La réincarnation (2/2)

Mike Robinson, de l’Office de Radiodiffusion Londonien, interroge Śrila Prabhupāda sur la science de l’âme: avons-nous déjà existé ? Reviendrons-nous en ce monde? En se référant à des écrits millénaires, les Textes védiques, Śrila Prabhupāda lui répond avec une bouleversante précision.

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Mike Robinson: Je vois. Vous avez cité vos Ecritures à deux reprises. J’aimerais connaître leur origine. Pouvez-vous me l’expliquer ?

Śrila Prabhupāda: Nos Ecritures correspondent aux Textes védiques, lesquels existent depuis le début de la création. Chaque fois que l’on fabrique quelque chose —comme ce micro par exemple—, on y joint un mode d’emploi, n’est-ce pas ?

Mike Robinson: Oui, c’est un fait.

Śrila Prabhupāda: Et cette notice a été conçue en même temps que l’appareil.

Mike Robinson: Je vous suis bien.

Śrila Prabhupāda: Selon un même ordre d’idée, la création des Textes védiques et de l’univers matériel est simultanée; ces textes enseignent aux hommes comment ils devront y conduire leur existence.

Mike Robinson: Je vois. Ces Ecritures existent donc depuis le début de la création. J’aimerais maintenant aborder le sujet auquel vous attachez, il me semble, une grande importance. Quelle est la différence essentielle entre la Conscience de Kṛṣṇa et les autres mouvements venus d’Orient ?

Śrila Prabhupāda: Nos Ecritures sont authentiques, et ils inventent les leurs. Voilà la différence. Lorsque vous êtes confronté avec des questions d’ordre spirituel, vous devez consulter les Ecritures originelles, et non celles qui sont issues de la plume d’un charlatan.

Mike Robinson: Et à quoi correspond le chant du mantra Hare Kṛṣṇa ?

Śrila Prabhupāda: Chanter Hare Kṛṣṇa constitue le moyen le plus facile de se purifier, surtout en cet âge où les gens ont l’esprit si lourd qu’ils ont du mal à saisir la connaissance spirituelle. Le chant du mantra Hare Kṛṣṇa purifie l’intelligence qui peut alors comprendre ce qui a trait à la spiritualité.

Mike Robinson: Pouvez-vous me dire sur quoi, vous vous guidez pour agir ?

Śrila Prabhupāda: Nous suivons les Ecritures védiques.

Mike Robinson: Les Ecritures que vous avez citées ?

Śrila Prabhupāda: Tout est dans ces Ecritures, et nous sommes en train de les traduire en anglais; mais nous n’ajoutons rien, car alors toute la connaissance donnée serait détériorée. On peut comparer les Ecritures védiques à la notice de montage de ce micro où on lit, « Suivez la procédure indiquée; assemblez telle et telle pièce ». Vous ne pouvez pas vous permettre de modifier quoi que ce soit au risque de tout détériorer. De même, du fait que nous n’inventons rien, il vous suffit de lire nos ouvrages pour avoir ainsi accès au véritable savoir spirituel.

Mike Robinson: Comment la philosophie de la Conscience de Kṛṣṇa peut-elle affecter notre mode de vie ?

Śrila Prabhupāda: En enrayant la souffrance. L’homme souffre parce qu’il fait l’erreur de croire qu’il est le corps. Si vous vous identifiez au costume et à la chemise que vous portez et que vous les laviez soigneusement mais que vous oubliiez de manger, serez-vous heureux ?

Mike Robinson: Non, je…

Śrila Prabhupāda: De même, l’homme aujourd’hui ne fait que laver « la chemise et le costume » —le corps—, mais il oublie l’âme qui vit dans le corps et n’a de celle-ci aucune connaissance. Demandez à quelqu’un au hasard: « Qui êtes-vous ? », et il vous répondra: « Je suis anglais » ou encore « Je suis indien ». Et si vous lui répondez, « Oui, je vois bien que vous avez un corps anglais ou indien, mais qui êtes-vous ? », il ne saura vous répondre.

Mike Robinson: Je vois.

