Le mental: cause d’asservissement ou de libération (n°1/2)

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Voici une série de 13 versets, sur le thème du mental, extraite du Srimad Bhagavatam. Chacun de ces versets est suivi  des teneurs et portées  de Srila Prabhupada . Il s’agit des enseignements du grand saint Jada Bharata adressés au roi Rahugana (SB 5ème chant, chapitre 11 commençant avec le verset 4) . Ces enseignements précieux  nous éclairent sur le rôle important que joue le mental dans l’asservissement aussi bien que la libération des êtres.


1) L’influence des trois gunas sur le mental force l’être à se réincarner


 Verset 4 

Tant que le mental demeure contaminé par les trois gunas [la vertu, la passion et l’ignorance], on peut le comparer à un éléphant en liberté qui échappe à tout contrôle. Il ne fait que prolonger la sujétion de l’être distinct aux actes vertueux et impies (actions coupables) accomplis par les différents sens. Ce dernier doit alors rester dans l’univers matériel pour connaitre les joies et les souffrances résultant de ses actions intéressés.

TENEUR ET PORTEE

Le Chaitanyacaritamrta enseigne que les actes matériels vertueux et impies s’opposent tous au principe du service de dévotion. En effet, la pratique du service de dévotion suppose que l’on soit libéré des chaînes de l’existence matérielle -ce qui correspond à la mukti, alors que les actes vertueux et impies ne contribuent qu’à nous asservir à l’univers matériel. Si le mental est subjugué par ces deux pôles d’activités mentionnés dans les Vedas, l’être demeure éternellement dans les ténèbres; jamais il ne peut atteindre le niveau absolu. Le simple fait de transférer sa conscience du niveau de l’ignorance à celui de la passion, ou de la passion à la vertu, ne résout pas vraiment le problème.La Bhagavad-gita  stipule clairement: sa guṇān samatītyaitān brahma-bhūyāya kalpate. Il faut s’élever jusqu’au niveau spirituel et absolu, sinon la mission de notre existence reste à jamais inachevée (BG14.26).

 Verset 5

En proie au désir d’accomplir des actes vertueux et impies, le mental est naturellement sujet aux effets de la concupiscence et de la colère; c’est ainsi qu’il est attiré par la satisfaction des sens matériels. En d’autres termes, ce sont la vertu, la passion et l’ignorance qui dirigent le mental. Il existe onze sens et cinq éléments matériels grossiers; or, parmi ces seize éléments, c’est le mental qui prime. Il fait donc renaitre l’âme distincte dans différentes sortes de corps, parmi les devas, les êtres humains, les animaux et les oiseaux. Selon qu’il se situe à un niveau bas ou élevé, il se verra octroyer un corps matériel d’une qualité équivalente.

TENEUR ET PORTEE

La transmigration de l’âme à travers les huit millions quatre cent mille (8 400 000) espèces vivantes est due à la pollution du mental par tel ou tel attribut matériel. C’est à cause du mental que l’âme se livre à des actes vertueux ou impies. La continuation de l’existence matérielle peut se comparer aux vagues de la nature matérielle. A cet égard, Srila Bhaktivinoda Thakura dit: māyāra vaśe, yāccha bhese’, khāccha hābuḍubu, bhāi: -« Mon cher frère, l’âme spirituelle se trouve tout entière sous l’emprise de māyā, et tu es emporté par ses vagues. » Ceci est confirmé par la Bhagavad-gita (3.27) :

prakṛteḥ kriyamāṇāni
guṇaiḥ karmāṇi sarvaśaḥ
ahańkāra-vimūḍhātmā
  kartāham iti manyate

« Sous l’influence des trois gunas, l’âme incarnée par le faux ego croit être l’auteur de ses actes, alors qu’en réalité, ils sont accomplis par la nature. »

   L’existence matérielle consiste à subir pleinement l’emprise de l’énergie externe du Seigneur et c’est vers le mental que convergent toutes les incitations de la nature matérielle. L’être distinct se trouve ainsi emporté d’un corps à un autre, ceci de façon continue, kalpa après kalpa.

