Mes impressions sur Srila Prabhupada -1ère Partie

  Mes impressions sur Srila Prabhupada         

 Le Dr. Stillson Judah fut, pendant de nombreuses années, professeur d’histoire des religions et directeur de la bibliothèque à la faculté de théologie de Berkeley en  Californie. Vers la fin des années 60 et le début des années 70, il fit une étude approfondie sur le Mouvement pour la Conscience de Krishna et publia  » Hare Krishna et la contre culture », livre encore considéré comme l’ouvrage de référence sur le Mouvement pour la Conscience de Krishna.  Au cours de ses recherches, le Dr. Judah rencontra et discuta maintes fois, sans cérémonie, avec le fondateur et maître du Mouvement Hare Krsna, Sa Divine Grâce A. C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada. Dans la conversation qui suit, entre Subhananda, un disciple de Prabhupada  et le Dr. Judah, ce dernier parle de façon révélatrice et personnelle de Srila Prabhupada, érudit, chef religieux et saint homme.

Subhananda dasa: Quand avez-vous rencontré Srila Prabhupada pour la première fois?

Dr. Judah: Je l’ai rencontré pour la première fois à Berkeley, en 1969, alors que le centre de l’ISKCON se situait rue Durant, juste après que j’aie décidé d’écrire un livre sur le Mouvement Hare Krishna. Depuis quelques temps déjà, je me rendais régulièrement aux kirtanas et lorsque Srila Prabhupada vint faire une visite, je tins absolument à le rencontrer. De nombreuses questions philosophiques et théologiques m’intéressaient. Nous parlâmes principalement de la philosophie du grand saint bengali du XVIe siècle, Sri Chaitanya  et de celle de Sankaracarya, qui enseigna l’ advaita-vedanta, le monisme non dévotionnel. Je fus dès cet instant trés impressionné par la  compréhension du savoir philosophique que Prabhupada détenait de toute évidence. Sa connaissance du sanskrit m’impressionna tout praticulièrement: j’avais moi-même étudié le sanskrit pendant 6 ans à l’université. J’étais respectueux du fait que sa conversation comportait une grande part de sanskrit toujours suivi de la traduction anglaise, ce que j’étais bien incapable de faire. Bien que je puisse lire le sanskrit, je e n’ai jamais pu en garder une grande quantité en mémoire, et encore moins l’évoquer avec facilité afin de souligner un point philosophique ou théologique particulier comme il le faisait si bien.

Subhananda dasa: Vous voulez parler de ses citations tirées des Ecritures?

Dr Judah: Oui. Cela m’a certainement grandement impressionné. Je n’étais pas seulement frappé par sa connaissance du sanskrit, mais par son savoir approfondi de la philosophie indienne, et en particulier du vaisnavisme gaudiya (voir gaudiya vaisnava), dont nous parlâmes largement. J’ai donc eu, à ce moment, une impression très favorable de ses connaissances.

Subhananda dasa: Lors de cette première rencontre, quelle a été votre impression sur Srila Prabhupada en tant que personne?

Dr. Judah: Je dois dire que j’ai été frappé par son humilité. Bien que je ne sois pas un dévot, je n’avais pas du tout le sentiment qu’il me parlait comme à un inférieur. Bien qu’il méritât sans aucun doute mon respect, non seulement pour sa connaissance, mais pour son évidente sainteté, disons qu’il me traitait sur un pied d’égalité, avec respect et délicatesse. Bien que j’aie étudié la philosophie indienne de façon relativement approfondie, j’étais venu pour comprendre que c’est en définitive à travers une foi développée par un entraînement spirituel sérieux et prolongé que l’on peut percevoir clairement la philosophie spirituelle. Donc, malgré mes études académiques, je n’étais pas un interlocuteur compétent pour Srila Prabhupada. Malgré cela, il me traitait avec un respect et une affection fraternels. Son humilité était évidente.

Subhananda dasa: D’autres impressions?

