Prabhupâda et les Beatles; un entretien spirituel(1/2)

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C’est ce mois-ci le 40ème anniversaire de la rencontre de Srila Prabhupada avec John Lennon et George Harrison. A cette occasion, j’ai décidé de publier cette conversation que les deux Beatles, accompagnés de Yoko Ono, eurent avec Prabhupada, en septembre 1969. La conversation débute sur le thème de la paix; un thème très cher à John, qui quelques mois avant, avait enregistré « Give peace a chance », qui deviendra rapidement l’hymne pacifiste de toute une génération menacée par la guerre du Vietnam. Plusieurs fois déjà John avait chanté Hare Krishna, comme durant son bed-in for peace » à Montréal. Il avait aussi plusieurs fois mentionné Hare Krishna dans ses chansons. En juin 1969, à un reporter qui lui demandait « D’où provient votre force? », John avait répondu « D’ Hare Krishna! » et sa femme Yoko Ono avait ajouté » Oui, c’est bien de là qu’elle vient. On ne le nie pas ».
Tout cela avait contribué à développer en Lennon le désir d’en savoir sur  la Conscience de Krishna. Il rencontra ainsi avec sa femme et George Harrison Srila A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupâda; le fondateur du Mouvement Hare Krishna, pour s’enquérir auprès de lui de spiritualité: le sentier de la paix, la libération, la nature de l’âme,  le karma et la réincarnation, les qualifications d’un guru authentique,  l’autorité de la Bhagavad-gita, Krishna, le maha-mantra, etc.. John et Yoko avaient invité les dévots à vivre pour quelques temps dans leur propriété anglaise de Tittenhurst. Le couple vivait dans le grand manoir de la propriété et une quinzaine de dévots résidaient dans un bâtiment proche du manoir où ils installèrent aussi leur temple.C’est le 14 septembre 1969 à Tittenhurst que la rencontre des deux Beatles avec Srila Prabhupada,  eut lieu.  Après avoir savourés un délicieux repas végétarien offert par les dévots, John, George et Yoko se dirigèrent vers les appartements de Prabhupada; c’était la première fois qu’ils rencontraient le maître spirituel du Mouvement International pour la Conscience de Krishna. Ce jour-là ils reçurent de Prabhupada une véritable initiation à la connaissance spirituelle.

THEMES DE LA CONVERSATION

(traduction : Priya Bhakta das)

  La terre appartient à Dieu   On ne peut inventer un mantra
  L’équation de la paix   Comment reconnaître un vrai guru?
  Krishna n’est pas hindou   Les trois aspects de l’Absolu
  Pourquoi interpréter la Bhagavad-gita?   Exploitation de la Bhagavad-gita 
  Chacun prêche sa propre philosophie   Qui est l’autorité en la matière? 
  Le monde matériel; un lieu de souffrance   La succession disciplique 
  Réincarnation et karma   Que dit Krishna ?
 Musique et mantras
  L’hymne à la libération 
 Quel mantra choisir?
  Krishna signifie « Dieu » 
 Prescription pour l’âge de Kali

Srîla Prabhupâda (à John Lennon): Tu désires apporter la paix dans le monde. J’ai lu certaines de tes déclarations; elles révèlent ton désir d’agir dans ce sens. A vrai dire, toute personne sainte doit désirer instaurer la paix dans le monde. Mais il faut savoir comment y parvenir. Dans la Bhagavad-gita, le Seigneur Krishna explique ainsi: « Parce qu’Il Me sait le Bénéficiaire ultime de tous les sacrifices, de toutes les austérités, le Souverain de tous les astres et de tous les devas, l’Ami et le Bienfaiteur de tous les êtres, le sage trouve la paix, la cessation des souffrances matérielles. » (Bhagavad Gita 5.29)

Les gens connaîtront la paix lorsqu’ils comprendront parfaitement trois vérités:

1) Krishna est le véritable bénéficiaire de tous les sacrifices, austérités et pénitences qu’on entreprend pour parfaire notre vie. A titre d’exemple, vos activités musicales sont aussi une forme d’austérité. Vos chansons ont connu le succès dû à certaines austérités que vous vous êtes imposées.Vous avez atteint la perfection dans votre domaine, mais non sans quelques sacrifices. Les découvertes scientifiques exigent également des austérités. En fait, tout ce qui s’avère précieux requiert quelque austérité. Celui qui travaille sincèrement et assidûment connaîtra le succès. C’est ce qu’on appelle yajña (sacrifice), ou tapasya (pénitence). Krishna affirme donc être le bénéficiaire des fruits de votre tapasya. Il déclare: « Le fruit de tes sacrifices doit M’être offert; alors tu connaîtras la satisfaction. »
2) Krishna est le possesseur suprême. Les hommes revendiquent: « L’Angleterre nous appartient », « L’Inde nous appartient », « L’Allemagne est à nous », « A nous la Chine ». Non! Tout appartient à Dieu, à Krishna. Non seulement notre planète, mais aussi toutes celles de l’Univers. Pourtant, nous avons divisé même cette terre en de nombreuses nations. A l’origine, il n’en était pas ainsi. Les récits historiques du Mahabharata nous informent que jadis, la planète entière était gouvernée par un seul empereur, qui résidait en Inde, à Hastinâpura ( Delhi). Il y a encore 5000 ans, un seul roi régnait sur toute la terre:  Parîksit Mahârâj. Il n’y avait alors qu’un seul drapeau, un seul royaume: Bhârata-varsha. Mais avec le temps, celui-ci s’est trouvé de plus en plus réduit. Voici vingt ans, ce qui en restait – et qu’on nomme aujourd’hui l’Inde – fut encore partagé en deux: le Pakistan et l’Hindoustan. En vérité, l’Inde était une, mais elle fut réduite par cette partition. On continue donc de diviser la terre.

 

LA TERRE APPARTIENT A DIEU


Or, en fait, la planète entière appartient à Dieu et à nul autre. Comment pourrions-nous prétendre en être les propriétaires? Prenons un exemple: Vous me permettez d’habiter cette pièce. Si j’y reste une semaine et qu’ensuite je déclare: « Cette chambre m’appartient », serait-ce raisonnable? Aussitôt naîtra un désaccord, un problème. Je devrait plutôt reconnaître la réalité, à savoir que vous avez la bonté de m’offrir cette pièce où vous m’autorisez à vivre confortablement. Et lorsque le temps viendra, je devrai partir. Dans un même ordre d’idée, nous venons tous en ce royaume de Dieu les mains vides, pour repartir de la même manière. Comment pouvons-nous prétendre que cei m’appartient, c’est mon pays, mon royaume ou ma planète? Pourquoi ces revendications? N’est-ce pas de la folie? Le Seigneur Krishna dit donc: sarva-loka-maheshvaram –  » Je suis le Souverain de tous les planètes « .

3) Krishna est le véritable Ami de tous les êtres vivants; comme tel, Il réside dans le coeur de chacun. C’est un ami vraiment merveilleux. Nous créons diverses amitiés en cet Univers matériel, mais elles se brisent toutes un jour. Ou encore, mon ami habite un endroit et moi un autre. Krishna, toutefois Se montre si amical qu’Il vit en moi, en mon coeur. C’est donc Lui le meilleur ami qui soit. Il n’est pas l’ami que de quelques privilégiés; au contraire, Il habite même dans le coeur de la plus insignifiante créature en tant qu’ Âme Suprême (Paramâtma).
L’EQUATION DE LA PAIX


Ainsi, celui qui comprendra clairement ces trois vérités trouve la paix. Car tel en est le vrai secret. On peut tout trouver dans la Bhagavad-gita; il s’agit simplement de l’étudier. Tout comme en arithmétique il existe tant d’opérations mathématiques: l’addition, la soustraction, la multiplication, la division…qu’il faut apprendre minutieusement. La Bhagavad-gita est le traité par excellence sur la science spirituelle.