ḳrṣṇa bhuli sei jīva anādibahirmukha
ataeva māyā tāre deya saḿsāraduḥkha 

« Plongé dans l’oubli de Krishna, l’être vivant s’est laissé séduire par Son énergie externe depuis des temps immémoriaux. Voilà pourquoi māyā, l’énergie illusoire, lui fait subir toutes sortes de souffrances en ce monde matériel. »Cc Mad.20.117

Verset 6

Le mental matériel recouvrant l’âme l’entraîne d’une forme de vie à une autre . C’est ce qu’on appelle la roue de l’existence matérielle. Du fait de son mental, l’âme expérimente le malheur ou le bonheur matériel; illusionné de la sorte, le mental l’incite à de nouveaux actes vertueux et impies avec les conséquences qu’ils entraînent (karma), et l’âme devient ainsi une âme conditionnée.

 TENEUR ET PORTEE

   Les activités du mental sous l’influence de la ntaure matérielle sont cause de bonheur et de malheur en ce monde. Aveuglée par l’illusion, l’âme distincte poursuit éternellement son existence conditionnée sous différents noms. On qualifie ces êtres de nitya-baddhas, ou éternellement conditionnés. En somme, le mental est à l’origine de l’existence conditionnée. C’est pourquoi la pratique du yoga dans son ensemble vise à s’assure la maîtrise du mental et des sens. Une fois le mental maîtrisé, les sens le sont automatiquement, et l’âme se trouve sauvée des suites de l’action vertueuse ou impie. Si l’on dépose le mental aux pieds pareils-au-lotus de Sri Krishna ( sa vai manah krsna-padāravindayoh), les sens seront automatiquement employés à Son service, et lorsqu’il absorbe son mental et ses sens dans le service de dévotion, l’être distinct devient naturellement conscient de Krishna (BG 2.61) .Comme le confirme la Bhagavad-gita, celui qui médite toujours sur Krishna devient un parfait yogi (yoginām api sarveṣāḿ mad-gatenāntarātmanā (BG 6.47) Cet āntarātma – le mental – est conditionné par la nature matérielle. Ainsi il est expliqué ici, māyā-racitāntarātmā sva-dehinaḿ saḿsṛti-cakra-kūṭaḥ: le mental, vu  sa très grande puissance, recouvre l’âme distincte et la plonge dans les vagues de l’existence matérielle.

Verset 7

Le mental fait errer l’être vivant en ce monde à travers différentes espèces de vie; il traverse ainsi diverses circonstances matérielles, tantôt homme, tantôt deva, tantôt gros, tantôt maigre, etc. Les doctes érudits enseignent que le mental est ce qui cause l’aspect corporel, l’asservissement et la libération.

TENEUR ET PORTEE

Tout comme le mental est cause d’asservissement, il peut devenir cause de libération. On le qualifie ici de para-avara; para signifie « spirituel », et avara « matériel ». Lorsqu’il se tourne vers le service du Seigneur (sa vai manah krsna-padaravindayoh), le mental est para, ou spirituel; et lorsqu’il est dirigé vers la satisfaction des sens matériels, on le dit avara, ou matériel. A l’heure actuelle, dans notre état conditionné, notre mental s’abîme tout entier dans la poursuite des plaisirs matériels, mais il peut être purifié et ramené à sa conscience de Krsna originelle par la pratique du service de dévotion. Nous avons souvent donné l’exemple d’Ambarisa Maharaja: sa vai manaḥ kṛṣṇa-padāravindayor vacāḿsi vaikuṇṭha-guṇānuvarṇane. Il faut se rendre maître du mental en l’absorbant dans la conscience de Krsna, et la langue peut être utilisée pour répandre le message de Krsna ainsi que pour glorifier le Seigneur ou pour prendre le prasāda, la nourriture offerte au Seigneur. Sevon-mukhe hi jihvadau: lorsqu’on utilise la langue au service du Seigneur, les autres sens peuvent être purifiés. Ainsi que le déclare le Narada-pancaratra: sarvopadhivinirmuktam tat-paratvena nirmalam -lorsque le mental et les sens sont purifiés, c’est toute l’existence qui se purifie, et l’on s’affranchit alors de toute désignation matérielle. On cesse de se considérer comme un être humain, un deva, un chat, un chien, un hindou ou un musulman. Quand les sens et le mental se purifient et quand on s’absorbe pleinement dans le service de Krsna, on peut être libéré et retourner à Dieu, en sa demeure originelle.


