L’absurdité de la vie..sans Dieu.

Cet article de Hayagriva ( Prof. Howard Wheeler) fut publié dans Back to Godhead, dans les années 70. Il est intéressant parce qu’il parle d’une philosophie, l’existentialisme, et de leurs protagonistes,  Sartre et Camus qui sont à l’origine, avec d’autres, de la pensée qui prédomine dans nos sociétés hédonistes modernes que l’homme est plus libre sans Dieu et que la nature de notre existence en ce monde étant absurde (puisque Dieu n’existe pas) il faut profiter de l’existence au maximum et s’adonner sans frein au plaisir des sens.

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Dieu est mort…  

  Même les penseurs de l’Eglise moderne le proclament. Et, en un sens, il est vrai que pour les sociétés comtemporaines, Dieu est devenu obscur, et que la plupart des hommes aiment mieux se tenir à l’écart de Son mystère. On tient pour mort Celui sur lequel furent entassés des volumes et des volumes de philosophie spéculative.

Depuis  un siècle, presque toutes les philosophies ont pris pour base l’hypothèse de la non-existence de Dieu. Parmi elles, l’existentialisme français, que se révéla au grand public dans la France de l’après-guerre, pense le monde comme dépourvu de sens, de finalité, dépourvu aussi de Maître suprême. Pourtant l’existentialisme assure que l’homme possède la liberté de vaincre le caractère absurde de l’existence. Mais il n’explique nulle part comment l’exercice de cette liberté peut donner à la vie son sens véritable. A partir de certains aspects de cette philosophie, dont Jean Paul Sartre fit la synthèse, l’insistance par exemple sur la grisaillle, la difficulté d’être, se développa le thème de l’absurde, que rendit populaire Albert Camus. Le thème séduisit la mentalité d’après-guerre par simplicité, par son cynisme également. Comme souvent, Camus avait à moitié raison, car l’existence matérielle est bel et bien absurde. Il est absurde que l’h sisyphe2.jpg omme porte le fardeau des vains plaisirs matériels, comme l’âne qui s’affaisse sous une charge de pierres. Le livre le plus célèbre de Camus, Le mythe de Sisyphe, où l’on trouve résumée la philosophie de l’absurde, utilise un mythe de la Grèce ancienne. L’avare et judicieux roi de Corinthe, Sisyphe, est, dans l’Hadès, condamné pour toujours à rouler jusqu’au sommet d’une colline un roc pesant; dès qu’il touche au but, la masse de pierre, éternellement, dévale à nouveau le pente. Et Camus fait de la condition absurde de Sisyphe celle commune à tous les hommes. Il vit l’homme condamné à rouler le pesant roc de l’existence matérielle jusqu’au sommet de quelque colline inconue, mais en vain, puisque la charge retombe, le forçant à recommencer sa besogne ingrate. Telle est, selon Camus, la condition permanente de l’homme. Le seul problème philosophique, conclut-il, c’est celui du suicide. On doit reconnaître à Camus le mérite de percevoir la futilité de l’existence matérielle, mais comment ne pas lui reprocher de n’offrir aucune solution positive si ce n’est une « prise de conscience » de l’absurde, débouchant sur une hypothétique « solidarité » humaine. Le succès de cette phillosophie était presque inévitable de l’autre côté de l’Atlantique et atteignit son apogée quelques années plus tard avec le mouvement beatnick. Mais la suite était également inévitable: si l’existence est absurde, jouissons alors le plus possible de nos sens. Telle est encore la philosophie hédoniste des hippies, fondée sur le pessimisme et l’absence de vie spirituelle.

    Kierkegaard et Nietzsche furent les précurseurs de l’existentialisme, Sartre et Camus le propagèrent, et la dupe en fut le grand public. On vit alors d’un seul coup chaque grand écrivain, de Homère à Shakespeare, subir le diagnostic de l’existentialisme. Des titres tels que La pensée existentialiste chez Wordsworth et Coleridge prirent la première place dans les vitrines des libraires, tandis que la Bhagavad-gita se trouvait reléguée aux rayons des ouvrages d’occultisme!

