La réincarnation (1/2)

Mike Robinson, de l’Office de Radiodiffusion Londonien, interroge Śrila Prabhupāda sur la science de l’âme: avons-nous déjà existé ? Reviendrons-nous en ce monde? En se référant à des écrits millénaires, les Textes védiques, Śrila Prabhupāda lui répond avec une bouleversante précision.

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Mike Robinson: Pouvez-vous me définir les bases de votre croyance —en quoi consiste la philosophie du Mouvement Hare Kṛṣṇa ?

Śrila Prabhupāda: Avant tout, la conscience de Kṛṣṇa n’est pas une question de croyance, il s’agit d’une science. La première étape consiste à savoir ce qui distingue un corps vivant d’un cadavre. En quoi sont-ils différents ? Lorsque quelqu’un meurt, l’âme spirituelle, ou la force vivante, quitte le corps et c’est pourquoi on le dit mort. Deux choses donc: le corps, et la force vivante à l’intérieur de ce corps. En ce qui nous concerne, la force vivante nous intéresse: voilà ce qui distingue la science de la conscience de Kṛṣṇa, spirituelle, de la science commune, matérielle. Au premier abord, il serait donc extrêmement difficile pour l’homme ordinaire d’apprécier notre Mouvement car il doit commencer par comprendre qu’il est une âme spirituelle, ou tout au moins autre chose que son corps.

Mike Robinson: Et quand parviendrons-nous à comprendre cela ?

Śrila Prabhupāda: Tout de suite si vous voulez, mais cela demande un peu d’intelligence. Prenons l’exemple de l’enfant qui grandit et devient un garçon, puis un jeune homme, puis un adulte et enfin un vieillard. Tout au long de cette évolution, bien que son corps passe de l’enfance à la vieillesse, il se sent toujours la même personne, il a conscience de garder la même identité. Réfléchissez: le corps change mais son occupant, l’âme, reste-le même. Noos pouvons donc conclure en toute logique qu’à la fin de ce corps, nous devons en revêtir un nouveau. C’est ce qu’on appelle la transmigration de l’âme.

Mike Robinson: Donc, lorsqu’on parle de mort, il n’est question en fait que du corps physique, n’est-ce-pas ?

Śrila Prabhupāda: Exactement. Cela est expliqué de façon très élaborée dans la Bhagavad-Gītā (II.20): na jāyate mriyate vā kadācin … na hanyate hanyamāne śarīre.

Mike Robinson: Est-ce que vous citez souvent les Écritures ?

Śrila Prabhupāda: Oui, nous faisons beaucoup de citations. La Conscience de Kṛṣṇa donne une éducation sérieuse, ce n’est pas une religion quelconque. (S’adressant à un disciple): cherche ce verset dans la Bhagavad-Gītā.

Le disciple:

na jāyate mriyate vā kadācin
nāyaṁ bhūtvā bhavitā vā na bhūyaḥ
ajo nityaḥ śāśvato ’yaṁ purāṇo
na hanyate hanyamāne śarīre

« L’âme ne connaît ni la naissance ni la mort. Vivante, elle ne cessera jamais d’être. Non née, immortelle, originelle, éternelle, elle n’eût jamais de commencement et jamais n’aura de fin. Elle ne meurt pas avec le corps. »

Mike Robinson: Oh, merci beaucoup. Peut-être pouvez-vous m’éclairer un peu plus maintenant: si l’âme est immortelle, est-ce que tout le monde revient à Dieu après la mort ?

Śrila Prabhupāda: Pas nécessairement. Encore faut-il s’être qualifié durant sa vie —dans ce cas, effectivement, on peut retourner à Dieu. Autrement, on doit reprendre un corps matériel, et il existe 8 400 000 sortes de corps différents. De par les lois de la nature, chacun reçoit ainsi un corps particulier selon ses désirs et son karma. C’est exactement comme si quelqu’un attrape une maladie spécifique et extériorise par la suite les signes pathologiques propres à cette maladie. Est-ce que vous comprenez ?

Mike Robinson: Disons qu’il est très difficile de tout comprendre.

Śrila Prabhupāda: Supposons qu’un homme contracte la variole. Sept jours plus tard les symptômes vont apparaître. Comment appelle-t-on ce laps de temps ?

Mike Robinson: L’incubation ?

