L’extase de servir Krishna (6/9)
Retrouver sa position originelle de serviteur de Dieu
par Jagadananda das
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SIXIEME CHAPITRE
Naître c’est souffrir
Résumé des chapitres précédents: Le chapitre un posait la question de savoir si nous étions plutôt maître ou serviteur de nature. La réponse suivante était donnée: par nature, nous sommes faits pour servir et cette tendance naturelle doit, pour être pleinement satisfaisante être dédiée à Dieu, la Personne Suprême. Dans le deuxième chapitre intitulé » Servir Krishna ou servir ses sens? », on expliquait que si l’on refusait de dédier cette propension naturelle à servir, à Dieu, alors il nous faudrait tout de même servir mais cette fois, son énergie matérielle appelée l’énergie d’illusion ou mâyâ. La façon dont cette énergie d’illusion agit est qu’elle nous amène à se croire faussement indépendant de Dieu et heureux sans Lui. Son action prend deux formes: elle recouvre l’intelligence de l’être et elle le tire vers le bas, le dégrade de plus en plus. Dans le troisième chapitre intitulé « Le service de mâyâ et ses conséquences », développe le deuxième chapitre,et décrit les conséquences d’une attitude séparatiste vis-à-vis de Dieu et de Son service – le bhakti-yoga-. Ce rejet nous entraîne à devenir l’esclave de nos sens – et est abordé la question des effets déplorables d’une trop grande libéralisation sexuelle -, et à tomber sous la rigueur du karma et de la réincarnation. Le quatrième chapitre intitulé « La rigueur du karma et de la réincarnation », développait plus avant le thème du karma et de la réincarnation. Comment ils se définissent et comment ils agissent. Le cinquième chapitre intitulé « Comme tombé dans l’océan » à travers l’utilisation de métaphores sur l’océan, et dans le prolongement du thème du karma et de la réincarnation, rend compte de la situation malaisée de l’être tombé dans l’océan de l’existence matérielle.
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Dans ce sixième chapitre intitulé « Naître c’est souffrir » nous verrons plus concrètement encore comment les chaînes du karma et de la réincarnation tiennent l’âme incarnée captive et l’amène à souffrir à travers toute son existence. L’être incarné est donc confronté au sein du monde matériel, à maintes souffrances et situations pénibles et malgré tout, dans son ignorance, il se croît heureux.
Tel un âne après la carotte
Dans la société actuelle, les problèmes de l’existence sont présentés en termes uniquement matériels: améliorer son pouvoir d’achat, trouver un emploi, pourvoir à ses dépenses et aux besoins des enfants, trouver un conjoint, préparer sa retraite, etc…Ce sont les préoccupations premières de tous et chacun, et bien qu’elles paraissent en elles-mêmes assez légitimes, la difficulté réside dans le fait qu’elles ont pris une place démesurée dans la vie moderne.
Ainsi, la vie de l’homme moderne est une vie d’homme pressé et il semble du matin au soir, comme pris dans un tourbillon d’activités diverses et variées, centrées principalement autour de la nécessité d’assurer sa subsistance et de satisfaire ses sens, tant et si bien qu’il ne lui reste plus grand temps pour d’autres choses. Il y a quelque temps un politicien célèbre avouait que le seul moment au cours d’une journée, dont il disposait pour penser librement, était le matin dans sa salle de bain en se brossant les dents et en se rasant.
Conscience et contentement
Et pourtant, assurer sa subsistance ne devrait pas être un si grand problème. Le Seigneur Suprême pourvoit sans difficulté aux besoins de millions d’animaux sur la terre, sans qu’ils aient besoin pour cela de s’affairer en tous sens. Mais voilà, la difficulté est que dès le début de notre existence tout est centré sur cet objectif et cela affecte grandement la mentalité des populations actuelles ( voir « Pas le moral? Rien d’étonnant! » ).