2) Le mental : cause

d’asservissement ou de libération


Verset 8

Lorsque le mental de l’être distinct s’abîme dans les plaisirs de ce monde, il est la cause de sa vie conditionnée et l’amène à souffrir ici-bas. Toutefois, lorsqu’il se détache de ces plaisirs, il devient source de libération. Lorsque la mèche d’une lampe se consume de façon irrégulière, la flamme en noirçit les parois; mais si cette lampe est remplie de ghî (beurre clarifié) et si la mèche brûle normalement, elle donne une lumière pure. De même, lorsque le mental s’absorbe dans le plaisir des sens il entraîne la souffrance; mais lorsqu’il s’en détache, réapparaît la clarté originelle de sa conscience de Krishna.

 TENEUR ET PORTEE

Voilà pourquoi on conclut que le mental est la cause de l’existence matérielle aussi bien que de la libération. Chaque être souffre en ce monde à cause du mental; il est donc recommandé de le discipliner, ou de la purifier de ses attachements matériels, pour le plonger tout entier dans le service du Seigneur. C’est là ce qu’on appelle l’activité spirituelle. Comme le dit la Bhagavad-gita (14.26):


māḿ ca yo ‘vyabhicāreṇa
bhakti-yogena sevate
sa guṇān samatītyaitān
brahma-bhūyāya kalpate

« Celui qui, tout entier, s’absorbe dans le service de dévotion, sans jamais faillir, transcende immédiatement les trois gunas et atteint ainsi le niveau du Brahman. »  

Nous devrions complètement absorber le mental en des actes relevant de la conscience de Krishna; il servira alors à nous libérer, à permettre notre retour à Dieu, en notre demeure première. Toutefois, si nous le laissons s’attacher à des activités matérielles pour la satisfaction des sens, il causera notre asservissement continu et nous fera rester en ce monde dans différents corps, où nous subirons les conséquences de nos divers actes.


3) Les champs d’activités du mental

d’asservissement ou de libération


Verset 9

 

On compte cinq organes d’action et cinq de perception (voir sens), puis le faux ego; ce sont là les onze éléments servant aux activités du mental. Quant aux objets des sens (comme le son et les objets du toucher), aux fonctions organiques (comme l’élimination) et aux différentes formes de corps, de liens sociaux, d’amitiés et de personnalités, sache, ô héros, que les doctes érudits les considèrent comme les domaines où s’exercent les activités du mental.

TENEUR ET PORTEE

Le mental exerce son emprise sur les cinq organes de perception et sur les cinq organes d’action. Chaque organe possède son champ d’activité propre; mais dans tous les cas, le mental agit en tant que maître. Sous l’influence du faux ego, l’être s’identifie au corps et songe à « son » corps, à « sa » maison, à  »sa » famille, à « sa » société, à « sa » nation, etc. Toutes ces fausses conceptions ne sont que des développements du faux ego. C’est sous son influence qu’on se croit ceci ou cela, et qu’on s’embourbe ainsi dans l’existence matérielle.

 Verse 10

Le son, l’objet du toucher, la saveur, la forme et l’odeur sont perçus par les cinq sens permettant d’acquérir la connaissance. La parole, le toucher, le mouvement, l’élimination des déchets corporels ainsi que l’union charnelle représentent les fonctions des organes d’action. Au-delà se trouve un autre agent celui qui nous fait penser: « Ceci est mon corps, ma société, ma famille, ma nation », et ainsi de suite. On appelle « faux ego » cette onzième fonction, propre au mental. Selon certains philosophes, il s’agirait en l’occurrence de la douzième fonction, dont le champ d’activité est le corps

  TENEUR ET PORTEE

A chacun des onze éléments décrits ci-dessus correspondent différentes fonctions. Le nez nous permet de sentir, les yeux de voir, les oreilles d’entendre, et c’est ainsi que nous recueillons des informations. Il y a également les karmendriyas, les organes d’action- à savoir les mains, les jambes, les organes génitaux, le rectum, la bouche, etc. Quand le faux ego se déploie, il nous fait penser: « Ceci est mon corps, ma famille, ma société, mon pays, etc. »

SUITE…..



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