« Le plus haut bienfait qui puisse être conféré à l’homme consiste à l’instruire de façon à ce qu’il se détache de la vie sexuelle, car c’est elle seule qui perpétue, vie après vie, l’existence conditionnée dans la matière. »
C’est pourquoi parmi les quatres ashrâmas, les quatres étapes de la vie d’un véritable âryen, le brahmâcarya qui constitue la première étape est fondamental. Ainsi, même si par la suite le brahmâcari, l’étudiant ou l’étudiante célibataire, adopte la vie d’un grihastha, d’un père ou d’une mère de famille, il ne se comportera pas alors comme un animal ou pire même que celui-ci, mais bel et bien comme un être humain digne de ce nom et conscient de l’objectif supérieur de la vie humaine. Ainsi, avec l’arrivée de l’âge mur et le départ des enfants c’est sans mal qu’une telle personne adoptera la troisième et quatrième étape des ashrâmas, le vanaprastha et le sannyâsa; le détachement de la vie sexuelle et le plein engagement dans la vie spirituelle, le service de dévotion offert à Sri Krishna, Dieu, la Personne Suprême. Parvenu à cette étape, son retour à Dieu – ou en tout cas une future bonne naissance- est garantie.
SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 2 CHAPITRE 6 VERSET 20
pādās trayo bahiś cāsann
aprajānāḿ ya āśramāḥ
antas tri-lokyās tv aparo
grha-medho ‘bṛhad-vrataḥ
Le monde spirituel, qui représente les trois quarts de l’énergie du Seigneur, s’étend au-delà de l’univers matériel; il est particulièrement destiné à ceux qui ne doivent plus jamais renaître. Toutefois, ceux qui demeurent attachés à la vie de famille et qui ne respectent pas rigoureusement les voeux de célibat, doivent demeurer dans les trois sphères de l’univers matériel.
Ce verset du Srimad-Bhagavatam révèle parfaitement le but ultime de l’institution du varnâsrama-dharma, également connue sous le nom de sanâtana-dharma (la religion éternelle). Le plus haut bienfait qui puisse être conféré à l’homme consiste à l’instruire de façon à ce qu’il se détache de la vie sexuelle, car c’est elle seule qui perpétue, vie après vie, l’existence conditionnée dans la matière. Il faut tenir pour dégradée la civilisation qui ne prône aucune restriction sexuelle car elle crée ainsi un climat dans lequel il sera impossible pour l’âme d’échapper à la geôle du corps matériel. Naissance, vieillesse, maladie et mort sont le propre du corps de matière, et s’opposent à la nature même de l’âme spirituelle. Mais tant qu’est nourri l’attrait pour le plaisir des sens, l’âme distincte se voit contrainte de perpétuer le cycle des morts et des renaissances successives pour le compte du corps matériel: un simple vêtement soumis aux lois de l’usure.
L’institution du varnâsrama confère à l’homme le plus haut des bienfaits en l’éduquant dès l’enfance par un voeu de continence: le brahmâcarya. L’ordre du brahmâcarya est destiné aux disciples qui sont instruits dans l’observance d’une continence rigoureuse. Ceux qui adoptent le brahmâcarya depuis leur tout jeune âge, alors qu’ils n’éprouvent aucun attrait pour la vie sexuelle, n’auront aucun mal à respecter leur voeu; ainsi établis sur cette voie, ils atteindront la plus haute perfection, celle d’accéder au royaume où prédominent les trois quarts de l’énergie du Seigneur, et où l’on ne trouve ni mort, ni crainte, mais une existence de félicité, toute de savoir et d’éternité. Le grihâstha attaché à la vie de famille renoncera sans mal à l’activité sexuelle s’il a été éduqué selon les préceptes du brahmâcarya. Il est conseillé au grihâstha de quitter son foyer lorsqu’il atteint la cinquantaine et d’aller vivre dans la forêt (pañcaśordhvaḿ vanaḿ vrajet). Puis, lorsqu’il est parfaitement détaché de l’affection pour les membres de sa famille, il embrasse alors l’ordre du renoncement, le sannyâsa, pour oeuvrer pleinement au service du Seigneur. Tout enseignement religieux où le fidèle est formé de manière à prononcer un voeu de continence s’avère bénéfique car seuls ceux qui reçoivent pareille éducation pourront mettre un terme à cette triste existence matérielle. L’enseignement du nirvana, préconisé par Bouddha, a également pour fin de mettre un terme aux souffrances liées à l’existence dans la matière. Et le Srimad-Bhagavatam recommande ici d’adopter cette voie en gardant toujours à l’esprit le concept de la plus haute perfection, puisqu’il n’existe fondamentalement aucune différence entre bouddhistes, adeptes de Sankaracarya et vaisnavas. En effet, pour atteindre à la plus haute perfection, soit l’affranchissement des morts et des renaissances, de l’angoisse et de la crainte, aucune de ces voies n’admet que soit brisé le voeu de continence.