Mais n’allez pas croire que je me fais l’apôtre de la Gita uniquement parce que je prêche la conscience de Krishna. Non. Les érudits et théologiens, non seulement de l’Inde mais du monde entier, l’acceptent. Peut-être le savez-vous déja qu’il en existe mille traductions: en français, en anglais, en allemand, bref, dans toutes les langues.

Même les musulmans lettrés lisent la Bhagavad-gita. Je connais personnellement un professeur musulman en Inde qui était un grand dévot de Krishna. Bien qu’il ne le révélait pas ouvertement, chaque année, il honorait Son avènement -appelé Janmastami- en jeûnant et en rédigeant un article sur Krishna. Lui et plusieurs autres musulmans lisent la Gita. Et durant ma jeunesse à Calcutta, un Anglais était locataire chez l’un de mes amis. Lorsque qu’il dut déménager, nous avons pris possession de la résidence. Nous avons remarqué qu’il possédait de nombreux livres, dont une copie de la Bhagavad-gita. Mon ami, M. Mullik, un peu surpris de constater qu’ un chrétien, possédait une Gita, caressait le livre, éveillant chez lui le soupçon qu’on lui demanderait de s’en séparer. Il s’écria donc aussitôt: « M. Mullik, je ne peux vous offrir cet ouvrage: c’est ma raison d’être. »

 Les érudits et philosophes de toutes les nations acceptent la Bhagavad-gita. Je crois donc qu’il ne devrait y avoir qu’une Ecriture -la Bhagavad-gita -, un seul Dieu -Krishna-, un seul mantra – Hare Krishna, Hare Krishna, Krishna Krishna, Hare Hare / Hare Râma, Hare Râma, Râma Râma, Hare Hare. Et qu’un devoir unique rassemble tous les êtres : le service de Krishna. Alors la paix régnera vraiment à travers le monde.

Faites de votre mieux pour comprendre cette philosophie. Si vous l’appréciez, pourquoi ne pas l’adopter? Vous désirez vous aussi apporter quelque chose au monde. Pourquoi pas la conscience de Krishna?

Le Seigneur dit: « Quoi que fasse un grand homme, la masse des gens marche toujours sur ses traces; le monde entier suit la norme qu’il établit par son exemple. » (Gita 3.21) Le principe est que le commun des mortels adoptent l’exemple des personnes influentes dans la société. Dès qu’elles approuvent une chose, tous l’acceptent. Par la grâce de Dieu, de Krishna, vous êtes des leaders. Des milliers de jeunes suivent votre exemple; ils vous aiment. Si vous leur offrez une spiritualité authentique, le visage du monde changera.

Le Mouvement pour la Conscience de Krishna n’est pas une invention nouvelle. D’un angle historique, il existe depuis au moins 5 000 ans. Car c’est à cette époque que Sri Krishna énonça la Bhagavad-gita, sur laquelle repose la Conscience de Krishna. Bien sûr, on la considère généralement comme un Texte religieux de l’Inde. Mais il n’en est rien. Elle n’est pas destinée qu’à l’Inde ou aux Hindous, mais à tous les peuples du monde, voire à tous les êtres de la création. Au quatorzième chapitre, le Seigneur dit: « Comprends, ô Arjuna, que toutes les espèces de vie procèdent du sein de la nature matérielle, et que J’en suis le Père, Celui qui donne la semence.  » [Gita 14.4]

Ce qui indique que l’âme éternelle revêt diverses formes matérielles, temporaires, tout comme nous avons nous-mêmes aujourd’hui celles de femmes et d’hommes, jeunes et moins jeunes. Nous possédons tous une forme différente. L’Univers entier regorge de diverses formes de vie, mais Krishna affirme: « Je suis le Père de tous les êtres. Aham bîja-pradah pitâ; le mot pitâ signifie « père ». Le Seigneur déclare ainsi que tous sont Ses fils.

