Une vision de lotus

(d’après les célèbres prières de la reine Kunti)


par  Sa Divine Grâce
A.C Bhaktivedanta Swami Prabhupāda
(traduction de Denis Bernier et Pierre Corbeil)

Cinquième Chapitre 

Une vision de lotus

namaḥ pańkaja-nābhāya
namaḥ pańkaja-māline
namaḥ pańkaja-netrāya
namas te pańkajāńghraye

 » À Toi mon hommage respectueux, ô Seigneur, dont le ventre s’orne d’une dépression en forme de lotus, que toujours pare une guirlande de lotus, dont le regard a la fraîcheur du lotus et dont la plante des pieds est gravée de lotus. À Toi mon hommage, encore et encore. « 
                              ( Srimad-Bhâgavatam 1.8.22 )

    Ce verset mentionne certains des signes particuliers qui marquent le Corps spirituel de Dieu, la Personne Suprême, et qui le distinguent du corps de tous les autres êtres. Lorsque le Seigneur descend en ce monde, on peut se méprendre sur Son identité, et Le voir comme un homme ordinaire, mais ces traits caractéristiques Le distinguent éternellement de tous les autres êtres.

Srîmatî Kunti s’est déclarée inapte à voir le Seigneur en raison de son appartenance à la gent féminine. Car, femmes, sudras et dvija-bandhus, ou membres déchus des trois varnas supérieurs, n’ont généralement pas l’intelligence nécessaire pour percer les questions spirituelles s’attachant au Nom, à la Renommée, aux Attributs et aux Formes transcendantales de la Vérité Suprême et Absolue. Mais bien qu’ayant un accès restreint à ces matières, ils peuvent Le voir dans Son arca-vigraha – Forme de la Murti sous laquelle Il descend dans l’Univers matériel à seule fin de bénir les âmes déchues. Parce que celles-ci ne savent rien percevoir au-delà de la matière, le Seigneur daigne entrer dans chacun des innombrables univers sous la Forme de Garbhodakasâyî Vishnu; Celui-ci fait pousser, de la dépression en forme de lotus située au centre de Son abdomen purement spirituel, une fleur de lotus sur laquelle naît Brahmâ, le premier être créé dans l’Univers. D’où le Nom de Pankajanâbha qu’on attribue au Seigneur, lequel accepte en outre de Se manifester sous la forme de l’arca-vigraha. Celle-ci, toute spirituelle, apparaît dans divers éléments : elle peut être constituée de pierre, de bois, de terre, de métal ou de joyaux, mais également se manifester sur le sable, dans la peinture ou dans le mental. Les formes que prend le Seigneur dans ces divers éléments sont toujours parées de guirlandes de lotus, et les temples où on les adore baignent sans cesse dans une atmosphère de fraîcheur apaisante, ceci afin d’attirer l’attention tourbillonnante des non-dévots brûlants de la fièvre matérielle. Ceux qui pratiquent la méditation dans sa forme pure contemplent et adorent le Seigneur à l’intérieur de leur mental; mais Celui-ci ne montre pas moins de miséricorde envers les femmes, les sûdras et les dvija-bandhus, apparaissant spécialement dans diverses Formes installées dans des temples où l’on doit cependant se rendre pour les adorer. Notons ici que ces adorateurs ne sont pas des idolâtres, comme le voudraient certains ignorants. Tous les grands âchâryas ont érigé, en divers endroits, des temples destinés à l’adoration de ces Formes du Seigneur, à seule fin de favoriser les hommes doués d’une intelligence moins pénétrante; et nul ne devrait se targuer d’avoir dépassé le stade de l’adoration dans le temple quand il se classe par ailleurs au niveau des sûdras ou d’êtres plus bas encore.
Lorsqu’on se trouve devant la Forme du Seigneur, il faut poser son regard d’abord sur Ses pieds pareils-au-lotus, puis s’élever graduellement, de Ses jambes à Sa taille, à Sa poitrine et, finalement, à Son visage. Il ne faut pas chercher à contempler le visage du Seigneur sans d’abord être familier avec la vision de Ses pieds de lotus. Srîmatî Kunti, cependant, parce qu’elle était la tante du Seigneur, Son aînée, ne regarda pas d’abord Ses pieds, mais Sa taille, située au-delà, pour éviter de Le mettre dans l’embarras. Puis, de Sa taille, elle éleva graduellement son regard jusqu’à Son visage, et redescendit vers Ses pieds pareils-au-lotus, décrivant ainsi un cercle complet, dans un ordre parfait.

