Le suicide, fléau des temps modernes n°3/4

LUTTER CONTRE

LE SUICIDE

2) L’influence des gunas


 a) Qu’est-ce que les gunas?


Pour mieux comprendre le sujet du suicide et de la dépression, il est important d’aborder le thème des trois gunas et de leurs influences prédominantes dans la vie de chacun. Car les qualités telles que la dépression, la tristesse, le laissez-aller, la léthargie, la colère qui peuvent conduire, dans certains cas, au suicide, sont des manifestations du guna de l’ignorance.

Mais d’abord il est important de rappeler ce que sont les gunas. Il s’agit des diverses influences qu’exerce l’énergie matérielle, sur les êtres et les choses; ils déterminent, entre autres, la façon d’être, de penser et d’agir de l’âme qu’ils conditionnent. Ils sont au nombre de trois: sattva-guna (vertu), raja-guna (passion) et tamo-guna (ignorance) . L’influence des gunas dans nos vies est puissante et déterminante, tant et si bien, que le terme sanskrit « guna » signifie aussi « cordes ». Les cordes auxquelles nous sommes attachées et ainsi, privés de réelle liberté.

Les gunas ne sont pas de simples notions philosophiques et théoriques, ils revêtent un caractère tangible, concret et scientifique. Dans la médecine ayurvédique par exemple, pratiquée en Inde depuis des millénaires, cette connaissance des gunas et de leurs interactions, connaît une application pratique dans la formulation des diagnostiques et la réalisation des remèdes médicinaux face aux diverses maladies, physiques, aussi bien que mentales.

Outre le domaine médical, en Inde, pendant des millénaires, toute l’organisation sociale de la société (le varnashrama dharma) fut conçue en fonction de l’influence des trois gunas.

Ainsi, selon l’influence prédominante qui régit les qualités, le caractère et les aptitudes individuelles d’une personne, celle-ci sera considérée comme appartenant à tel ou tel varna ou ashram, et orientée, vers telle ou telle fonction sociale. Concernant les ashramas, dans le grihastha-asrama ou l’étape de la vie marié, les futurs mariés étaient unis en fonction de l’influence du guna (vertu, passion ou ignorance) qui régissait chacun des époux. Cette organisation de la société décrite dans la Bhagavad-gita (Bg. 4.13) étant crée par Dieu, Lui-même, n’est pas uniquement conçue pour l’Inde mais pour toute société qui aspire au bonheur et à la prospérité matérielle et spirituelle.

cātur-varṇyaḿ mayā srstaḿ
guṇa-karma-vibhāgaśaḥ

« J’ai créé les quatres divisions de la société en fonction des trois gunas et des devoirs qu’ils imposent à l’homme. »

En fait, l’influence des gunas est tellement grande que l’on peut dire, sans hésitation, qu’elle s’étend à tous les domaines de l’existence matérielle. Sri Krishna dans le Srimad Bhagavatam ( 11.25.30) énumère des éléments fondamentalement influencés par les trois gunas : « la substance matérielle, le lieu, l’auteur de l’action, la foi, l’état d’esprit (façon de se nourrir, de s’habiller, de penser, de s’exprimer, etc…) , les différentes espèces vivantes et la destination après la mort ». Tous ces éléments sont déterminés par les trois modes de la nature matérielle. En fait, leurs influences sont exercées à la source même du processus de création (à travers Brahma pour la création et qui représente le guna de la passion), se manifeste au coeur même du processus de maintien de cette création ( à travers le Seigneur Vishnu, Dieu, la Personne Suprême , qui maintient et représente le guna de la Vertu) et jusqu’au moment de sa destruction finale ( à travers Shiva qui représente le guna de l’ignorance). 

Donc, pour revenir au sujet qui nous préoccupe, soit la lutte et la prévention du suicide, nous avons déjà dit qu’il était trés important de comprendre la cause de sa présence, soit l’influence du guna de l’ignorance.

Bien que l’on ait, plusieurs fois, relié le suicide à l’ignorance, il faut savoir, malgré tout, qu’on ne peut pas comprendre la cause d’un acte tel que le suicide à la seule action de l’ignorance. Il est important de comprendre que les gunas n’exercent pas leurs influences sur une personne, de façon toujours linéaire, exclusive et clairement définie. Bien que chez une personne, l’influence d’un guna puisse prédominer sur un autre, les gunas sont loin d’agir sur une personne de façon linéaire et exclusive . Autrement dit, une personne n’est jamais influencée uniquement par l’ignorance, uniquement par la vertu et uniquement par la passion mais en premier lieu par l’ignorance, en premier lieu par la vertu et en premier lieu par la passion.

Ainsi, Krishna explique dans la Bhagavad-gita (14.10) que « jamais entre les gunas ne cesse la lutte pour régner. » Autrement dit, tant que l’on est dominé et influencé par les gunas, notre situation dans ce monde, demeure instable, difficilement contrôlable et donc, source de souffrance. Prabhupada, dans la teneur et portée, nous incite à transcender leurs influences, car rien n’empêche que, même si quelqu’un parvient à s’établir pour un temps dans la vertu (donc hors de l’emprise de la passion et de l’ignorance), ou bien, pour un temps, dans la passion (donc hors de l’emprise de l’ignorance), il ne retombe à un moment donné sous l’emprise du guna inférieur.