 KRISHNA N’EST PAS HINDOU

Certains diront peut-être Krishna est indien, ou qu’Il est Hindou et quoi encore. Mais non! En vérité, Krishna est  Dieu, la Personne Suprême, le Père – qui donne la semence – de tous les êtres de la planète. Notre Mouvement fut inauguré par nul autre
que Krishna. Il n’a donc rien de sectaire; bien au contraire, il est pour tous.

Et dans la Bhagavad-gita, Krishna décrit la voie universelle pour L’adorer:

man-manâ bhava mad-bhakto
mad-yâjî mâm namaskuru
mâm evaïsyasi yukvaïvam
âtmânam mat-parâyanah

« Emplis toujours de Moi ton mental, offre-Moi ton hommage et voue-Moi ton adoration. Parfaitement absorbé en Moi, certes tu viendras à Moi. »
[Bhagavad-gita 9.34]

Krishna dit: « Pense toujours à Moi; que tes pensées se portent sans cesse vers Ma Personne. Deviens simplement Mon dévot. Si tu aspires à adorer quelqu’un, que ce soit Moi. Si tu agis ainsi, tu es sûr de venir à Moi.  »  C’est une méthode très simple. Pensez toujours à Krishna. Vous n’avez rien à perdre, mais beaucoup à gagner. Ainsi, celui qui chante le mantra Hare Krishna ne subit aucune perte matérielle, mais accumule par surcroît des gains spirituels. Alors pourquoi ne pas l’essayer? Il n’en coûte rien. Tout a un prix;  il en va cependant autrement pour ce mantra. Krishna et Ses représentants dans la succession spirituelle ne le vendent pas; ils le distribuent librement. Nous disons simplement à tous: « Chantez Hare Krishna et dansez d’extase ». Quel procédé merveilleux!

Je suis donc venu en Angleterre, et plus spécifiquement chez vous, pour expliquer notre Mouvement pour la Conscience de Krishna, qui s’avère fort bénéfique. Vous êtes intelligents. Essayez de comprendre notre philosophie en faisant appel à toute votre raison, toute votre logique. Krishnadâs Kavirâj, l’auteur du Chaitanya-Charitâmrita, dit:

śrī-krsna-caitanya-dayā karaha vicāra
vicāra karite citte pābe camatkāra


« Si vous êtes vraiment intéressés par la logique et le raisonnement, veuillez les appliquer à la miséricorde de Srî Chaitanya Mahâprabu et vous serez émerveillés.  »
(
Cc. Adi 8. 15)

Appliquez donc votre discernement à la grâce du Seigneur Chaitanya. Si vous étudiez minutieusement Sa miséricorde, vous constaterez combien elle est sublime.Nous n’obligeons personne à accepter notre Mouvement pour la Conscience de Krishna. Nous vous le présentons pour que vous l’analysiez. Nous ne formons pas un mouvement religieux sectaire: la conscience de Krishna est une science. Nous vous prions donc de la considérer attentivement à l’aide de toutes vos facultés intellectuelles. Je suis convaincu que vous en réaliserez la nature sublime. Avez-vous lu notre livre, la Bhagavad-gita telle qu’elle est ?

John Lennon: J’ai lu quelques passages de la Gita. Je ne me souviens plus de quelle version il s’agissait. Il en existe tellement de traductions différentes.

POURQUOI INTERPRETER
LA BHAGAVAD-GITA ?

 Prabhupâda: Il existe effectivement de nombreuses traductions et leurs auteurs en ont donné leur interprétation personnelle. Voilà pourquoi j’ai publié  la Bhagavad-gita telle qu’elle est. Même les auteurs de l’Inde déforment parfois le message de la Gita. Mahatma Gandhi, pour citer un exemple, fut un grand homme, mais il n’en chercha pas moins à interpréter à sa façon la Gita. Supposons que vous ayez un étui pour stylo. Chacun sait à quoi il sert,  mais quelqu’un pourrait dire:  » Non, c’est autre chose; voilà mon interprétation. » Serait-ce raisonnable?