Les gens de famille et ceux qui ont délibérément brisé le voeu de continence n’auront pas accès au royaume de l’immortalité. Les chefs de famille vertueux, les yogis et les spiritualistes déchus pourront se voir élevés jusqu’aux planètes édéniques supérieures de l’univers matériel -qui représente le quart de la manifestation totale- mais, répétons-le, ils ne parviendront pas à accéder au royaume de l’immortalité. On qualifie d’abṛhad-vratas ceux qui ont brisé leur voeu de continence. Les vanaprasthas, ceux qui se sont retirés du cercle familial, ainsi que les sannyasis, qui ont embrassé l’ordre du renoncement, ne peuvent espérer parvenir à leurs fins, s’ils brisent leur voeu de continence. Brahmacaris, vanaprasthas et sannyasis n’aspirent nullement à renaître (apraja), et ne doivent donc en aucune manière se livrer secrètement à l’acte charnel. Le spiritualiste qui déchoit ainsi pourra se racheter en prenant une autre forme humaine au sein d’une famille vertueuse de brahmânas ou de riches marchands, et espérer ainsi s’élever à nouveau, mais mieux vaut atteindre la plus haute perfection, soit l’immortalité, dès qu’est obtenue la forme humaine; sans quoi, la mission entière qui est dévolue à l’homme sera un échec complet. Sri Chaitanya montrait une grande rigueur envers Ses disciples en ce qui touche à la continence. Aussi infligea-t-il une punition terrible à l’un de Ses proches disciples, Chota Haridasa, qui avait manqué à son voeu. Pour le spiritualiste qui aspire tant soit peu à s’élever au-delà des souffrances matérielles, il est moins grave de se suicider que de s’abandonner volontairement à la vie sexuelle, surtout pour celui qui a embrassé l’ordre du renoncement. Un sannyasi qui s’adonne aux plaisirs de la chair, voilà bien la plus vile déchéance religieuse. Celui qui connaît un tel fourvoiement ne pourra être sauvé que s’il a la fortune de rencontrer un pur bhakta.
(1) « Le contenu de cette éducation hors pair n’est pas d’essence uniquement académique » :
C’est-à-dire qu’il n’est pas comparable avec celui que l’on retrouve au sein du système éducatif moderne; un système qui vise principalement l’accumulation de connaissances purement matérielles et technologiques et ignore délibérément le développement de qualités supérieures chez « l’érudit ». En fait, le véritable érudit selon la culture védique du varnasrâma dharma est celui qui a développé en lui des qualités spirituelles supérieures et qui parvient ainsi à se libérer du cycle des samsaras. Voir à ce sujet la fable fort instructive du passeur et du savant citée souvent par Srila Prabhupâda. Cette petite histoire illustre le fait que peu importe la somme de connaissance académique que l’étudiant aura pu accumuler au cours de ses études, s’il ne sait pas nager – c’est-à-dire au sens métaphorique s’il ne connaît pas l’art, à travers la culture de la conscience de Krishna, de traverser le cycle des morts et des renaissances -, alors tout le soi-disant savoir qu’il aura acquis, parce qu’il ne réussit pas à le sauver des griffes des morts et des renaissances répétées, aura été vain et inutile.
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