Pour nous aider à mieux comprendre le jeux des gunas, prenons l’exemple (imaginée, mais plausible), de la vie de Marc .

Marc est né au sein d’une famille riche et prestigieuse (résultat d’actes de vertu passés), et se trouve principalement sous l’influence de la passion. Trés vite dans sa vie, Marc a décidé, encouragé par ses parents fortunés, qu’il voulait « réussir » dans la vie (passion), exercer une profession d’importance (passion) dans la société, et pourquoi pas, conquérir le monde (passion). Dans cette perspective excitante pour lui, Marc se verrait bien, par exemple, Président directeur générale d’une grande entreprise prospère internationale. Marc a, dans son adolescence, commencé à sortir la nuit, faire la fête (passion), et prendre de l’alcool et des intoxicants ( ignorance). Mais, d’une façon ou d’une autre, Marc s’est repris (vertu), et, aidé et encouragé par son père, a décidé de reprendre le cours d’une vie plus sérieuse (vertu).

Grâce à son désir d’apprendre et ses capacités personnelles (vertu), à sa persévérance et tenacité (vertu et passion), et sa destinée favorable (vertu), Marc réussit dans ses études.

Marc à 28 ans crée sa propre entreprise (passion). Aprés un travail acharné (passion), un judicieux plan d’action, renforcé par des circonstances favorables (vertu), et aussi quelques tractations malhonnêtes ( ignorance), Marc, enfin, à 32 ans, réalise son ambition première, et se voit propulsé vers la réussite sociale (passion). Son entreprise devient côtée en bourse. Elle a de nombreux actionnaires, riches, influents et exigeants, et elle acquiert une envergure internationale (passion).

Malheureusement, après dix ans de prospérité et de réussite (passion et vertu), à la suite de mauvais investissements répétés, jouant de malchance (ignorance) et de conjectures économiques défavorables (ignorance), Marc voit son entreprise internationale péricliter petit à petit (ignorance), et, finalement, au bout de plusieurs années, pendant lesquelles il accumule de nombreuses dettes, Marc passe devant le juge, et, est contraint, la mort dans l’âme, de liquider son entreprise (ignorance).

A cet instant de sa vie, Marc se sent terriblement seul (ignorance), et profondément affecté par la perte de son entreprise, de sa fortune, de son inflluence, de ses amis et le manque de respect de sa famille. A cet instant de grand désarroi (ignorance), ces vieux démons le reprennent (ignorance) et il décide, pour essayer de noyer son chagrin, de se réfugier dans l’alcool et la drogue (ignorance). Un soir, alors que sa femme vient de le quitter en emportant les enfants, car elle ne supporte plus son état dépressif, et les difficultés matérielles, Marc prend son fusil de chasse et se tire une balle dans la tête. Il meurt sur le coup.


 b) S’élever à la vertu par la pratique
   de la conscience de Krishna.


Bien sûr, cette histoire de la vie de Marc paraîtra pour certains un peu trop caricaturale et sombre, et je suis le premier à en convenir, mais mon intention en narrant cette histoire était de plusieurs ordres. Ainsi, concernant les trois gunas et leurs influences par rapport à l’histoire de Marc, et au-delà, il faut savoir:

1) que le jeux d’influence des gunas dans la vie d’un homme est fluctuant, variable, imprévisible et inconstant.

2) que l’on peut, au début, être influencé par la passion et un peu de vertu mais, malgré tout, finir dans l’ignorance (même si l’illustration, heureusement, n’est pas toujours aussi extrème que dans le cas de Marc). Et qu’ainsi, souvent, la passion (*) engagée dans la recherche du plaisir des sens et l’ambition matérielle, risque de nous conduire, la tête la première, dans le guna de l’ignorance (déprime, sentiment de dévalorisation, prise d’intoxicants, ressentiments, ennui, sommeil excessif, suicide, colère…)

3) que considérant (voir n°1) le caractère fébrile et inconstant de l’action des gunas dans nos vies, qu’ils sont à l’origine des situations heureuses et malheureuses que nous rencontrons constamment dans ce monde matériel ( alternances constantes des dualités des joies et des peines,
des plaisirs et des souffrances, de la réussite et de l’échec,…).

purusaḥ prakrti-stho hi
bhuńkte prakrti-jān gunān
 kāranaḿ guna-sańgo ‘sya
sad-asad-yoni-janmasu

 » Ainsi, l’être distinct emprunte, au sein de la nature matérielle, diverses manières d’exister, et y prend jouissance des trois gunas; cela, parce qu’il touche à cette nature. Il connaît alors souffrances et plaisirs, en diverses formes de vie. »
                                       Bhagavad-gita (13.22)

Il demeure donc trés inconfortable et pénible de demeurer sous leurs emprises. Il est donc urgent de s’affranchir de leur emprise.