L’interprétation n’est nécessaire que lorsqu’on ne comprend pas clairement. Si chacun saisit que cet étui contient un stylo, à quoi bon chercher une autre interprétation? Le message de la Bhagavad-gita est clairement exprimé dans ses pages; elle brille avec autant d’éclat que le soleil. Or, celui-ci ne requiert l’aide d’aucune lampe pour dissiper les ténèbres. Citons un exemple. Le premier verset de la Gita se lit ainsi:

dhrtarāstra uvāca
dharma-ksetre kuru-ksetre
samavetā yuyutsavaḥ
māmakāḥ pāndavāś caiva
kim akurvata sañjaya

Les mots « dhrtarâstra uvâca » signifient que le roi Dhritarâstra, le père de Duryodhana, interroge son secrétaire – Sañjaya – au sujet de ses fils qui affrontent les Pândavas sur le champ de bataille de Kuruksetra. Le mot « mâmakâh » se traduit par « mes fils ». Le terme « pândavâh » désigne les fils du roi Pându, le frère cadet de Dhritarâstra; et « yuyutsavah » signifie « désireux de combattre ». Dhritarâstra dit donc: « Mes fils et ceux de mon jeune frère Pându sont rassemblés sur le champ de bataille, prêts à se liver bataille. » Le site de la bataille se nomme Kurukshetra; c’est aussi un lieu de pélerinage, (dharmaksetra). Kim akurvata: « Après s’être assemblés à Kuruksetra, qu’ont-ils fait? » demande Dhritarâstra. Kurukshetra existe encore en Inde. Avez-vous visité l’Inde?

John Lennon: Oui, mais pas cet endroit. Nous sommes allés à Hrishikesh.

Prabhupada: C’est aussi un lieu de pèlerinage célèbre. Kurukshetra, situé près de Delhi, est reconnu comme un lieu de pélerinage depuis l’époque védique. Les das affirment en effet : « Si vous désirez célébrer un cérémonie religieuse, Kuruksetra est l’endroit par excellence pour cela. » Voilà pourquoi on l’appelle dharmakshetra, ou lieu de pélerinage. En d’autres mots, c’est un site historique réel. Pareillement, les Pândavas et les fils de Dhritarâstra sont des personnages historiques. Leur histoire est consignée dans le Mahabharata. Malgré tous ces faits, Gandhi interpréta « kurukshetra » comme signifiant « le corps » et les Pândavas comme étant « les sens ». Nous nous opposons à de telles interprétations , courantes de nos jours. Pourquoi interpréter ainsi la Bhagavad-gita quand les faits sont présentés si clairement?

CHACUN PRÊCHE SA
PROPRE PHILOSOPHIE
La Bhagavad-gita est un ouvrage aussi populaire qu’authentique. Des auteurs sans scrupule s’efforcent donc d’avancer leur propre philosophie sous forme de commentaires de la Gita. On compte ainsi quelque 664 fausses interprétations de cette Ecriture, que chacun croit pouvoir interpréter à sa guise. Mais pourquoi? Pourquoi le permettrait-on? Nous disons donc : « Non, vous ne pouvez pas interpréter la Bhagavad-gita ». Sinon, où est son autorité? Krishna, le Seigneur Suprême, n’a pas laissé à des hommes de troisième classe le soin de l’interpréter. Il a tout énonçé de façon non équivoque. Pourquoi l’homme moyen déformerait-il Ses paroles? Voilà notre objection.

Voilà pourquoi  j’ai publié la Bhagavad-gita telle qu’elle est. Cet Ecrit contient une théologie et une philosophie très élevées; il traite également de science, de sociologie et de politique . Tout y est expliqué lucidement par Krishna. Notre Mouvement pour la Conscience de Krishna consiste ainsi à présenter la Bhagavad-gita telle qu’elle est. Voilà tout. Nous n’avons rien inventé.

