou et se livre à toutes sortes d’activités coupables. Il ne sait pas que c’est en raison de ses méfaits passés qu’il a déjà reçu un corps matériel, lequel, malgré sa nature transitoire, est à l’origine de sa souffrance. A la vérité, l’être distinct n’aurait jamais dû revêtir cette enveloppe charnelle, mais celle-ci lui a été attribuée pour la satisfaction de ses sens. Aussi, je ne crois pas qu’il sied à l’homme intelligent de s’empêtrer à nouveau dans des activités matérielles qui le contraindraient perpétuellement à revêtir des corps, vie après vie. » (S.B,5.5.4)
Ainsi, selon Rsabhadeva, les êtres humains sont tout comme des fous qui s’adonnent à des activités qu’ils ne devraient pas accomplir mais auxquelles ils se livrent néanmoins pour satisfaire leurs sens. De telles activités ne sont pas bonnes parce que l’être se crée ainsi un autre corps pour sa vie prochaine, en punition de ses actes infâmes. Et dès qu’il reçoit un autre corps matériel, il se trouve plongé dans les souffrances répétées de l’existence matérielle. Aussi la culture védique, ou brahmanique, enseigne-t-elle l’art d’être satisfait avec le minimum nécessaire.
Pour enseigner cette culture des plus élevées, le varnasrama-dharma est recommandé. Le but des divisions du varnasrama —brahmana, ksatriya, vaisya, sudra, brahmacarya, grhastha, vanaprastha, et sannyasa— est entraîner l’être à maîtriser ses sens et à se contenter du strict nécessaire. Ici, Sri Vamanadeva, en tant quebrahmacari idéal, refuse l’offre de Bali Maharaja qui voulait Lui donner tout ce qu’Il désirait. Il dit que si l’on ne se contente pas de son sort, on ne pourra être heureux même si l’on possède l’univers entier. En conséquence, dans la société humaine, les cultures brahmanique, ksatriya et vaisya doivent être maintenues, et il faut expliquer aux gens comment se satisfaire de ce dont ils ont strictement besoin. Dans la civilisation moderne, une telle éducation fait défaut; chacun essaie de posséder toujours plus, et tout le monde est insatisfait et malheureux. C’est la raison pour laquelle le Mouvement pour la Conscience de Krsna fonde des communautés rurales dans le monde entier, surtout en Amérique, afin de montrer comment être heureux et satisfait avec le minimum nécessaire et épargner du temps pour la réalisation spirituelle, que l’on peut très facilement atteindre en chantant le maha-mantra:
hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare
Si Je n’étais pas satisfait par trois pas de terre, Je ne le serais sûrement pas non plus même en possédant l’une des sept îles (les sept continents), constituée de neuf varsas. Même si Je possédais une île, J’espérerais en obtenir d’autres.
Nous avons entendu dire que, même après avoir obtenu de régner sur les sept dvipas (autrement dit, sur la terre entière) , de puissants rois comme Prithu Maharaja et Maharaja Gaya ne purent atteindre la satisfaction ou trouver la fin de leurs ambitions.
Il faut se satisfaire de ce que l’on obtient en vertu de ses actes passés, car le mécontentement n’apporte jamais le bonheur. Une personne qui n’est pas maîtresse d’elle-même ne peut être heureuse même si elle possédait les trois mondes.
Si le bonheur représente le but ultime de la vie, l’être doit se satisfaire de la position dans laquelle le place la Providence. Prahlada Maharaja donne lui aussi cette instruction:
sukham aindriyakam daitya
deha-yogena dehinam
sarvatra labhyate daivad
yatha duhkham ayatnatah
« Mes chers amis, nés de familles démoniaques, le bonheur perçu quand les objets des sens entrent en contact avec le corps peut être obtenu dans toutes les formes de vie, selon les activités matérielles passées de l’être. Un tel bonheur s’obtient automatiquement, sans effort, tout comme nous obtenons le malheur. » ( S.B.7.6.3 voir teneur et portée) Cette philosophie est parfaite quant au fait d’obtenir le bonheur.