LE  MASQUE DE  MAYA

    Et, de toute évidence, elle y restera encore pour les années à venir. Les mots d’occultisme, d’occulte, viennent du latin occultum qui signifie une chose recouverte, cachée; de fait, seule une société où l’on cache le Divin de façon systématique peut trouver normal de ranger la Parole Divine dans les rayons d’occultisme. Dieu, en notre âge, reste caché, obscurci, mystique (du grec mysitkos, évoquant les rites secrets, les « mystères »). En cet âge de chaos technologique, le masque de mâyâ ( l’illusion matérielle) est pesant à l’extrème et , lorsque le Divin apparaît, Il semble n’être que quelque vision sans consistance que l’on désire rapidement écarter.

En cet âge, la vision de Dieu est aussi fuyante que des oiseaux sur la mer qu’on ne voit qu’un instant. On pourraît donc à juste titre se demander pourquoi Krishna, qui est l’Ensemble de toutes choses, demeure inaccessible à nos yeux. Mais sans réfléchir, parce que nul ne Le connaît, l’humanité conclut qu’Il n’existe pas ou qu’Il est mort.

Dans la Bhagavad-gita, Sri Krishna donne Lui-même la réponse: « Je ne Me montre jamais aux sots ni aux insensés; par Ma puissance interne (yoga-mâyâ), Je suis pour eux voilé. Ce monde égaré ne Me connaît donc point,  Moi le Non-né, l’Impérissable. » (Bhagavad-gita 7.25). Presque tous les êtres baignent dans l’illusion: « O descendant de Bharata, ô vainqueur des ennemis, tous les êtres naissent dans l’illusion ballotés par les dualités du désir et de l’aversion ». (Bhagavad-gita 7.27)

L’homme naît dans le monde matériel parce qu’il a désiré jouir de la matière; mais ses désirs de jouissance sont frustrés: alors il se prend de colère et projette sa haine sur les animaux, sur les autres hommes, enfin, sur Dieu. Sa passion devient frénétique, ses sens connaissent un bouleversement qui lui interdit tout accès à la claire perception du Seigneur Suprême, resplendissant et partout présent autour de lui. Pour lui, Krsna n’est jamais manifesté, car maya le voile dans son manteau d’oubli. Ainsi, Krsna, le Seigneur infaillible, demeure inconnu: « Parce que Je suis Dieu, la Personne Suprême, ô Arjuna, Je sais tout du passé , du présent et de l’avenir. Je connais aussi tous les êtres; mais Moi, nul ne Me connaît. » (Bhagavad-gita, 7.26). Et parce que nul ne connaît Krishna, cetes nul ne connaît Son chant, la Bhagavad-gita, que l’on relègue donc parmi les ouvrages de « sciences occultes ».

Les apparitions et disparitions de Dieu en ce monde son perpétuelles, éternelles, mais ce fait reste inaccessible à l’homme du commun. La chouette prétendrait que le soleil n’existe pas, parce qu’il l’aveugle, et qu’elle ne désire pas le voir. Nul flot de conjectures ou de disputes ne donne accès à la réalisation de la Vérité Absolue, mais pour celui à qui cette Vérité Absolue, Sri Krishna, Se révèle, tout sur Elle est aussitôt connu. Et la meilleure voie pour atteindre à cette connaissance est de servir Sri Krishna avec amour et dévotion, pour dépendre ainsi de Sa grâce. Comme le soleil stérilise les lieux impurs, Il purifie, avant de Se révéler à elle, l’âme qui Le sert. Les apparitions et disparitions de Krishna sont illimitées et éternelles, et la Bhagavad-gita enseigne que celui qui en connaît la nature est certes un sage, une âme libérée, qui plus jamais ne devra renaître en ce monde. Or, la connaissance véritable de ces apparitions et disparitions n’a rien d’occulte ou de difficile, puisque les Ecrits védiques la livrent à tous, tout entière. Hélas, dans son illusion, l’home y voit de « l’occulte », et ne leur accorde donc pas son sérieux. La philosophie athée de l’existentialisme, avec son sous-produit, la philosophie hippie, s’efface lorsqu’elle est confrontée avec celle que soutient la Bhagavad-gita. Mais pour une telle confrontation, il faudrait accepeter l’hypothèse d’un Etre Absolu qui donne son sens à la vie, ce que refuse le « concept » existentialiste.