Srila Prabhupada expliquait dans ses conseils aux grihasthas (gens mariés en charge d’une famille ) pourquoi ils ne devraient pas se préoccuper outre mesure de leur situation matérielle. Il disait – avec l’art des courtes phrases qu’il maîtrisait à merveille, incroyables de simplicité, et remplies de sagesse et de bon sens -, : « Dans un billet de 50 dollars, automatiquement 20 dollars sont compris » . Ce que voulait dire Srila Prabhupada, fort de sa propre expérience personnelle, des enseignements des achâryas précédents et des Écritures védiques, est que lorsque nous nous efforçons dans notre vie de mettre en avant la pratique de la vie spirituelle, la pratique de la conscience de Krishna, nos besoins matériels sont automatiquement comblés par Dieu. Dieu Lui-même, Krishna, l’assure dans la Bhagavad-gita (voir BG 9.22 ) . Il n’est donc pas nécessaire d’y consacrer au maximum, plus de huit heures par jour.
Mais malheureusement, dans nos sociétés modernes où la conscience et la foi en Dieu est désespérément absente, assurer sa subsistance est devenu exagérément compliqué. La question de la subsistance et de la satisfaction des sens devient une préoccupation constante, omniprésente. Et cela, au détriment d’une autre préoccupation pourtant bien plus importante encore : celle d’atteindre à la réalisation spirituelle – la seule voie apte pourtant à combler véritablement nos désirs -, et à la libération du cycle des morts et des renaissances.
Pourquoi la question de la libération des morts et renaissances répétées devrait-elle être plus importante que de celle du développement économique ? Tout simplement parce que de ce problème unique tous les autres découlent et ainsi, tant et aussi longtemps que ce problème n’est pas pris en compte, tous les autres subsistent, rien n’est résolu, tout reste à faire.
« Et comment-cela?!!« lancera défiant, l’homme actuel, incrédule et sceptique, » Jouissons ! Nous n’avons qu’une vie, profitons-en! ». L’extrait suivant d’une poésie (de votre humble serviteur) intitulé « L’homme de Kali », traduit l’état d’esprit trop hédoniste et laxiste qui règne dans la société de l ‘âge de Kali actuelle, et le désintérêt concomitant pour le sujet de la transcendance:
« …Les grandes questions de l’existence
Sur la Cause et sur l’Essence,
Dieu et l’origine de la vie;
Qu’adviendra-t’il après la mort?Tout finit-il avec ce corps?
Sont les derniers de tes soucis.
Entre l’âme et le corps matériel,
Est-ce l’âme qui est substantielle?A quoi sans gêne tu réponds:
– « Pourquoi tant d’inutiles questions?
Manger, avoir un toit et dormir,
Le sexe, roi de tous les plaisirs,
Du travail, avoir la passion.
Voilà pourquoi nous sommes sur terre.
C’la ne sert à rien de s’en faire ! »« Aussi longtemps que nous vivrons
Sachons prendre notre plaisir.
Avant que notre temps expire
Jouissons! Au diable les questions! »
Ainsi, et il est facile de s’en rendre compte, ce genre de questionnement philosophique ne rentre pas dans le cadre des préoccupations du citoyen moyen moderne. Tout cela est bien au-delà de son univers restraint. Mais quoiqu’il en soit, même si ces questions ne préoccupent pas, ou trés peu de gens à l’heure actuelle, leur valeur et leur importance n’en sont aucunement diminuées. Si une pierre précieuse de trés grande valeur tel un diamant pur par exemple, est mise en vente sur le marché et que peu de personnes se présentent pour l’acquérir, la grande valeur du joyau n’ait pas mise en cause pour autant. Si peu d’acquéreurs se présentent pour l’acheter c’est que peu nombreux sont ceux qui ont les capacités financières de l’acquérir. De la même façon, si peu de gens aujourd’hui s’intéressent à la réalisation spirituelle cela n’ôte rien à son importance. Cela simplement traduit le fait que peu de gens ont la capacité de s’y intéresser(1).
Et pourtant, aborder les questions philosophiques sur l’existence telles que « Qui suis-je? », » Qui est Dieu? », « Pourquoi la souffrance existe-t’elle? », etc…est tellement essentiel qu’en nous abstenant de le faire nous passons complètement à côté du but de l’existence. Dans le langage courant on parlera « d’avoir raté sa vie », et le Srimad-Bhagavatam l’affirme : à moins de s’interroger sur les questions spirituelles fondamentales de l’existence, notre vie est vouée à l’échec (voir SB 5.5.5 ).
