Le chômage équivaut-il au meurtre?

 

  Vrindavana Lila, une habitante d’un petit village du nord de l’Inde, revient dans son village et constate avec inquiétude que « le progrès » est passé par là ; le village a  subi des bouleversements économiques et sociaux importants. 
     Après une longue absence,  je suis retournée à mon village Deviapur, près d’Ayodhya en Uttar Pradesh. Dès ma descente du train j’ai constaté avec surprise de nombreux changements. Alors qu’autrefois les villageois avaient coutume de se rendre de la station de train chez eux, en bicyclette ou en char à boeuf (étant enfant je préférais cette dernière option), c’est à présent par le grondement et les gaz des voitures et des deux engins à deux roues, qui nous avons été acceuillis.
  Sur le chemin de la maison, alors que mes cousins me désignaient nos champs, je fus bien surprise de constater qu’on ne voyait pratiquement plus de boeufs en train de tirer les charettes ou de labourer la terre. Aussi loin que je portais mon regard, il n’y avait quasiment plus aucun boeuf! A  leur place, on utilisait un tracteur.  Un engin infernal, bruyant et fumant, dont l’aspect même est repoussant, et qui pourtant et bizarrement, est considéré comme un symbole de la réussite et de la prospérité économique du village.

  Où sont passés les vaches et les boeufs? La  réponse est évidente et le rapport entre la diminution considérable du nombre de vaches et de boeufs dans les villages et l’augmentation croissante du nombre d’abattoirs en Inde n’est pas difficile à faire.Nous vivons à une époque où ‘le principe d’utilité’ exerce une influence prédominante; selon celui-ci,  la légitimité à vivre d’un être vivant est déterminée en fonction de sa valeur économique au sein de la société humaine.Aux temps védiques, ou même il y a 20 ans de cela,  le concept de ‘maison de retraite’ n’existait pas, mais depuis, les choses ont bien changé. Tout cela parce que les familles sont à présent désunies et que les personnes âgées, dès qu’elles ne sont plus économiquement productives, sont rejetées par les jeunes et envoyées dans des maisons de retraite (quand on ne les abandonne pas tout bonnement à une mort lente!).

Considérant  leurs propres enfants comme des obstacles à la prospérité économique,  les parents les assassinent avant même leur naissance (avortement). Quand une épouse ne rapporte pas la dot escomptée, ou que celle-ci est considérée insuffisante, elle est brûlée vive par son mari ou par ses beaux parents (1).  Quand notre mère la vache est âgée et qu’elle ne donne plus de lait, on l’envoie à l’abattoir. Puisque le boeuf a été remplacé par le tracteur, et est donc à présent ‘sans emploi’ ( économiquement improductif), il est aussi envoyé à l’abattoir. Dès qu’il se retrouve ‘sans emploi’ l’être ,quel qu’il soit, humain ou animal, devient économiquement improductif. La seule solution alors est de s’en débarrasser… Dans quelle société ‘civilisée’ vivons-nous donc ?!!Pourquoi le chômage, ce véritable fléau, sévit-il avec une telle ampleur au sein de notre société moderne ? Essayons si vous le voulez bien d’en comprendre les raisons.

Les fondements même du modèle éducatif moderne sont erronés. Ce modèle a dévasté nos racines spirituelles et a produit uniquement des shudras – c’est la première violation du varnashrama-dharma. Les brahmanas, kshatriyas, et vaishyas sont par nature indépendants. Les shudras seuls sont dépendants. Les nouveaux shudras “éduqués” ne peuvent plus assumer leur fonction traditionnelle – deuxième violation. Ils abandonnent l’agriculture aux parents et partent à la recherche d’un emploi dans les villes – autre violation. Une première violation entraine une série de violations.

Les lois de la nature punissent les violateurs. D’une soi-disant indépendance il passe à la dépendance des villes. En dépit des conséquences amères qu’elle engendre, cette attraction pour la ville est si puissante que les jeunes n’hésitent pas à partir en masse et à laisser leurs ainés seuls et démunis, incapables de répondre aux besoins de l’agriculture et des métiers traditionnels. Les terres sont alors vendues à des industrialistes, ou bien des machines sont achetées pour l’agriculture, car l’agriculture a besoin naturellement de beaucoup de main-d’oeuvre.

Et comme si tout cela n’était pas encore assez, on engendre le chômage, non pas uniquement pour les humains mais aussi pour les animaux tels que les boeufs, vaches, chevaux, créant ainsi une civilisation meurtrière. Les villages n’arrivent plus à assurer la  subsistance de leurs habitants, car ils manquent de main-d’oeuvre et les villes, avec leur mode de vie artificiel, engendrent maints problèmes aussi: familles brisées, air pollué, criminalité, cadre de vie stressant, nourriture malsaine, eau contaminée, bruit, embouteillages et chômage.

Malgré tout, les Indiens aiment courir après le “rêve américain”. Dans notre désir de promouvoir la vie moderne des cités, ne tuons-nous pas les villages? Ne créons-nous pas plus de chômage, à la fois pour les hommes et les animaux, et ne devenons-nous pas ainsi des meurtriers?

Dans l’organisation d’un daivi varnashrama (l’organisation spirituelle de la société telle que donnée par Dieu), il est important de noter que le Seigneur est au centre de toutes nos activités. Ainsi, selon la culture védique, on ne doit pas travailler plus que le temps qu’il faut pour assurer sa subsistance, préservant un temps précieux pour la culture de sa vie spirituelle.

La vie n’était-elle pas plus belle avant? Quand le meuglement des vaches annonçait les premières lueurs de l’aube – au lieu du bruit des moteurs; que l’on se baignait dans l’eau des rivières – au lieu d’une salle de bain/toilettes exigue; que l’on grimpait aux arbres pour se régaler d’un festin de fruits frais – au lieu de fruits sous cellophane, réfrigérés et dénués de saveur. On a déjà tellement perdu !

La tableau champêtre merveilleux de Vrindavana rendra n’importe qui nostalgique. Dénier au Seigneur Sa position centrale de Bénéficiaire Suprême  en cherchant à usurper Sa place est à la source de tous nos problèmes. Nous voulons ainsi L’imiter et même devenir Lui (devenir Dieu). Le résultat est la violation de Ses instructions et des lois de la nature matérielle.

Alors que nous dédaignons notre milieu naturel (celui d’un village), la nature, en retour,  se venge de différentes façons – maladie, famine, calamités naturelles, etc…Quand, d’autre part, nous faisons l’effort de vivre de la  manière qui convient au Seigneur (le Daivi Varnasrama), la nature est là pour nous faciliter l’existence.

Retourner à nos racines n’est pas aussi difficile qu’on le croit. Nos liens profonds avec la terre, les vaches et Krishna doivent être ravivés et nous devons faire un choix plus naturel et scientifique – faire des villages sur le mode de Vrindavana.

(1) Le gouvernement indien déclare chaque année environ 8000 crimes pour dot. Les associations annoncent un chiffre trois fois plus élevé et en constante augmentation.



Catégories :Faits de société; analyse et solutions

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