Krishna, dans la Bhagavad-gita, dit que la nature se meut sous Sa direction, ce qui implique que l’univers a bien un sens, un but, connu par Son Maître. Et Krishna enseigne encore que d’âge en âge, il jette les myriades d’êtres créés, lesquels sont sans recours, dans les flots de Sa maya. Voilà qui écarte toute possibilité de liberté absolue chez l’homme, puisque ce dernier doit ainsi dépendre, pour sa création, son maintien et sa destruction, d’un autre que lui.

TRISTES PHILOSOPHES


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Dans l’ouvrage le plus connu de Sartre, La nausée, le personnage principal, percevant avec grande sensibilité la constante mutation des choses, est assailli par l’angoisse, les scrupules de conscience et le dégoût. Il voit devant lui les gens  les objets changer, et ressent l’existence en elle-même comme une substance collante, liquide, sirupeuse. Les drogues psychédéliques peuvent engendrer des expériences hallucinatoires de cet ordre, où le flux de la création, l’irréalité, l’éphémère de maya, sont intensément perçus. Le héros de Sartre se réfugie dans la permanence d’un vieux disque de jazz américain qu’il réécoute avec nostalgie. Les improvisations du saxophone lui procurent un sentiment de liberté,tandis que la répétition mécanique de l’enregistrement lui fait croire qu’il existe quelque stabilité et sécurité dans l’univers. Hélas, que ne prend-il refuge dans le chant du mantra Hare Krishna, qui lui conférerait la vraie liberté en l’affranchissant des chaînes de la conscience matérielle, qui l’affemirait dans l’accomplissement du divin service de dévotion offert à Sri Krishna! Pour Sartre, cependant, qui n’acceptera jamais le caractère absolu de Krishna, écouter le disque de jazz ou chanter le mantra Hare Krishna seront au même titre des conduites de « mauvaise foi« . L’oeuvre de Camus contient des passages analogues, un, entre autres, où le personnage, observant à distance un homme qui parle dans une cabine téléphonique, réalise soudain l’absurdité de sa pantomime. Et cette réalisation n’a rien de faux puisque Krsna lui-même enseigne dans la Bhagavad-gita que les hommes sont poussés à l’action, comme des passagers impuissants d’une machine constituée d’énergie matérielle: « Le Seigneur Suprême Se tient dans le coeur de tous les êtres, ô Arjuna, et dirige leurs errances à tous, qui se trouvent chacun comme sur une machine, constituée d’énergie matérielle. » (Bhagavad-gita, 18.61). Mais le philosophe de l’absurde ne pourrait jamais accepter Krishna, puisqu’aussitôt, il faudrait renoncer justement au caractère absurde de l’existence. Où est la « mauvaise foi »?

Le refus de la Bhagavad-gita par l’existantialisme reposerait sur des arguments d’ordre philosophique. Mais les hippies, eux, la rejetteraient parce que ses enseignements vont à l’encontre du développement sans frein des plaisirs sensuels et préconisent une vie vouée au tapasya, à l’austérité, afin d’atteindre l’Absolu. En fait, existentialisme et hippies rejettent les uns et les autres le caractère absolu de Krishna, parce qu’infatués d’eux-mêmes. Les premiers n’oseraient pas mettre  en cause le fétiche de la liberté personnelle, et les seconds, celui du tout-puissant phallus psychédélique. Aujourd’hui, la philosophie hippie a remplacé celle de l’existentialisme, car nul ne désire arracher aux drogues et aux liaisons charnelles le temps nécessaire pour lire de longs traités philosophiques quelque peu lassants. L’existentialisme n’en reste pas moins le précurseur de l’hédonisme contemporain.., et les épaves de Saint-Germain-des-Prés, flottant de table en table dans les cafés, au milieu d’une brume alcoolique, sont les ancêtres des hippies de maintenant.