Dr Judah: Il m’a beaucoup impressionné, dès notre première rencontre, par le fait qu’il vivait de la même manière qu’il voulait que ses disciples vivent. Cela diffère grandement de nombreux autres gurus qui viennent  en Occident et prennent l’habitude de boire des cocktails et autres choses de ce genre. Prabhupada vivait vraiment de façon très stricte. Il montrait à ses disciples le parfait exemple. Et je pense que là résidait en grande partie le pouvoir de cet homme – il prônait une existence sévèrement disciplinée, mais il s’y soumettait lui-même à la lettre. Sa popularité parmi ses disciples venait du fait que sa propre existence était un exemple réel, aussi sainte et disciplinée qu’il exigeait d’eux.

Subhananda dasa: Pourriez-vous entrer dans plus de détails?

Dr. Judah : Malgré l’adoration que lui vouaient ses disciples, il ne se plaçait pas au-dessus d’eux. Il mangeait comme eux, habitait avec eux; il ne désirait pas habiter un palais et menait la même ascèse que ses disciples. L’exemple qu’il donnait était parfait et impressionnait certainement les dévots. Je l’étais moi-même beaucoup.

Subhananda dasa: Les disciples qui, pour une période plus ou moins longue, furent en contact avec Srila Prabhupada, ont uniformément affirmé qu’il était très strict dans ses habitudes personnelles et dans ses actes. Il mettait parfaitement en pratique ce qu’il prêchait. Les sceptiques eux-mêmes étaient incapables de discerner la moindre hypocrisie.

Dr. Judah: C’est tout à fait vrai.

Subhananda dasa: D’un point de vue historique, comment pourriez-vous définir l’oeuvre de Srila  Prabhupada? Quelle exceptionnelle contribution fut la sienne?

Dr. Judah: Il fut en réalité le premier à introduire l’hindouisme dévotionnel théiste – le vaisnavisme (voir vaisnava) – en Occident. Avant, l’Ouest avait été initié à la philosophie hindoue principalement à travers Thoreau, Emerson et autres spiritualistes du XIXe , dont les lectures sur la littérature védique se limitaient à des traductions et commentaires non-devotionnels représentant l’interprétation panthéiste et non-dualiste.

Cette vision de l’Occident, limitée à un aspect de la culture védique, fut encore renforcée par Swami Vivekananda lorsqu’il vint en Amérique en 1893 et fit un discours au Parlement Mondial des Religions à Chicago. Depuis, un nombre incalculable d
e gurus sont venus en Occident présenter cet aspect panthéiste et non-dévotionnel de la tradition indienne. Dans l’étude de la philosophie et la religion indiennes, on doit faire la différence entre la philosophie advaita (« pas de différence entre Dieu et l’homme ») et la religion pratiquée par les gens en général; l’une des choses les plus frappantes pour celui qui visite l’Inde est l’incroyable quantité de temples que l’on y trouve. Et ces temples ne sont pas érigés à la gloire d’un Dieu impersonnel, mais à la gloire et pour l’adoration d’un Dieu personnel. Le côté théiste de la religion et l’adoration qui l’accompagne sont très importants et même prédominants en Inde. Mais cette impression n’est jamais rendue dans les enseignements de Vivekananda et des autres maîtres impersonnalistes. A ce sujet, je suis récemment tombé sur une référence faite à un article paru dans un journal religieux en vogue en Inde vers 1890; l’auteur trouve bien dommage que Vivekananda apporte à l’Amérique cette philosophie advaita au lieu de la religion réelle en laquelle croit l’Inde entière et qu’elle pratique. L’auteur de l’article suggère que Vivekananda enseigne aux Américains la religion de Sri Chaitanya – le service d’amour offert au Seigneur Suprême; c’est ainsi qu’il aiderait véritablement le peuple américain.

Ceci en fait est très intéressant…Lorsque je me suis entretenu avec l’un des frères spirituels de Srila Prabhupada, il m’a dit s’être rendu en Amérique vers 1930.

Subhananda dasa: Où l’avez-vous rencontré?