Śrila Prabhupāda: Oui, c’est cela. Vous ne pouvez donc pas l’éviter. Si vous attrapez une maladie, elle évoluera jusqu’à ce que les symptômes se déclarent; c’est la loi de la nature. De même, au cours de cette vie, vous subissez d’une certaine façon l’influence de l’énergie matérielle, et ce conditionnement particulier déterminera le corps que vous habiterez dans la vie suivante. Tout cela s’inscrit –rigoureusement dans le cadre des lois de la nature auxquelles tous les êtres sont soumis. Ils en dépendent complètement, mais dans leur ignorance, ils se croient libres. En fait, ils s’imaginent être libres mais ils sont complètement subordonnés aux lois de la nature. Ainsi vos actes —pécheurs ou pieux selon le cas— détermineront-ils votre prochaine naissance.

Mike Robinson: Votre Grâce, pourriez-vous reprendre cette idée ? Vous dites que personne n’est libre: devons-nous comprendre que celui qui vit de bonne manière se prépare d’une certaine façon un bon futur ?

Śrila Prabhupāda: Oui.

Mike Robinson: Nous sommes donc libres de choisir ce que nous croyons être important ? Bien sûr, la religion est importante car celui qui croit en Dieu et vit pieusement…

Śrila Prabhupāda: Ce n’est pas une question de croyance, n’y mêlez pas cette notion. Il s’agit de lois. Prenons l’exemple du gouvernement: que vous croyiez ou non en la loi, si vous l’enfreigniez, le gouvernement vous punira. De même, que vous y croyiez ou non, Dieu existe. Si toutefois vous refusez de croire en Lui et que vous agissiez indépendamment, comme il vous plaît de le faire, alors vous serez puni par les lois de la nature.

Mike Robinson: Je vois. Mais est-ce vrai quelle que soit la religion a laquelle on croit ? Qu’est-ce que cela change d’être un dévot de Krishna ?

Śrila Prabhupāda: Ce n’est pas une question de religion, mais bien ce science. Vous êtes un être spirituel, mais parce que vous êtes conditionné par la matière, vous voilà soumis aux lois de la nature. Peut-être avez-vous foi dans la religion chrétienne et moi dans la religion hindoue, mais cela ne signifie pas pour autant que vous allez vieillir et moi non. Nous discutons ici de la science du vieillissement; il s’agit d’une loi naturelle. Ce n’est pas le fait d’être chrétien qui vous fera vieillir, et ce n’est pas non plus le fait que je sois hindou qui m’en empêchera. Tout le monde vieillit, et de même les lois de la nature dans leur ensemble valent pour tous; que tous croyiez en telle religion ou en telle autre, cela importe peu.

Mike Robinson: Selon vous donc, un seul et même Dieu dirige tous les êtres.

Śrila Prabhupāda: Un seul Dieu et une seule loi de la nature, à laquelle nous sommes tous soumis. Nous sommes sous la dépendance du Suprême, et de ce fait, si nous nous croyons libres, libres d’agir comme bon nous semble, c’est bien là le signe de notre stupidité.

Mike Robinson: Je vois. Mais alors, quel intérêt particulier y a-t-il à faire partie du Mouvement Hare Krishna ? Qu’est-ce que cela change ?

Śrila Prabhupāda: Le Mouvement pour la Conscience de  s’adresse à ceux qui désirent sérieusement comprendre cette science. Nous ne sommes absolument pas assimilables à quelque secte: n’importe qui peut faire partie de ce Mouvement. Que vous soyiez libre penseur, chrétien, hindou ou musulman, peu importe. Le Mouvement pour la Conscience de Krishna admet quiconque veut comprendre la science de Dieu.

Mike Robinson: Et qu’est-ce que cela apporte d’apprendre à être un dévot de Krishna ?

Śrila Prabhupāda: C’est le début de la véritable éducation. En premier lieu, vous devez comprendre que vous êtes une âme spirituelle, et que de ce fait vous changez de corps. Voilà l’ABC de la réalisation spirituelle. Donc, lorsque l’existence du corps prend fin, qu’il est détruit, pour vous ce n’est pas la fin: vous revêtez un nouveau corps tout comme vous changeriez de costume ou de chemise. Supposons que demain, pour venir me voir, vous portiez une chemise et un costume différents: serez-vous pour cela une personne différente ? Sûrement pas. De même, chaque fois que vous mourez, vous changez de corps, mais vous —c’est-à-dire l’âme spirituelle à l’intérieur de ce corps— demeurez le même. Il faut d’abord bien comprendre ce point; on peut alors aller plus loin dans la science de la conscience de Krishna.