Dès qu’on aperçoit un lotus, on peut aussitôt se rappeler de Krishna. Lorsqu’on aime son enfant et qu’on voit un de ses vêtements, ou ses souliers, son petit bateau ou un autre jouet lui appartenant, on se souvient immédiatement de lui :  » Voici les souliers de mon enfant; voici ses jouets, son vêtement.  » Telle est la nature de l’amour. Ainsi, si on aime vraiment Dieu, Krishna, on ne L’oubliera jamais.

Il est facile de se rappeler de Krishna. Dans ce verset, Kunti Le dépeint en Le comparant au lotus. Et Krishna Se décrit ainsi dans la Bhagavad-Gîtâ  : raso ‘ham apsu kaunteya –  » Des substances liquides, Je suis la saveur.  » (Bg 7.8) Le goût de l’eau peut donc évoquer le souvenir de Krishna. Si ceux qui boivent fût-ce même de l’alcool pensaient :  » Krishna donne à cette boisson sa saveur « , ils pourraient un jour devenir de grands saints. Je peux donc inviter même les alcooliques à devenir conscients de Krishna, que dire des autres, puisque Krishna dit : raso ‘ham apsu kaunteya –  » Je suis la saveur des liquides.  » En général, le mot  » liquide  » dans ce contexte désigne l' » eau « . Or, l’alcool est aussi un liquide, obtenu par la distillation du sucre et de la mélasse, ou quelque autre mélange fermenté. Bien sûr, l’alcool est nocif du fait qu’il enivre. Quoique dans un sens, rien n’est mauvais, l’alcool engendre néanmoins des conséquences néfastes. L’Amérique compte tant d’alcooliques qu’ils sont légion. Mais je leur demande également :  » Quand vous buvez du vin, n’oubliez pas que Krishna lui donne sa saveur. Commencez ainsi et un jour, vous serez des âmes saintes, conscientes de Krishna.  »

Krishna demeure donc accessible en toutes circonstances, pourvu que nous désirions L’appréhender. Il déclare d’ailleurs dans la Bhagavad-Gîtâ  :

tesâm satata-yuktânâm
bhajatâm prîti-pûrvakam
dadâmi buddhi-yogam tam
yena mâm upayânti te

 » Ceux qui toujours Me servent et M’adorent avec amour et dévotion, Je leur donne l’intelligence par quoi ils pourront venir à Moi.  » 
                    (Bhagavad-gita 10.10)

Qui cherche vraiment Krishna Le découvrira partout. Andântara-stha-paramânu-cayântara-stham govindam âdi-purusam tam aham bhajâmi (Brahma-samhitâ 5:35); Krishna est aussi présent en l’Univers qu’en notre cœur et dans l’atome. Il n’est donc guère difficile de Le trouver; il suffit de connaître le moyen d’y parvenir. Sur la requête de Sri Chaitanya Mahâprabhu, nous l’offrons gracieusement à tous. Ce moyen fort simple consiste à chanter – ou réciter – le mantra Hare Krishna pour aussitôt comprendre Krishna.