Bien que l’existentialisme soutienne la thèse de la liberté individuelle, il ne saurait expliquer l’enchaînement de l’homme aux lois strictes de la nature, il ne saurait expliquer pourquoi l’homme doit irrésistiblement naître, manger, travailler pour gagner sa subsistance, respirer, dormir, pourquoi il demeure prisonnier des chaînes de la vie sexuelle, obligé de se défendre, forcé de vieillir, de connaître la maladie et, finalement, de mourir. Comment alors proclamer qu’un être est libre, sinon par l’illusion la plus grossière? L’homme est prisonnier de ce monde, constamment et partout assailli par les trois gunas, les influences de la vie matérielle. Sa seule liberté réside sans sa volonté d’abandon à Krishna, car Krishna Se révèle à l’âme soumise. C’est seulement ainsi qu’il jouira de la liberté sans fin inhérente à la vie spirituelle, au-delà de toute contingence matérielle, dans la connaissance, l’éternité, la félicité.

L’obscurcissement de Dieu par mâyâ est un des problèmes clé de la civilisation contemporaine. Un premier pas vers la solution consisterait à se demander pouquoi Dieu Se révèle à certains, et à d’autres, demeure un mythe inexplicable. C’est qu’il appartient au Divin de Se révéler ou de demeurer caché aux yeux des êtres. C’est là Sa prérogative. Les Ecritures affirment par ailleurs que Dieu n’aime ni ne hait personne, même s’Il semble ainsi Se partager.

Dans la Bhagavad-gita, Arjuna dit en s’adressant au Seigneur: « Comme des phalènes se hâtent  à leur perte dans le feu brûlant, ainsi tous les hommes se précipitent dans Tes bouches pour s’y détruire. » (Bhagavad-gita; 11.21). Pour le père, tous se fils sont égaux, car ils sont de son sang, et pourtant, le fils ingrat qur refuse son affection et quitte le foyer ne lui est certes pas aussi cher que celui qui l’aime et s’attache à lui. Or, le fils insoumis oubliera peut-être son père, mais jamais son père ne l’oubliera, toujours prêt à l’accueillir de nouveau, sans réserve. Ainsi de toutes les âmes conditionnées qui ont quitté leur demeure originelle, le Royaume de Krishna, pour errer dans ce monde de chimères, où elles restent finalement captives des plaisirs illusoires issus de leur songe. Krishna, leur Père commun, est toujours là pour les aider à sortir de leur rêve et revenir à Lui. Certains, prenant conscience de leur condition illusoire, au lieu de cultiver le savoir qui les fera sortir de ce rêve, s’y enlisent de plus en plus. Il est toutefois dit qu’au moins une fois dans chaque jour de Brahma, l’être conditionné rencontre l’occasion de réveiller sa conscience de Krishna assoupie. Il est important de comprendre que Krishna ne souhaite nullement que les âmes distinctes s’égarent, mais qu’Il leur donne aussi une infime part d’indépendance par quoi elles choisiront entre une vie de parfaite conscience ou d’oubli profond.

Dieu demeure toujours obscurci aux yeux de ceux qu’envahissent le désir et la haine, toujours visible aux yeux oints d’amour de ceux qui s’abandonnent à Lui. La voie la plus rapide et la plus sublime pour s’éveiller à l’existence de Dieu, c’est d’invoquer Ses Saints Noms. Lorsqu’on perd un ami, on se hâte, pour le retrouver, de faire partout vibrer son nom. C’est ce qu’on fait aussi pour retrouver Krishna. Sri Caitanya Mahaprabhu, le grand initiateur de cette voie, faisait toujours danser les Noms de Krishna sur Ses lèvres, et en voyageant de ville en ville, de village en village, Il criait: « O Krishna, pourquoi Te caches-Tu de moi? Accorde-moi Ta grâce, ô Seigneur, car en Ton absence, un instant est comme douze interminables années. Quant mes yeux s’orneront-ils de larmes d’amour, sans cesse jaillissant au chant de Tes Saints Noms? Tu es mon unique Seigneur, même si Tu devais me briser le coeur en délaissant ma vue. » La voie la plue rapide, et la plus efficace, est bien de nourrir le désir profond de L’atteindre, par la récitation ou le chant perpétuel de Ses Saints Noms.



Catégories :Krishna et les philosophes

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