Mais le citoyen moyen actuel juge que le but de la vie n’est d’autre que de satisfaire ses sens et de travailler dur pour cela. Il est classé donc, selon les Écritures védiques, dans la catégorie du « karmi » , parce que sa motivation dans la vie est de chercher à assouvir ses seuls désirs personnels consistant à assurer sa subsistance et la satisfaction de ses sens matériels. Le karmi est aveugle car il ne voit pas que, peu importe tout le temps, l’effort, les ressources et le savoir-faire qu’il y consacre, ses sens ne seront jamais satisfaits et il ne sera jamais comblé. Dans la Bhagavad-gita la concupiscence est comparée à un feu ardent. Tel un feu ardent qui consume tout ce que l’on y met et, au contraire d’être diminuée, augmente, peu importe la somme de plaisir et leur intensité, les sens matériels ne sont jamais satisfaits (voir BG 3.39 ).
Mais malgré tout, puisqu’il ne connaît rien d’autre, le karmi agit dans le cadre de l’ action intéressée et travaille ainsi très dur, du matin de très bonne heure jusqu’à tard le soir, dans l’espoir d’atteindre au bonheur matériel. C’est pourquoi les Écritures védiques le dénomme aussi, parce qu’il ne se souci que de travailler dur tel une bête de somme, « mudha« ; un être insensé ou un âne (voir BG 7.15). Il est un âne aussi, parce qu’il court toute la journée après une carotte qu’il n’attrape jamais et que s’il finit par attraper ne lui donne qu’un plaisir restreint et insatisfaisant.
Naître c’est souffrir
Revenant à la question du karma et de la réincarnation et de son importance, si celle-ci est primordiale c’est, comme nous l’avons déjà dit, que d’elle toutes les autres questions en découlent. Ainsi, si l’on parvient à mettre un terme au cycle des morts et des renaissances tous les problèmes deviennent résolus d’un coup.
Dès que nous nous trouvons incarnés dans un corps matériel, une multitude de souffrances et de difficultés viennent nous assaillir. Il y a tout d’abord les souffrances liées à la condition du fœtus dans le sein de la mère et qui sont particulièrement pénibles à endurer (voir description du Srimad Bhagavatam , troisième chant ), celles de la naissance elle-même, au moment de l’accouchement. Après sa naissance, le bébé doit subir d’autres souffrances. Et lorsqu’il grandit et devient jeune enfant, puis enfant, adolescent, et ensuite adulte – avec les responsabilités qui s’y attachent – , d’autres souffrances et difficultés se présentent à lui. Ainsi, quand on y regarde de près, et tel que le souligne le troisième chant du Srimad Bhagavatam à travers les quelques extraits suivants (3) , décider de persévérer sur la voie de la réincarnation, la voie des péripéties et des douleurs, c’est adopter une attitude suicidaire:
Les souffrances de l’accouchement:
…le souffle qui favorise l’accouchement le propulse la tête en bas, afin de le faire naître.
Soudain poussé par ce souffle, l’enfant sort à grand-peine, la tête en bas, incapable de respirer et privé de mémoire sous l’effet de l’intense douleur.
Le mot krcchrena signifie « avec grande difficulté ». Ainsi, lorsque l’enfant sort de la matrice par son orifice étroit, la pression l’empêche complètement de respirer, et la douleur intense lui fait perdre la mémoire. Parfois, la souffrance est telle qu’à la naissance l’enfant est déjà mort ou presque à l’agonie. On peut donc imaginer quelles peuvent être les affres de la naissance. L’enfant doit rester dix mois * dans cette condition intenable à l’intérieur de la matrice, et au bout de cette période, il se voit expulsé de force.
* Il s’agit de mois lunaires
Les souffrances du jeune bébé:
L’enfant tombe alors sur le sol, couvert d’excréments et de sang, et s’agite tel un ver issu de matières fécales. Il oublie sa connaissance supérieure et se met à pleurer, envoûté par mâyâ.
Après sa sortie de la matrice, l’enfant est abandonné aux soins de personnes incapables de comprendre ce qu’il veut et qui s’occupent néanmoins de lui. Ne pouvant refuser ce qu’on lui donne, il se trouve dans une situation indésirable.