De même, le seul chant ou l’écoute des versets du Srimad-Bhâgavatam nous purifiera. Toute connaissance qui existe en ce monde – qu’il s’agisse de littérature, de poésie, d’astronomie, de philosophie, de religion ou d’amour de Dieu – se retrouve dans cet ouvrage. Srimad-Bhâgavatam pramânam amalam. La seule lecture du Srimad-Bhâgavatam confère la plus haute éducation, car l’étudier nous familiarisera avec toutes les branches du savoir. Même sans saisir un seul mot des mantras qui le composent, leur vibration sonore jouit en soi d’un tel pouvoir que le seul fait de les chanter nous purifie. Srnvatâm sva-kathâh krsnah punya-sravana-kîrtanah (S.B. 1:2:17) . Le mot punya signifie  » pieux « , sravana se traduit par  » écouter  » et kîrtana par  » chanter « . Quiconque chante ou écoute les versets du Srimad-Bhâgavatam devient automatiquement empreint de piété, ce qui requiert habituellement de grands efforts. Or, la simple écoute du Bhâgavatam et de la Bhagavad-Gîtâ confère naturellement la piété. Voilà pourquoi les classes quotidiennes, où l’on pratique ce chant et cette écoute, constituent un principe inflexible dans chaque temple de notre Mouvement pour la Conscience de Krishna, mouvement destiné à créer des leaders spirituels, chose impossible sans la pratique du chant et de l’écoute. Bien sûr, cela est possible dans le monde matériel, mais non dans le monde spirituel.

mâlî hañâ sei bîja kare âropana
sravana-kîrtana-jale karaye secana

Le chant et l’écoute arrosent la graine de la dévotion, qui fait s’épanouir notre conscience originelle.
                      (Chaitanya Charitamrta., Madhya 19:152)

Kunti, cette grande dévote, nous offre ainsi, par ses prières, l’occasion d’éveiller notre conscience de Krishna en concentrant simplement nos pensées sur le lotus (pankaja). Le terme panka signifie  » fange  » et ja  » engendrer « . Quoique le lotus émerge de la fange, c’est une fleur de première importance et Krishna l’apprécie grandement. Kunti décrit ainsi toutes les parties du corps de Krishna en les comparant au lotus, de sorte que dès qu’on aperçoit cette fleur, on se souvienne de Lui :  » Le nombril de Krishna ressemble au lotus  , nombril d’où émerge la tige du lotus sur les pétales duquel naît Brahmâ, démiurge de l’Univers, qui renferme des myriades de planètes, d’océans, de montagnes, de villes dotées de véhicules et autres commodités. L’Univers entier a néanmoins pour origine ce lotus.  »

Namah pankaja-mâline : de Krishna émane le sublime lotus contenant la semence de l’Univers entier. Mais Il n’est pas l’origine de cette seule fleur; le Seigneur n’est pas si pauvre qu’Il ne peut créer qu’un seul et unique lotus. Non; de même qu’une guirlande est formée de plusieurs fleurs, Krishna est la source d’innombrables univers comparables à une immense guirlande de lotus. Ainsi se traduit la grandeur de Dieu. Yasyaika-nisvasita-kâlam athâvalambya jîvanti loma-vilajâ jagadanda-nâthâh [Brahma-samhitâ 5:48]. Krishna est infini. Notre planète nous préoccupe beaucoup, mais la Création est contient une infinité. On ne peut les compter toutes, pas plus qu’on ne saurait estimer le nombre de cheveux sur notre tête. Telle est la nature de la Création de Krishna. Citons un autre exemple : chaque arbre produit des feuilles en profusion; de même, il existe des myriades de planètes et d’univers. Conclusion : Krishna est infini.

L ‘ombilic de Krishna ressemble au lotus; un collier de lotus se balance à Son cou et Ses yeux s’épanouissent comme les pétales de cette fleur : âlola-candraka-lasad-vanamâlya-vamsî (Brahma-samhitâ 5:31). Si nous méditons simplement sur ce verset, qui compare le corps de Krishna au lotus, nous pourrons toute notre vie évoquer Sa beauté, Sa sagesse et la façon dont Il manifeste la Création. Penser à Krishna : voilà en quoi consiste la méditation. Dhyânâvasthita-tad-gatena-manasâ pasyanti ‘yam yoginah; qui pense toujours à Krishna est certes un yogi (SB 12.3.1) .