Śrila Prabhupāda: Toute la civilisation moderne est basée sur la fausse conception que le corps est le moi véritable (dehatmabuddhi), et c’est bien la mentalité des chats et des chiens. Supposez que je veuille entrer en Angleterre et que vous m’arrêtiez à la frontière: « Moi je suis anglais, me dites-vous, mais vous qui êtes indien, que venez-vous faire chez nous ? » Un chien, lui, aboiera: « Ouah, ouah, que venez-vous faire ici ? » Alors quelle est la différence ? Lui se prend pour un chien et me voit comme un étranger, et vous, vous vous croyez anglais et me prenez pour un indien. Il n’y a aucune différence de mentalité. Par conséquent, si vous laissez l’homme dans l’obscure mentalité du chien et que vous dites de la civilisation qu’elle est en progrès, vous vous trompez complètement.

Mike Robinson: Passons maintenant à un autre point. Je crois que le Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa se préoccupe des endroits dans le monde où règne la souffrance.

Śrila Prabhupāda: Oui, nous sommes les seuls que cela préoccupe vraiment. Les autres ne font qu’éviter les problèmes majeurs: la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort. Ils n’apportent aucune solution à ces problèmes, ils ne font que dire des bêtises. Les gens sont induits en erreur, on les maintient dans l’obscurité mais il faudrait commencer à les éclairer.

Mike Robinson: Bien sûr, mais à part le fait de les éclairer spirituellement, êtes-vous également concernés par le bien-être physique de vos contemporains ?

Śrila Prabhupāda: Le bien-être physique suit automatiquement le bien-être spirituel.

Mike Robinson: Comment expliquez-vous cela ?

Śrila Prabhupāda: Supposons que vous ayez une voiture. Vous en prendrez naturellement soin autant que de vous-même, mais sans pour cela vous identifier à elle. Vous ne direz pas, « Je suis cette voiture », car ce serait absurde. Et pourtant, voilà précisément ce que fait la masse des hommes: ils accordent trop d’attention au « véhicule » physique, car ils s’identifient à lui. Ils oublient qu’ils sont des âmes spirituelles, destinés à toute autre chose. Tout comme personne n’éprouverait de satisfaction à boire de l’essence, nul ne sera satisfait par les seules activités du corps. Il faut chercher la nourriture qui convient à l’âme. Quiconque penserait « Je suis une automobile, j’ai besoin d’essence » serait pris pour un fou. Or, celui qui s’identifie au corps et qui croit trouver le bonheur dans les plaisirs matériels a lui aussi perdu la raison.

Mike Robinson: J’aimerais vous entendre commenter cette citation que j’ai relevée dans le livre que vos disciples m’ont remis avant mon arrivée et où vous écrivez entre autres: « La religion sans base rationnelle n’est que sentiment ».

Śrila Prabhupāda: La plupart des gens pieux disent, « Nous croyons… » Mais quelle est la valeur de cette croyance ? Peut-être croyez-vous en quelque chose qui n’est pas vraiment correct. Par exemple, certains chrétiens disent, « Nous croyons que les animaux n’ont pas d’âme ». Mais c’est une erreur; s’ils croient cela, c’est parce qu’ils veulent les manger, mais en fait les animaux ont bel et bien une âme.

Mike Robinson: Comment le savez-vous ?

Śrila Prabhupāda: Mais vous aussi pouvez le savoir, je vais vous en donner la preuve scientifique: les animaux mangent, vous aussi; les animaux dorment, vous aussi; ils s’accouplent, vous aussi; ils se défendent et vous vous défendez aussi. Alors quelle différence y a-t-il entre vous et un animal ? Comment pouvez-vous dire que vous avez une âme mais que l’animal n’en a pas ?