4)
qu’il existe un état de conscience, transcendantal aux trois gunas, qui s’appelle « suddha-sattva » (Srimad-Bhagavatam 4.3.23), ou « pure vertu »,

           sattvaḿ viśuddhaḿ vasudeva-śabditaḿ

« La conscience de Krishna est le niveau de conscience pure où la Personne Divine, qui a nom Vāsudeva, Se révèle sans que le moindre voile subsiste. »
                   Srimad-Bhagavatam (4.3.23)

Ce niveau de conscience est situé au-delà de l’influence des gunas, autrement dit, ceux-ci non plus d’emprise sur soi et particulièrement les gunas de la passion et de l’ignorance. Ce niveau de conscience permet, par là même, de goûter à la félicité spirituelle, provenant du contact de l’âme spirituelle avec le Seigneur Suprême.

5) que seul, un remède spirituel et non matériel, soit la pratique du bhakti-yoga ou service de dévotion offert à Dieu, peut nous permettre de nous élever au dessus de l’influence des trois gunas:
mām ca yo ‘vyabhicārena
bhakti-yogena sevate
   sa gunān samatītyaitān
    brahma-bhūyāya kalpate
« Celui qui tout entier s’absorbe dans le service de dévotion, sans jamais faillir (avec détermination), transcende dès lors les trois gunas et atteint par là, le niveau du brahman. »
           Bhagavad-gita (14.26)

Nous atteignons alors, graduellement, un état de conscience transcendantale, de pure vertu (suddha sattva) qu’on appelle aussi « Conscience de Krishna ». Néammoins, ce service de dévotion, pour être efficace doit être authentique (attention aux imitations!), et ainsi doit être pratiqué, en accord avec les Ecritures védiques et la succession disciplique autorisée. La pratique du bhakti-yoga, pour être vraiment efficace, et porter les fruits ultimes de l’amour de Dieu (le but désiré), doit être accomplie selon les trois critères prescrits – guru, sastra, sadhu – , soit le maître spirituel, les Ecritures védiques et les saints vaisnavas. Tout autre forme de service de dévotion n’est que simple imitation et n’apportera, en dernier lieu, qu’insatisfactions et que perte de temps. Le service de dévotion authentique doit être offert exclusivement à Krishna, Dieu, la Personne Suprême, ainsi que Ses nombreux avataras (le service aux devas n’est pas du bhakti -yoga) et, sous la direction d’un guide expérimenté (un maître spirituel qualifié), pour que son action nous mène au but désiré: la libération complète de l’influence des gunas et de la matière et le retour au monde spirituel.

 6) que l’âme conditionnée ne peut, d’un seul coup, passer de l’influence des gunas inférieurs de la passion et de l’ignorance (particulièrement dans l’âge de Kali ou l’ignorance et la passion exercent une toute puissance), à l’état de pure conscience [voir n°4)].

Dans un premier temps donc, le pratiquant ou bhakta, devra, par la pratique du bhakti-yoga ou service de dévotion, se débarasser des anarthas ou impuretés qui encombrent son coeur et son mental. Il s’agit des tendances indésirables, superflues et sources de souffrance, qui encombrent inutilement notre mental et notre coeur, concupiscence, avidité, colère, etc…

tadā rajas-tamo-bhāvāḥ
kāma-lobhādayaś ca ye
ceta etair anāviddhaḿ
sthitaḿ sattve prasīdati

 » Aussitôt qu’en le coeur s’établit fermement le service de dévotion les influences de la passion et de l’ignorance, comme la concupiscence et l’avidité, s’y effacent. Le bhakta se fixe alors dans la vertu et trouve le parfait bonheur. »
               Srimad-Bhagavatam (1.2.19)

 Puis, enfin, en second lieu, par la pratique du service de dévotion pur, il brisera tout lien avec les gunas:

evaḿ prasanna-manaso
bhagavad-bhakti-yogataḥ
bhagavat-tattva-vijñānaḿ
mukta-sańgasya jāyate
« Ainsi, établi dans la vertu, l’être vivifié par la pratique du service de dévotion parvient à la libération, brise tout lien avec la matière, et accède alors d’une manière tangible à la science du Seigneur Suprême. »
               Srimad-Bhagavatam (1.2.20)

bhidyate  hrdaya-granthiś
chidyante sarva-samśayāḥ
ksīyante cāsya karmāni
drsta evātmanīśvare  

« Le noeud du coeur (hṛdaya-granthiś) est alors tranché, et tous les doutes réduits à néant. Et quand l’être perçoit que l’âme domine dans le corps, les chaînes du karma également se brisent. »
              Srimad-Bhagavatam (1.2.21)

(*) La passion engagée au service des sens matériels nous plongent progressivement dans l’ignorance, alors que la même passion engagée dans le service offert à Krishna, sous l’égide d’un maître spirituel qualifié, a pour conséquence, de nous aider à développer graduellement la vertu.

SUITE et fin… CONCLUSION à la série  » Le suicide, fléau des sociétés modernes »



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