Ceux qui méditent sur quelque entité impersonnelle ne sont pas des yogis. Kleso ‘dhikataras tesâm avyaktâsakta-cetasâm  : leur méditation s’avère toujours plus difficile et sans résultat substantiel (BG 12:5). De sorte qu’une fois leur méditation achevée, ils diront :  » Vous n’auriez pas une cigarette ? J’ai la gorge sèche.  » Ce n’est pas là ce qu’on entend par méditer. Méditer consiste à toujours penser à Krishna (satatam cintayanto mâm), tout en s’efforçant avec détermination de progresser dans la conscience de Krishna – yatantas ca drdha-vratâh (BG 9:14)

Il importe de se purifier. Param brahma param dhâma pavitram paramam bhavân (Bg 10:12) . Krishna étant pur, on ne peut L’approcher sans s’être d’abord purifié. Si nous pensons sans cesse à Lui, cette méditation nous purifiera de toute souillure. Punya-sravana-kîrtanah (S.B. 1:2:17) . Le chant et l’écoute favorisent cette méditation spontanée. Voilà en quoi consiste la conscience de Krishna. Sravanam kîrtanam visnoh smaranam (S.B. 7:5:23) . Le mot smaranam signifie  » souvenir « . En pratiquant le chant comme l’écoute, le souvenir viendra tout naturellement, nous permettant alors d’adorer les pieds pareils-au-lotus de Krishna (sevanam). L’adorant dans le temple (arcanam) et Lui offrant des prières (vandanam), nous deviendrons Ses serviteurs (dâsyam) et amis (sakhyam), Lui abandonnant tout (âtma-nivedanam). Ainsi se pratique la conscience de Krishna.

                                            SUITE:  Le maître des sens

Brahma-samhitâ 5:35

eko ‘py asau racayituḿ jagad-aṇḍa-koṭiḿ
yac-chaktir asti jagad-aṇḍa-cayā yad-antaḥ
aṇḍāntara-stha-paramāṇu-cayāntara-stham-
govindam ādi-puruṣaḿ tam ahaḿ bhajāmi

« J’adore Govinda, le Seigneur originel, qui forme un Tout non différencié, puisque Ses énergies ne diffèrent pas de Sa Personne. En Lui les innombrables univers puisent leur existence, et leur création n’enlève rien à Sa puissance propre. Dans Sa plénitude, Il se trouve aussi présent au coeur de chacun des atomes épars dans l’Univers. »

Brahma-samhitâ 5:48

yasyaika-niśvasita-kālam athāvalambya
jīvanti loma-vila-jā jagad-aṇḍa-nāthāḥ
viṣṇur mahān sa iha yasya kalā-viśeṣo
govindam ādi-puruṣaḿ tam ahaḿ bhajāmi

« Les Brahmâs et autres dirigeants des mondes matériels apparaissent des pores de Mahâ-Visnu et vivent le temps d’une de Ses expirations. J’adore le Seigneur originel, Govinda, dont Mahâ-Visnu est une émanation de Son émanation plénière. »

Brahma-samhitâ 5:31

 ālola-candraka-lasad-vanamālya-vaḿśī-
ratnāńgadaḿ praṇaya-keli-kalā-vilāsam
śyāmaḿ tri-bhańga-lalitaḿ niyata-prakāśaḿ
govindam ādi-puruṣaḿ tam ahaḿ bhajāmi

« J’adore Govinda, le Seigneur originel, qui toujours Se complaît dans des Divertissements d’amour. Une guirlande de fleurs sauvages rehaussée d’un médaillon de lune se balance à Son cou, et des parures de joyaux  ornent Ses main, où danse Sa flûte. Il Se manifeste éternellement dans la gracieuse Forme de Syâmasundara, qui dessine trois lignes courbes. »



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