Le mental: cause d’asservissement ou de libération (n°2)

Prabhupada-Paris

Voici une série de 13 versets, sur le thème du mental, extraite du Srimad Bhagavatam. Chacun de ces versets est suivi  des teneurs et portées  de Srila Prabhupada . Il s’agit des enseignements du grand saint Jada Bharata adressés au roi Rahugana (SB 5ème chant, chapitre 11). Ces enseignements précieux  nous éclairent sur le rôle important que joue le mental dans l’asservissement aussi bien que la libération  des êtres.

  2ème Partie:

3) Les champs d’activités du mental (suite)


 Verset 10

Le son, l’objet du toucher, la saveur, la forme et l’odeur sont perçus par les cinq sens permettant d’acquérir la connaissance. La parole, le toucher, le mouvement, l’élimination des déchets corporels ainsi que l’union charnelle représentent les fonctions des organes d’action. Au-delà se trouve un autre agent celui qui nous fait penser: « Ceci est mon corps, ma société, ma famille, ma nation », et ainsi de suite. On appelle « faux ego » cette onzième fonction, propre au mental. Selon certains philosophes, il s’agirait en l’occurrence de la douzième fonction, dont le champ d’activité est le corps.
 

TENEUR ET PORTEE

A chacun des onze éléments (voir éléments matériels) décrits ci-dessus correspondent différentes fonctions. Le nez nous permet de sentir, les yeux de voir, les oreilles d’entendre, et c’est ainsi que nous recueillons des informations. Il y a également les karmendriyas, les organes d’action- à savoir les mains, les jambes, les organes génitaux, le rectum, la bouche. Quand le faux ego se déploie, il nous fait penser: « Ceci est mon corps, ma famille, ma société, mon pays, etc. »

Verset 11

Les éléments physiques, la nature, la cause originelle, la culture, la destinée et le facteur temps représentent tous des causes matérielles. Sous l’influence de ces différents facteurs, les onze fonctions du mental se multiplient en plusieurs centaines, puis en milliers, voire en millions. Toutefois, toutes ces transformations ne se produisent pas d’elles-mêmes, par un processus de combinaison; elles surviennent sous la direction de Dieu, la Personne Suprême.

TENEUR ET PORTEE

Il ne faut pas croire que toutes les interactions qui surviennent entre les éléments physiques, grossiers et subtils, et qui sont à l’origine des transformations du mental et de la conscience, se produisent de façon autonome; elles dépendent toutes du Seigneur Souverain. Krsna déclare dans la Bhagavad-gita  que Dieu Se situe dans le coeur de chaque être (BG 15.15). Comme l’indique notre verset, l’Ame Suprême (ksetrajna) dirige tout. L’être distinct est aussi ksetrajna, mais le ksetrajna suprême est Dieu, la Personne Souveraine. Il est le témoin et Celui qui dicte Sa volonté; c’est sous Sa direction que tout se produit. Les différents penchants de l’être distinct proviennent de sa propre nature ou de ses aspirations, et c’est en fonction de ceux-ci que le Seigneur Souverain le guide par l’intermédiaire de la nature matérielle. Le corps, la nature et les éléments physiques sont également sous la direction du Seigneur; ils n’agissent pas par eux-mêmes. La nature n’est ni indépendante ni automatique quant à son fonctionnement. Comme le confirme la Bhagavad-gita, la Personne Suprême Se trouve derrière elle:

mayādhyakṣeṇa prakṛtiḥ
sūyate sa-carācaram
hetunānena kaunteya
jagad viparivartate

« La nature matérielle agit sous Ma direction, ô fils de Kunti; sous Ma direction elle engendre tous les êtres, mobiles et immobiles. Par Mon ordre encore, elle est créé puis anéantie, dans un cycle sans fin. »
    Bhagavad-gita (9.10)


4) Le mental non maîtrisé:  le plus grand ennemi


Verset 12

L’âme distincte dénuée de conscience de Krsna a de nombreuses idées et activités qui naissent de son mental sous l’influence de l’énergie externe, et qui existent de temps immémorial. Parfois, à l’état de veille ou de rêve, elles se manifestent mais au cours du sommeil profond [état inconscient] ou d’une profonde méditation, elles disparaissent. L’ âme libéré en cette vie même (jivan-mukta) peut clairement voir tous ces phénomènes.

TENEUR ET PORTEE

La Bhagavad-gita  enseigne: ksetrajñam capi mām viddhi sarva-kshetresu bhārata. Il existe deux sortes de ksetrajñas , ou d’êtres vivants –  l’être distinct ordinaire et l’Etre Suprême ( BG 13.3) .Le premier connaît dans une certaine mesure ce qui touche à son corps, mais l’Etre Suprême, le Paramatma, connaît tout de tous les corps. L’âme individuelle se trouve confinée en un lieu unique, alors que l’Ame Suprême, le Paramatma, est partout présente. Dans ce sloka, le mot ksetrajñas désigne l’âme ordinaire, et non l’Ame Suprême. Il existe deux sortes d’âmes distinctes: certaines sont dites nitya-baddhas (éternellement conditionnées) et d’autres nitya-muktas (éternellement libérées). Ces dernières vivent dans le Vaikuntha jagat, le monde spirituel, et jamais elles ne tombent dans l’univers matériel, où demeurent les âmes conditionnées, les nitya-baddhas. Celles-ci peuvent toutefois être libérées en apprenant à maîtriser leur mental, car c’est ce dernier qui se trouve à l’origine de l’existence conditionnée. Lorsque le mental est discipliné et que l’âme n’est pas sous sa dépendance, celle-ci peut atteindre la libération alors qu’elle se trouve encore dans ce monde; elle prend alors le nom de jivan-mukta. Le jivan-mukta sait comment il est devenu conditionné; aussi s’efforce-t-il de se purifier afin de retourner à Dieu, dans sa demeure originelle. L’âme éternellement conditionnée se trouve dans cette situation à cause de l’ascendant que le mental exerce sur elle. On compare respectivement l’état conditionné et l’état libéré à l’état de sommeil ou d’inconscience et à l’état de veille. Ceux qui dorment et sont quasi inconscients se trouvent éternellement conditionnés, alors que les êtres éveillés comprennent qu’ils font éternellement partie intégrante de Dieu, la Personne Suprême, Krsna. Par suite, bien qu’ils vivent encore en ce monde, ils s’emploient à servir Krsna. C’est ce que confirme Srila Rupa Gosvamiīhā yasya harer dāsye -si l’on se met au service de Krsna, on devient libéré, même s’il semble que l’on soit encore une âme conditionnée, prisonnière de ce monde. Jivan-muktah sa ucyate: quelle que soit sa condition, il faut considérer comme libéré celui dont la seule occupation est de servir Krsna.