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Dr. Judah: A Vrindavana, en Inde. Il me dit être venu ici vers 1930 et avoir voyagé à travers les Etats-Unis. Il ne parlait que dans des rassemblements d’étudiants dans les universités, jamais aux gens en général. Sa tentative pour répandre la conscience de Krishna, les enseignements de Sri Caitanya, n’eut donc aucun impact. Il donnait une conférence et partait. Il ne fut pas capable de donner vie à un mouvement. Lorsque Srila Prabhupada vint en Amérique, il alla directment parmi les gens, tout particulièrement ceux qui avaient le plus besoin de lui – ceux qui dans le lower East Side à New-York et dans le quartier  de Haight Ashbury à San Francisco protestaient contre la culture établie. De là, le mouvement grandit et se répandit à travers le monde. C’est donc Srila Prabhupada le premier qui, en fait, introduisit en Occident l’hindouisme théiste, le vaisnavisme, qui a toujours dominé en Inde.

Subhananda dasa: J’apprécie la façon dont vous présentez la générosité de Srila Prabhupada qui se méla aux gens en général afin d’enseigner la conscience de Krishna. En Inde, les brahmanas de castes, ultra-conservateurs, ont parfois critiqué le transfert vers l’Occident de la culture védique traditionnelle opéré par Srila Prabhupada. Ils pensaient que les gens y étaient peu aptes au mode de vie brahmanique.

Dr. Judah: Ce point est essentiel. D’un point de vue historique, c’est une autre grande réussite de Srila Prabhupada: il a introduit la vision très libérale de Sri Caitanya sur le varnasrama, le soi-disant système des castes, qui tout en admettant des différences naturelles entre les gens selon leur fonction dans la société, passe à travers les distinctions discriminatoires qui se basent sur la naissance. Selon les enseignements de Sri Caitanya, n’importe qui, peu importe sa situation à la naissance, est non seulement capable d’obtenir la plus haute position spirituelle – même celle d’un maître spirituel – mais peut également pratiquer sa foi avec tous les autres, sans que soient prises en considération naissance, position dans la société, race ou couleur. Dans leur recherche, tous, sans distinction, sont égaux devant Krsna.

Subhananda dasa: Dr. Judah, après vos commentaires sur l’érudition de Srila Prabhupada et son apport à l’Occident de l’hindouisme théiste, quelles sont vos observations sur l’importance de ses écrits?

Dr Judah: Je rends certainement hommage à Srila Prabhupada comme l’un des plus grands érudits de l’Inde. En traduisant de nombreux et importants ouvrages religieux, il apporta une attention particulière à l’esprit et à la beauté des textes. Bien sûr, j’ai eu l’occasion de lire beaucoup de traductions volontairement littérales de classiques philosophiques et religieux de l’Inde. Ces traductions littérales sont généralement très peu fertiles, vidées du sens religieux initial du texte. Mais Srila Prabhupada, lui, a véritablement capté leur essence spirituelle. Une traduction littérale qui ne respecte pas les Texte lui-même peut obscurcir plutôt qu’éclairer sa signification profonde. Je trouve que les traductions de Srila Prabhupada apportent la vie à ses oeuvres.

La Bhagavad-gita est largement reconnue comme un ouvrage essentiellement dévotionnel, théiste. Malheureusement, elle a surtout été commentée par les avocats de l’école athée qui ont ainsi obscurci la nature profondément dévotionnelle de cet ouvrage. J’ai donc le sentiment que l’interprétation et la traduction données par Srila Prabhupada rendent le véritable sens et l’objectif de la Gita. Grâce à ses travaux généreux et assidus, le monde entier connaît dorénavant l’essence dévotionnelle de la tradition spirituelle de l’Inde, ainsi que l’un de ses plus grands saints, Sri Chaitanya et le vaisnavisme gaudiya; ils étaient auparavant à peine connus hors de l’Inde sauf des spécialistes des traditions religieuses hindoues.

  Deuxième Partie: Mes impressions sur Srila Prabhupada



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