Dans le ventre de la mère, l’enfant était nourri par les soins de la nature. Les conditions régnant à l’intérieur de la matrice n’étaient pas du tout plaisantes, mais au moins en ce qui concernait sa nourriture, ses besoins étaient assurés par les lois de la nature. Une fois sorti du sein maternel, il se retrouve dans un environnement tout à fait différent. Il désire manger une chose et on lui en donne une autre car personne ne le comprend, et il n’est pas à même de refuser ce qu’on lui présente. Parfois, il pleure pour que sa mère lui donne le sein, mais sa nourrice lui administre un médicament amer, croyant que ses cris sont dus à quelques maux d’estomac. L’enfant n’en veut pas, mais comment pourrait-il refuser? C’est ainsi qu’il se voit confronté à des situations pour le moins inconfortables et qu’il continue de souffrir.
Étendu sur une couche malsaine, trempée de sueur et infestée de germes, le pauvre enfant se trouve dans l’incapacité de se gratter pour se soulager des démangeaisons qui l’accablent, que dire de s’asseoir, de se lever ou même de bouger.
Il faut bien noter que l’enfant est né dans la souffrance, en pleurant, et qu’après sa naissance, il continue de souffrir et de pleurer. Tourmenté par les germes qui infestent son lit, souillé d’urine et d’excréments, le pauvre enfant continue de pleurer, incapable de remédier à ses souffrances.
Toutes sortes de moucherons, de moustiques, de punaises et d’autres insectes piquent le bébé impuissant dont la peau est si tendre, tout comme des petits vers en mordent un plus gros. Privé de sa sagesse, l’enfant pleure amèrement.
Les mots vigata-jnanam signifient que le savoir spirituel acquis par l’enfant dans le sein de sa mère est voilé par l’influence de mâyâ dès après sa naissance. Avec toutes ces épreuves et parce qu’il est hors du ventre de sa mère, l’enfant oublie les pensées qu’il avait eues au sujet de son salut (4) . Il faut comprendre que même si quelqu’un acquiert une certaine somme de savoir favorisant l’élévation spirituelle, il est susceptible de l’oublier dans certaines circonstances. Ainsi, non seulement les enfants, mais également leurs aînés doivent très soigneusement protéger leur conscience de Krsna et éviter toutes circonstances défavorables, afin de ne pas oublier leur devoir premier.
SB (3.31.22 et suivants)
Les souffrances du jeune enfant, jusqu’à l’âge adulte:
C’est ainsi que l’être traverse la période de l’enfance, soumis à diverses situations éprouvantes, puis il atteint ses première années, où il continue de souffrir du fait qu’il ne peut jamais obtenir ce qu’il convoite. Ainsi, enveloppé par l’ignorance, il est malheureux et la colère le consume.
La prime enfance s’étend de la naissance à la fin de la cinquième année; la période qui suit, jusqu’à la fin de la quinzième année, est appelée pauganda; et à seize ans commence l’adolescence. Les malheurs de l’enfant ont déjà été décrits, mais les choses ne s’arrangent pas lorsqu’il entre dans la prime jeunesse et qu’il doit fréquenter une école qu’il n’aime pas. Il veut jouer, mais on le force à aller en classe, à étudier et à passer ses examens de manière responsable. Une autre de ses souffrances vient de ce qu’il désire acquérir toutes sortes de jouets que les circonstances ne lui permettent pas nécessairement d’obtenir, en sorte qu’il devient triste et se désole. En un mot, dans son enfance il est malheureux, tout autant qu’il l’était au cours de ses premières années; et il en sera de même au cours de son adolescence. Les enfants ont tendance à se créer un grand nombre de besoins artificiels pour leurs jeux, et lorsqu’ils ne peuvent satisfaire leurs désirs, ils se mettent en colère et connaissent ainsi la souffrance.
Au fur et à mesure que grandit son corps, l’être distinct, afin de faire taire son âme, développe son orgueil et sa colère, ce qui le conduit à nourrir de l’hostilité à l’égard d’êtres aussi concupiscents que lui.