Mike Robinson: Je vous suis parfaitement, mais les Ecritures chrétiennes disent que…

Śrila Prabhupāda: Ne faites pas intervenir les Ecritures; il s’agit ici d’une question de bon sens. Essayez de comprendre: comme vous, l’animal mange, dort, se protège, s’accouple et se multiplie; comme vous, il a un domicile; comme vous, lorsqu’il se coupe, il saigne. Ainsi, toutes ces similitudes sont-elles indéniables. Alors pourquoi ? jeter celles qui touchent à la présence de l’âme ? C’est contraire à la logique; avez-vous étudié cette science ? La logique fait appel à la notion d’analogie. On entend par là le fait de tirer une conclusion en faisant ressortir plusieurs similitudes entre deux propositions. S’il existe ainsi tant de points communs entre l’homme et l’animal, pourquoi dénier une similitude en particulier ? Ce n’est ni logique, ni scientifique.

Mike Robinson: Mais si vous prenez ce même argument sous un autre angle…

Śrila Prabhupāda: Il n’en existe pas d’autre; si vos arguments ne s’appuient pas sur la logique, alors vous n’êtes pas rationnel.

Mike Robinson: Je veux bien. Mais partons d’une autre hypothèse. Supposons que l’être humain n’ait pas d’âme…

Śrila Prabhupāda: Alors expliquez-moi ce qui distingue un corps vivant d’un cadavre. Je l’ai déjà expliqué au début de notre entretien. Dès que la force vivante, l’âme, quitte le corps, aussi beau qu’il fût, ce dernier n’exerce plus aucun attrait. Personne ne s’en soucie plus et l’on s’en débarrasse. Pourtant, si maintenant je touche à un seul de vos cheveux, il y aura querelle. Voilà ce qui distingue un corps qui vit d’un cadavre: dans le premier, l’âme est présente alors que dans le second elle n’y est plus. Dès que l’âme quitte le corps, celui-ci perd toute valeur. Il devient inutile. C’est très simple à comprendre, et pourtant même les plus grands « savants » et « philosophes » ont l’esprit trop obtus pour y parvenir. La société moderne est dans une condition des plus abominables: les hommes véritablement dotés d’intelligence brillent par leur absence.

Mike Robinson: Faites-vous allusion à tous les savants qui ne peuvent saisir la dimension spirituelle de l’existence ?

Śrila Prabhupāda: Oui. La vraie science suppose une connaissance complète de toutes choses, matérielles et spirituelles.

Mike Robinson: Mais vous étiez pharmacien avant de devenir moine, n’est-ce pas ?

Śrila Prabhupāda: Oui, à une autre période de ma vie. Mais cela ne requiert pas une intelligence particulière; n’importe quel homme doté de bon sens peut devenir pharmacien.

Mike Robinson: Mais je présume que vous accordez toutefois une certaine importance à la science matérielle, même si nos savants modernes ont le cerveau embrumé ?

Śrila Prabhupāda: La science matérielle est importante jusqu’à un certain point, mais cela demeure très relatif.

Mike Robinson: Je vois. J’aimerais revenir sur un débat qui nous a opposé il y a quelques instants; vous me disiez, « Ne faites pas intervenir ici les Ecritures, il s’agit d’une question de bon sens ». Quelle place accordez-vous alors aux Ecritures dans votre religion ? Ont-elles une grande importance ?

Śrila Prabhupāda: Notre religion est une science. Lorsqu’on dit qu’un petit enfant grandit pour devenir un garçon, cela relève d’une science, non d’une religion. Cette vérité vaut pour tous les enfants, ce n’est pas une question de religion. Tout, homme doit mourir; là encore, que vient faire la religion ? Et après la mort, le corps devient inutile; cela non plus n’a rien à voir avec la religion, il s’agit bien plutôt de science. Que vous soyez chrétien, hindou ou musulman, quand vous serez mort, votre corps aura perdu toute valeur. C’est scientifique. Lorsqu’un parent meurt, vous n’allez pas dire, « En tant que chrétiens, nous croyons qu’il n’est pas mort ». Non, c’est un fait: que vous soyez chrétien, hindou ou musulman, il est mort. Voilà donc la base sur laquelle nous fondons nos assertions: le corps a de l’importance aussi longtemps que l’âme y vit. Mais qu’elle le quitte, et le corps perd toute valeur. Cette science s’applique à tous, et nous essayons d’éduquer les sens en nous appuyant sur de telles bases.

Mike Robinson: Mais si je comprends bien, votre enseignement semble se fonder sur des vérités purement scientifiques. Que vient donc faire la religion dans tout cela ?

