Kālo ‘smi loka-kṣaya-kṛt
« Je suis le Temps, destructeur des mondes… »
– Krishna à Arjuna dans la Bhagavad-gita {11.32} –
1) Rien ni personne ne peut résister à la puissance invincible du Temps car le Temps est une manifestation du Seigneur Suprême:
kālam eke yato bhayam
ahańkāra-vimūdhasya
kartuḥ prakrtim īyusaḥ
L’influence de Dieu, la Personne Suprême, se fait sentir à travers le facteur temps qui suscite la peur de la mort chez l’âme égarée par le faux ego, au contact de la nature matérielle
(Extraits) La peur de la mort survient par l’action du kâla, ou du facteur temps, qui représente l’influence de Dieu, la Personne Suprême. En d’autres mots, le temps est destructeur. Tout ce qui est créé est également sujet à la destruction et à l’anéantissement, ce qui représente l’action du temps…Nous devons donc voir le temps comme le Seigneur Souverain présent devant nous.
nirviśeṣasya mānavi
cestāyataḥ sa bhagavān
kāla ity upalaksitaḥ
Ma chère mère, toi la fille de Svayambhuva Manu (1) , sache que le facteur temps, tel que Je l’ai décrit, représente le Seigneur Souverain, d’où procède la création par suite de la mise en mouvement de la nature non manifestée, ou neutre.
L’état non manifesté de la nature matérielle, le pradhâna, se trouve ici davantage expliqué. Le Seigneur dit que lorsque la nature matérielle non manifestée se met en mouvement sous l’effet du regard de Dieu, elle commence à se manifester de différentes façons. Avant cette mise en mouvement, elle reste à l’état neutre, sans qu’il y ait interaction des trois gunas. En d’autres mots, la nature matérielle ne peut produire aucune sorte de manifestation sans le contact du Seigneur Suprême. La Bhagavad-gita explique fort bien tout ceci. Dieu, la Personne Souveraine, Se trouve à l’origine des créations de la nature matérielle (ex: BG 9.10). Sans Son intervention, elle ne peut rien produire.
Le Chaitanya-charitamrta donne également un exemple tout à fait approprié. Bien que les excroissances charnues pendant au cou de la chèvre semblent être des mamelles, elles ne donnent pas de lait pour autant. De même, les actions et réactions de la nature matérielle peuvent sembler merveilleuses aux yeux des hommes de science, mais en réalité, celle-ci ne peut rien sans le temps qui la met en mouvement et qui représente Dieu, la Personne Souveraine. C’est lorsque le temps anime la nature matérielle en son état de neutralité qu’elle commence à produire différentes variétés de manifestations. En dernière analyse, on dira donc que c’est Dieu, la Personne Suprême, qui Se trouve à l’origine de la création. Tout comme une femme ne peut avoir d’enfant à moins d’être fécondée par un homme, la nature matérielle ne peut produire ou manifester quoi que ce soit à moins d’être « fécondée » par Dieu sous la forme du temps.
kāla-rūpenayo bahiḥ
samanvety esa sattvānāḿ
bhagavān ātma-māyayā
A travers le déploiement de Ses puissances, le Seigneur Souverain ajuste tous ces différents éléments, demeurant Lui-même à l’intérieur de tout ce qui est en tant que l’Ame Suprême, et à l’extérieur sous la forme du temps.
A l’extérieur du corps de l’âme conditionnée, le Seigneur Suprême reste présent sous la forme du temps. Selon la philosophie du sankhya, il existe vingt-cinq éléments: les vingt-quatre éléments matériels déjà décrits auxquels vient s’ajouter le facteur temps. Et selon certains philosophes érudits, l’Ame Suprême Se trouve inclue au nombre des composants de l’univers, pour former un total de vingt-six éléments.
2 ) Cependant, même s’il demeure impossible d’arrêter l’action implacable du Temps sur la matière, il est possible toutefois de s’affranchir de la peur de la mort, en réalisant qu’en tant qu’âme spirituelle, distincte du corps, on se situe au-delà de l’influence du Temps:
TENEUR ET PORTEE
La crainte qu’éprouvent les êtres devant la mort s’explique par leur faux ego, ou leur identification au corps. Et tous les êtres ont peur de la mort. En réalité, il n’y a pas de mort pour l’âme spirituelle, mais du fait de notre identification profonde avec le corps, il se développe en nous une crainte de la mort. Le Srimad-Bhagavatam enseigne également: bhayaḿ dvitîyîbhiniveśataḥ syâd (SB 11.2.37); le mot dvitîya désigne la matière, qui est la manifestation secondaire de l’élément spirituel, car la matière procède de l’esprit. Tout comme les éléments matériels décrits dans ces versets puisent leur origine en le Seigneur Souverain, en l’Etre spirituel suprême, le corps est lui-même un produit de l’âme spirituelle. Aussi le corps matériel est-il appelé dvitiya, ou « le second ». Celui qui s’absorbe dans cet élément second, dans cette manifestation ultérieure de l’esprit, redoute la mort. A l’opposé, celui qui possède la ferme conviction d’être distinct de son corps, ne conçoit pas la moindre crainte à l’égard de la mort, car l’âme spirituelle ne meurt pas.
Si l’âme s’emploie aux activités spirituelles du service de dévotion, elle s’affranchit complètement du règne de la naissance et de la mort. Vient ensuite pour elle la liberté spirituelle, ou l’affranchissement définitif de tout corps matériel. La peur de la mort survient par l’action du kâla, ou du facteur temps, qui représente l’influence de Dieu, la Personne Suprême. En d’autres mots, le temps est destructeur. Tout ce qui est créé est également sujet à la destruction et à l’anéantissement, ce qui représente l’action du temps. Le temps est une manifestation du Seigneur, destinée à nous rappeler que nous devons nous abandonner à Lui. Le Seigneur S’adresse à chaque âme conditionnée sous la forme du temps. Dans la Bhagavad-gita, Il déclare que quiconque s’abandonne à Lui ne connaîtra plus jamais les problèmes liés à la naissance et à la mort. Nous devons donc voir le temps comme le Seigneur Souverain présent devant nous.
(1) Il s’agit de l’avatâra Kapila deva, une incarnation de Krishna, s’adressant à sa mère
Devahuti fille de Svayambhava Manu.
bhayaḿ dvitīyābhiniveśataḥ syād
īśād apetasya viparyayo ‘smṛtiḥ
tan-māyayāto budha ābhajet taḿ
bhaktyaikayeśaḿ guru-devatātmā
La peur se manifeste dès l’instant où l’être vivant s’identifie avec son corps matériel. Cela est dû au fait qu’il s’est absorbé dans l’énergie externe, illusoire, du Seigneur. Dès que l’entité vivante se détourne du Seigneur Suprême, il oublie aussi sa positon constitutionnelle de serviteur du Seigneur. Cette redoutable et inquiétante situation est générée par la puissance d’illusion, appelée mâyâ. Ainsi, tout personnne dotée d’intelligence devrait s’engager sans faillir- sous l’égide d’un maître spirituel -, dans le service de dévotion sans mélange du Seigneur et l’adorer comme sa mûrti vénérable et sa source de vie.
Catégories :Philosophie et transcendance