Verset 15

O roi Rahugana, tant que l’âme conditionnée ne renonce pas au corps matériel et ne s’affranchit pas de la souillure qui s’attache aux plaisirs de ce monde, tant qu’elle ne triomphe pas de ses six ennemis (*) et ne s’élève pas au niveau spirituel en ravivant en elle la connaissance absolue, elle doit errer en ce monde matériel d’un lieu à un autre et d’une espèce de vie à une autre.

(*) Ses six ennemis sont la concupiscence, la colère, l’avidité, l’illusion , l’envie et la peur.

TENEUR ET PORTEE

Lorsque notre mental est accaparé par une conception matérialiste de l’existence, nous croyons appartenir à une nation, une famille, une foi ou un pays particuliers. Ce sont là des upadhis -des désignations-, dont il faut s’affranchir (sarvopadhi-vinirmuktam). Tant qu’il n’en est pas ainsi nous devons poursuivre notre existence conditionnée en ce monde matériel. Le but de la vie humaine est de se purifier de toutes ces conceptions erronées; si l’on y manque, on devra recommencer les cycles des morts et des renaissances, et continuer à subir toutes les conditions matérielles.

Verset 16

La désignation de l’âme, c’est-à-dire le mental, est la source de toutes ses tribulations dans le monde matériel. Aussi longtemps qu’il ignore ce fait, l’être conditionné doit accepter la condition misérable que lui fait subir le corps matériel, et errer de par l’univers dans différentes situations. Accablé par la maladie, l’affliction, l’illusion, l’attachement, l’avidité et l’hostilité, le mental asservit l’âme et lui donne le sentiment erroné d’être intimement lié à ce monde matériel.

TENEUR ET PORTEE

Le mental, nous l’avons vu, est la cause de l’asservissement matériel mais aussi de la libération. Le mental impur pense, « Je suis ce corps », mais lorsqu’il est pur, il sait que cela est faux. C’est pourquoi l’on considère que le mental est à l’origine de toutes les désignations matérielles. Tant que l’être vivant n’est pas délivré du contact et des souillures de ce monde, son mental continuera de s’absorber dans ces phénomènes matériels que sont la naissance, la mort, la maladie, l’illusion, l’attachement, l’avidité et l’hostilité. C’est ainsi que l’être distinct demeure conditionné et endure tous les maux inhérents à la matière.


5) Triompher du mental


Verset 17

Ce mental non maîtrisé représente le plus grand ennemi de l’être distinct. Si on le néglige ou si on lui donne la moindre chance, il deviendra de plus en plus puissant, et finalement victorieux. Bien qu’il ne soit pas réel, il exerce une très forte influence; c’est lui qui voile la position originelle et éternelle de l’âme. O roi, je t’en prie, efforce-toi de triompher de ce mental en t’armant du service des pieds pareils-au-lotus du maître spirituel et du Seigneur Souverain. Applique-toi bien à cette tâche.

TENEUR ET PORTEE

Il est une arme facilement utilisable grâce à laquelle on peut vaincre le mental: le refus de l’écouter. Le mental nous dit constamment de faire ceci ou cela. Nous devrions donc maîtriser l’art de désobéir à ses ordres. Il s’habituera ainsi peu à peu à se plier à la volonté de l’âme. Il ne faut surtout pas obéir aux ordres du mental. Srila Bhaktisiddhanta Sarasvati Thakura disait que pour se rendre maître du mental, il faut le battre à coups répétés avec une chaussure juste après le réveil, et à nouveau avant de s’endormir. C’est ainsi qu’on pourra en venir à bout. Voilà ce que nous recommandent tous les sastras; et si l’on n’agit pas ainsi, on sera contraint d’obéir à ses caprices. Une autre méthode éprouvée consiste à suivre strictement les ordres du maître spirituel et à servir le Seigneur. Le mental se trouve alors automatiquement maîtrisé. Sri Chaitanya Mahaprabhu enseignait à ce propos à Srila Rupa Gosvami:

brahmāṇḍa bhramite kona bhāgyavān jīva
guru-kṛṣṇa-prasāde pāya bhakti-latā-bīja

Lorsque, par la miséricorde du guru et de Krsna, le Seigneur Suprême, nous recevons la semence de la dévotion, notre véritable existence commence (Cc Mad.19.151) . Si nous nous en tenons alors aux ordres du maître spirituel, nous n’aurons plus, par la grâce de Krsna, à servir le mental.



Catégories :La voie et la pratique du bhakti-yoga, Psychologie et transcendance

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