Au trente-sixième verset du chapitre trois de la Bhagavad-gita, Arjuna s’enquiert auprès de Krsna des origines de la concupiscence chez l’être distinct. S’il est écrit que l’être distinct est éternel et, en tant que tel, qualitativement identique au Seigneur Suprême, comment peut-il sombrer dans la matière et, sous l’influence de l’énergie matérielle, se livrer à tant d’actes coupables? En réponse à cette question, Sri Krsna déclare que c’est la concupiscence qui fait choir l’âme de sa noble position vers la condition abominable à laquelle la soumet l’existence matérielle. Cette concupiscence se transforme tôt ou tard en colère. Concupiscence et colère relèvent toutes deux de la passion. En fait, la concupiscence naît de la passion, et lorsqu’elle demeure insatisfaite, elle dégénère en colère, au niveau de l’ignorance (BG 3.37) . Lorsque l’ignorance recouvre l’âme, elle entraîne sa chute vers une existence infernale des plus abominables.
Les souffrances résultant de l’identification au corps matériel:
Sous l’effet de cette ignorance, l’être distinct considère son corps de matière, constitué de cinq éléments, comme son être propre. Ainsi égaré, il considère comme siens des objets éphémères, et son ignorance le conduit jusque dans les régions les plus ténébreuses.
Ce verset explique l’évolution de l’ignorance, dont la première manifestation consiste à s’identifier au corps de matière, constitué de cinq éléments, et la seconde à tenir pour siens divers objets du seul fait qu’ils sont reliés au corps. C’est ainsi que l’ignorance prend de l’ampleur. L’âme est éternelle, mais lorsqu’elle s’identifie aux choses éphémères, et perd le sens de son intérêt véritable, elle se voit plongée dans l’ignorance, et doit connaître les souffrances de l’existence matérielle.
Pour l’amour de son corps, qui ne lui cause que des ennuis et qui le suit partout, car il est enchaîné à l’ignorance et à l’action intéressée, il se livre à divers actes qui l’entraînent vers la répétition de la naissance et de la mort.
La Bhagavad-gita stipule que l’on doit agir pour la satisfaction de Yajña , ou Visnu, car toute action accomplie dans un autre but sera cause d’asservissement pour son auteur (BG 3.9) . A l’état conditionné, l’être distinct, s’identifiant à son corps, oublie sa relation éternelle avec le Seigneur Souverain et sert les intérêts de son corps. Il tient en effet ce dernier pour son être propre, ceux qui sont liés à son corps pour ses proches, et sa terre natale pour sacrée. C’est ainsi qu’il se livre à toutes sortes d’actes illusoires, qui causent son enchaînement perpétuel au cycle répété des naissances et des morts au sein des différentes espèces vivantes.
Naître c’est tomber dans l’illusion
Fausse famille et fausse société: (chapitre 30):
Bien que consumé à chaque instant par l’anxiété, un tel insensé ne cesse de se livrer à toutes sortes d’actes malfaisants à seule fin de maintenir ce qu’il croit être sa famille et sa société, nourrissant un espoir qui jamais ne se réalisera.
On dit qu’il est plus aisé de régner sur un vaste empire que de s’occuper d’une petite famille, surtout en ces jours où l’influence du kali-yuga est si forte que chacun se trouve harcelé et rempli d’angoisse pour avoir adopté la conception illusoire de la famille telle que la présente mâyâ. La famille dont nous prenons soin est en effet une création de mâyâ; elle ne représente qu’une image dénaturée de notre véritable famille à Krsnaloka . La famille, les amis, la société, ainsi que père et mère existent également à Krsnaloka, mais ceux-là sont éternels. Ici-bas, lorsque nous changeons de corps, nos relations familiales changent également. Ainsi appartenons-nous parfois à une famille d’êtres humains, parfois à une famille de devas, et parfois encore à une famille de chats ou de chiens. Sous ce jour, la famille, la société, l’amitié s’avèrent bien fragiles, et c’est pourquoi on les qualifie d’asat. Or, les Ecritures attestent qu’aussi longtemps que nous demeurons attachés à cette société et à cette famille asat, ou temporaire, et en fait inexistante, nous devons connaître une anxiété constante. Le matérialiste ignore que la société, la famille et l’amitié, telles qu’elles apparaissent en ce monde, ne sont que des ombres auxquelles il s’attache. Naturellement, son coeur brûle constamment, mais en dépit de toutes les difficultés qu’il rencontre, il continue de travailler dans le but de maintenir ces liens illusoires, car il ne dispose d’aucune information sur la véritable vie de famille, auprès de Krsna.