La Bhagavad-gita (6.21) définit le véritable bonheur:
sukham atyantikam yat tad
buddhi-grahyam atindriyam
vetti yatra na caivayam
sthitas calati tattvatah
« En cet heureux état, il jouit, grâce à ses sens purifiés, d’un bonheur spirituel infini. Cette perfection atteinte, il ne s’écartera jamais, désormais, de la vérité. »
Il faut percevoir le bonheur par les sens supérieurs, différents des sens constitués d’éléments matériels. Chacun de nous est un être spirituel (aham brahmasmi) et une personne individuelle. Nos sens sont maintenant couverts d’éléments matériels, et à cause de l’ignorance nous considérons les sens matériels qui nous recouvrent comme nos vrais sens. Or, ceux-ci se trouvent à l’intérieur de l’enveloppe matérielle.Dehino smin yatha dehe: à l’intérieur de l’enveloppe d’éléments matériels se trouvent les sens spirituels.Sarvopadhi-vinirmuktam tat-paratvena nirmalam: quand les sens spirituels ne sont plus recouverts, nous pouvons jouir du bonheur par leur intermédiaire. Les Ecritures expliquent ainsi la satisfaction des sens spirituels: hrsikena hrsikesa-sevanam bhaktir ucyate. Quand on emploie les sens dans le service de dévotion offert à Hrsikesa, ils sont alors parfaitement satisfaits (voir ce verset) . Sans cette connaissance supérieure de la satisfaction des sens, l’être ne pourra jamais connaître le bonheur malgré tous ses efforts pour satisfaire ses sens matériels. Il peut augmenter ses ambitions dans sa recherche de la satisfaction des sens, et même obtenir ce qu’il désire en ce domaine, mais parce qu’il agit sur un plan matériel, il n’atteindra jamais la satisfaction et le contentement.
Selon la culture brahmanique, l’être doit se contenter de ce qu’il obtient sans effort spécial, et cultiver la conscience spirituelle. Alors, il sera heureux. Le but de ce Mouvement pour la Conscience de Krsna est de répandre cette connaissance. Ceux qui ne possèdent pas une connaissance spirituelle scientifique pensent par méprise que les membres de ce mouvement sont des fuyards qui essaient d’éviter les activités matérielles. En fait, nous nous vouons aux véritables activités afin de connaître le bonheur ultime de la vie. Celui qui n’a pas appris à satisfaire ses sens spirituels et continue de poursuivre la satisfaction des sens matériels, ne goûtera jamais au bonheur, qui est éternel et plein de félicité. Le Srimad-Bhagavatam recommande à ce propos:
tapo divyam putraka yena sattvam
suddhyed yasmad brahma-saukhyam tv anantam
Il faut pratiquer l’austérité de façon à purifier son existence et à connaître une félicité sans bornes (SB 5.5.1).
Le mécontentement du matérialiste qui veut combler ses désirs lascifs et obtenir toujours plus d’argent contribue à prolonger son existence matérielle, avec ses naissances et ses morts répétées. Quant à celui qui se satisfait de ce que la destinée lui accorde, il est digne d’être libéré de cette existence matérielle.
Un brahmana qui se satisfait de ce qu’il obtient par la grâce de Dieu voit s’accroître l’éclat de sa puissance spirituelle, quand celle du brahmana insatisfait décroît, tout comme un feu perd de son intensité lorsqu’on verse de l’eau dessus
En conséquence, ô roi, toi le meilleur de ceux qui donnent en charité, Je ne te demande que trois pas de terre. Cette aumône me comblera, car la voie du bonheur consiste à être pleinement satisfait de recevoir le strict nécessaire.
Dans l’univers matériel, au sein de toutes les espèces vivantes, il existe une certaine forme de prétendus bonheur et malheur. Personne ne sollicite le malheur et son cortège de souffrances, mais cela ne les empêche pas de venir tout de même. De la même façon, même si nous ne faisons aucun effort pour jouir des avantages que procure le bonheur matériel, nous les obtiendrons tout de même. Ce type de bonheur et de malheur est accessible dans toute forme de vie, et ne requiert pas d’effort particulier. Nous n’avons donc pas à gaspiller notre temps et notre énergie à lutter contre le malheur ou à peiner en vue du bonheur. La seule préoccupation de l’être humain doit être de raviver sa relation avec Dieu, la Personne Suprême, de façon à devenir digne de retourner à Lui, en sa demeure originelle. Le bonheur et le malheur matériels surviennent dès que nous revêtons un corps matériel, quel qu’il soit; nous ne pouvons en aucune circonstance y échapper. Par suite, le meilleur usage que nous puissions faire de notre vie humaine consiste à raviver notre relation avec le Seigneur Suprême, Visnu. .
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