Mike Robinson: Je commence à comprendre, mais il m’est toutefois difficile de faire le lien entre tout ceci et le fait qu’à Oxford Street on voit beaucoup de vos disciples distribuer des livres ayant trait à la Conscience de Krishna.

Śrila Prabhupāda: Ces livres ont pour but de convaincre les gens de l’importance de la vie spirituelle.

Mike Robinson: Et peu vous importe si l’on fait partie ou non du Mouvement Hare Krishna ?

Śrila Prabhupāda: Peu importe, notre mission consiste à éduquer. L’ignorance affecte aujourd’hui les hommes dans leur masse: ils se bercent d’illusions à croire que tout est fini lorsque le corps a fini d’exister.

Mike Robinson: En fait, la seule chose qui vous intéresse serait donc d’éveiller l’homme à la dimension spirituelle de la vie ?

Śrila Prabhupāda: Notre premier souci est de vous expliquer que vous n’êtes pas le corps —celui-ci n’étant qu’un simple vêtement semblable à votre chemise et à votre costume—, et que vous vivez a l’intérieur de ce corps.

Mike Robinson: Je crois avoir saisi maintenant. Partons donc de ce point, si vous le voulez bien. Vous disiez que nos actes déterminent ce que sera notre vie après la mort, que notre prochaine vie est fixée par des lois naturelles. Comment s’opère donc cette transmigration ?

Śrila Prabhupāda: Il s’agit d’un processus extrêmement subtil; l’âme spirituelle, infinitésimale, reste invisible pour l’oeil matériel. Lorsque le corps grossier —formé de sens, de sang, d’os, de graisse, etc.— est détruit, le corps subtil, lui, —le mental, l’intelligence et l’ego— continue de fonctionner, et au moment de la mort, ce corps subtil emporte l’âme infime vers un autre corps grossier. Ce processus s’apparente au déplacement d’une odeur que transporte l’air. Personne ne peut voir le parfum d’une rose, mais nous savons qu’il est porté par l’air. Pareillement, la transmigration de l’âme est un procédé lui aussi très subtil. Selon la nature du mental à l’instant de la mort, l’âme spirituelle infinitésimale portée par la semence mâle, prend refuge dans le sein d’une femelle qui lui donne un corps; ce peut être celui d’un homme ou celui d’un chat, d’un chien, etc.

Mike Robinson: Dois-je comprendre que nous existions déjà sous une autre forme avant cette vie ?

Śrila Prabhupāda: Exactement.

Mike Robinson: Et nous revenons sous une nouvelle forme à chaque fois ?

Śrila Prabhupāda: Oui, car vous êtes éternel. Vous changez simplement de corps en fonction de vos actes. Par conséquent, vous devez développer le désir de savoir comment mettre un terme à ce cycle, comment retrouver votre corps spirituel originel. Voilà ce qu’enseigne la Conscience de Krishna.

Mike Robinson: Je vois. Si je deviens conscient de Krishna, je ne risque donc pas de revenir sous la forme d’un chien.

Śrila Prabhupāda: Certainement pas. (S’adressant à un disciple) : cherche ce verset: janma karma ca me divyam

Le disciple:

janma karma ca me divyam
evaṁ yo vetti tattvataḥ
tyaktvā dehaṁ punar janma
naiti mām eti so ’rjuna

« Celui, ô Arjuna, qui connaît l’absolu de Mon Avènement et de Mes Actes n’aura plus à renaître dans l’univers matériel; quittant son corps, il entre dans Mon royaume éternel. » (B.g., IV.9)

Śrila Prabhupāda: Dieu nous dit: « Qui Me comprend tel que Je suis est libéré des morts et des renaissances ». Mais on ne peut pas comprendre Dieu par une spéculation matérialiste; ce n’est pa possible. On doit d’abord s’élever au niveau spirituel où l’on acquiert l’intelligence nécessaire pour comprendre Dieu. Et celui qui y parvient n’aura plus jamais à reprendre de corps matériel. Il retourne en sa demeure originelle, auprès de Dieu, pour y vivre éternellement sans plus jamais changer de corps.

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