Captif du foyer et du charme illusoire d’une femme:
Il livre son coeur et ses sens à une femme qui exerce sur lui le charme trompeur de mâyâ. Il jouit en sa compagnie d’étreintes secrètes, échange avec elle des paroles, et devient enchanté par le doux babil de ses jeunes enfants.
La vie de famille dans le royaume de l’énergie illusoire, celui de mâyâ, ressemble à une sorte d’emprisonnement pour l’âme éternelle. Un prisonnier se trouve enfermé derrière des barreaux et retenu par des chaînes de fer; et de même, l’âme conditionnée est enchaînée par les traits charmeurs d’une femme, par ses étreintes en des lieux retirés, par ses prétendues paroles d’amour, ainsi que par le doux babillage de ses jeunes enfants. Ainsi oublie-t-il son identité réelle.
Les mots strinam asatinam, dans ce verset, indiquent que l’amour de la femme est uniquement destiné à troubler le mental de l’homme. En réalité, il n’y a pas d’amour dans l’univers matériel. Hommes et femmes ne recherchent que leur plaisir propre. Désireuse de satisfaire ses sens, la femme imagine un amour illusoire, et l’homme devient envoûté par cette affection trompeuse, au point d’oublier son devoir véritable. Lorsque des enfants naissent d’une telle union, un nouvel attachement se développe pour leur plaisant babillage. L’amour de sa femme au foyer et les douces paroles de ses enfants font de l’être conditionné un prisonnier sûr, incapable de quitter son foyer. Dans la langue védique, on qualifie un tel être de grihamedhi, signifiant que le foyer représente le centre de ses attachements. A l’opposé, on désignera du nom de grihastha celui qui vit en famille, auprès de sa femme et de ses enfants, mais qui n’a en fait d’autre but dans l’existence que de développer sa conscience de Krsna. Il est donc conseillé de devenir un grihastha plutôt qu’un grihamedhi. Le souci du grihastha est d’échapper à la vie de famille illusoire pour connaître auprès de Krsna la véritable famille, tandis que le grihamedhi ne fait que s’enchaîner de façon répétée à une fausse vie de famille, vie après vie, demeurant ainsi à jamais dans les ténèbres de mâyâ.
SUITE : Servir Dieu : quintessence de la religion
(1) Une loi économique stipule que « la rareté fait la valeur ». Dans le même ordre d’idée, on peut affirmer que loin de diminuer l’importance de la réalisation spirituelle et d’en déprécier la valeur, le fait que peu de personnes s’y intéressent en souligne et en augmente au contraire la valeur. La Bhagavad-gita affirme que parmi des milliers d’hommes un seul recherchera la perfection spirituelle. » manusyānām sahasresu » (BG 7.3 )
Karmi: littéral.. « celui qui s’engage dans le « karma » ou « l’action intéressée »; autre nom désignant un matérialiste.
(3) Il s’agit du chapitre 31 intitulé « Les pérégrinations de l’âme incarnée » présentant les enseignements de Kapila, un avatâra du Seigneur, et des chapitres suivants.Les extraits sont présentés en violet et accompagnés de quelques teneurs et portées de Srila Prabhupâda [en bleu]. Ce chapitre et les suivants montrent combien la vie des âmes incarnées que nous sommes, est difficile et périlleuse. Sri Kapila donne également dans les chapitres précédents le moyen de stopper le cycle des réincarnations grâce à la pratique du service de dévotion.
(4) Dans ce même troisième chant du Srimad-Bhagavatam -comme à d’autres endroits dans les Ecritures védiques tel que la Garbhopanisad -, il est mentionné que le foetus dans le sein de sa mère, à un certain moment, devient, par la grâce de Dieu, conscient de sa situation épouvantable, et aspire alors à être libéré du cycle des morts et des renaissances. A cet instant il se tourne vers Dieu et promet après dès après sa naissance de se consacrer à Son service de dévotion mais plus tard, au moment de naître, il oublie toutes ses bonnes résolutions et devient vite repris par mâyâ, l’énergie d’illusion du Seigneur.
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