Śrila Prabhupāda: A vrai dire, le mot religion est synonyme de science, mais on lui a donné à tort le sens de croyance — »je crois ». (S’adressant à un disciple): cherche le mot religion dans le dictionnaire.

Le disciple: Le dictionnaire définit la religion comme la « reconnaissance par l’homme d’un pouvoir ou d’un principe supérieur, surnaturel, et plus précisément d’un Dieu personnel à qui obéissance et respect sont dus; l’attitude mentale qui en résulte. »

Śrila Prabhupāda: Oui, la religion, c’est l’art d’apprendre à obéir au Seigneur Suprême. Peu importe donc que vous soyez chrétien et moi hindou: nous devons tous deux accepter l’existence d’un maître suprême. C’est une vérité que tous doivent reconnaître; voilà la vraie religion, et non pas ce « Nous croyons que les animaux n’ont pas d’âme ». Ce genre de supposition n’a aucun rapport avec la religion; elle va même à l’encontre de la démarche scientifique. Religion est synonyme de compréhension scientifique du maître suprême: comprendre Dieu et Lui obéir —voilà tout. Le bon citoyen est celui qui comprend ce qu’est le gouvernement de son pays et obéit à ses lois, alors que le mauvais citoyen, lui, ne s’en soucie pas. Par conséquent, on dira de celui qui ignore les lois de Dieu — »le mauvais citoyen »— qu’il n’a pas de religion, et de celui qui les respecte — »le bon citoyen »— qu’il est pieux.

Mike Robinson: Je vois. Quel est selon vous le but de la vie ? Pourquoi existons-nous ?

Śrila Prabhupāda: Vivre signifie jouir de la vie. Mais parce que votre vie est illusoire, vous souffrez au lieu de jouir de l’existence. On retrouve partout cette lutte pour l’existence: tous les êtres y sont engagés. Mais qu’y gagnent-ils à la fin ? Ils souffrent et ils meurent, voilà tout. Par suite, bien que vivre soit synonyme de jouissance, telle n’est pas votre expérience présente. Mais si vous échappez à votre illusion pour vous établir au niveau réel, spirituel. alors jouirez-vous de la vie.

Mike Robinson: Pouvez-vous me décrire enfin certaines des étapes que l’on traverse dans la vie spirituelle ?

Śrila Prabhupāda: Vous vous demandez d’abord: « Qu’est-ce au juste que ce Mouvement pour la Conscience de Kṛṣṇa ? J’aimerais approfondir ». Voilà ce qu’on nomme sraddha, la foi, et c’est le début. Ensuite, si vous êtes sérieux, vous allez chercher la compagnie de ceux qui cultivent cette connaissance. Vous essaierez de comprendre leurs sentiments. Puis vous songerez: « Pourquoi ne pas faire comme eux ? » Et lorsque vous partagez leur vie, alors toutes vos craintes disparaissent aussitôt. Votre foi s’affermit, et vous développez un goût réel pour la conscience de Kṛṣṇa. Pourquoi ces jeunes ne vont-ils pas au cinéma ni dans les boîtes de nuit ? Pourquoi ne mangent-ils pas de viande ? Parce que leurs goûts se sont transformés: ils ont toutes ces choses en aversion maintenant. Voilà donc la progression: d’abord la foi, puis la compagnie des dévots de Kṛṣṇa, puis les craintes qui disparaissent; la foi s’affermit ensuite et un goût se développe pour la conscience de Kṛṣṇa. Vient alors la réalisation spirituelle proprement dite, et enfin l’amour pour Dieu, la perfection. Voilà une religion parfaite, à la différence du rituel des « Je crois, tu crois ». Il ne s’agit pas là de religion mais de fumisterie. La vraie religion consiste à développer son amour pour Dieu; voilà quelle est la perfection de toute religion.

Mike Robinson: Merci beaucoup pour cet entretien, ce fut un plaisir.

Śrila Prabhupāda: Hare Kṛṣṇa.



Catégories :Karma et réincarnation, La voie et la pratique du bhakti-yoga, Pour une société éclairée

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