(Une femme entre dans la pièce.)

John Lennon: Voici Jill, la femme de Dan, qui habite ici avec nous.

Prabhupâda: Enchanté. Soyez heureux et rendez tout le monde heureux. Voilà en quoi consiste la conscience de Krishna. Sarva sukhena bhavantu : soyez tous heureux. Voilà le principe védique qu’enseigne Chaitanya Mahaprabhu, qui désire voir le Mouvement pour la Conscience de Krishna se répandre dans chaque ville et village du monde entier. Cela apportera le bonheur à tous : voilà Sa prophétie. Le but de tout idéal ou mission noble doit être de rendre les gens heureux. Car on ne trouve aucun bonheur au sein de l’existence matérielle. C’est un fait; aucun bonheur ne règne ici-bas.

LE MONDE MATERIEL:
UN LIEU DE SOUFFRANCE



Ce monde n’est pas un lieu de félicité. Krishna dit Lui-même dans la Bhagavad-gita que cet Univers est temporaire et saturé de souffrances (duhkhakayam asasvatam). Tout ici est éphémère. Vous pouvez accepter que ce monde matériel est un lieu de souffrance et dire:  » C’est vrai, c’est un endroit misérable, mais je l’accepte. »Une telle attitude, toutefois, ne servira à rien, car la Nature matérielle ne vous permettra même pas de rester et souffrir. Ce monde étant temporaire, vous devrez le quitter un jour. Krishna, cependant, affirme qu’on peut mettre un terme à cette existence exécrable:

« Quand ils M’ont atteint, les yogis imbus de dévotion, ces nôbles âmes, s’étant ainsi élevés à la plus haute perfection, jamais plus ne reviennent en ce monde transitoire, où règne la souffrance. » (Bhagavad-gita 8.15)

« Celui qui vient à Moi », nous dit Krishna, « n’a plus à subir encore les conditions de vie déplorables de l’Univers matériel. »

Comprenons bien ce que Krishna dit dans ce passage. La Nature se montre si cruelle. Le président Kennedy se croyait l’homme le plus heureux, le plus comblé. Jeune, il fut élu président; il avait de plus une belle épouse et de beaux enfants. A travers le monde on le respectait. Mais il a suffi d’une fraction de seconde et tout était fini (1) . Son poste était temporaire. Où est-il maintenant? Si la vie est éternelle, si l’être vivant l’est aussi, qu’est-il devenu? Que fait-il en ce moment? Est-il heureux ou malheureux? S’est-il réincarné en Amérique ou en Chine? Personne ne peut répondre à ces questions.

REINCARNATION ET KARMA

Mais le fait demeure qu’en tant qu’individu, il est éternel; il existe donc quelque part. Telles sont les prémices de la philosophie de la Gita: na hanyate hanyamâne sarire; l’être n’est pas anéanti avec le corps, mais continue d’exister. Tout comme vous aviez autrefois un corps d’enfant. Ce corps n’est plus, mais vous existez toujours. Il est donc naturel de conclure que lorsque votre corps actuel cessera d’être, vous continurez d’exister dans une nouvelle forme physique. Cela n’est guère difficile à comprendre. L’âme est éternelle et le corps temporaire. C’est un fait.

Cette vie sert ainsi à façonner notre prochain corps. Telle est la connaissance védique. Nous créons en cette vie notre corps futur. Prenons un exemple: l’enfant étudie sérieusement à l’école, préparant ainsi son corps d’adulte. Jeune homme, il jouira des fruits de son éducation en obtenant une belle situation, une jolie maison. C’est dans ce sens qu’on peut dire que le jeune garçon prépare à l’école son prochain corps. Dans un même ordre d’idée, nous créons tous notre futur corps selon notre karma (2) Ce karma obligera la plupart des gens à revêtir un nouveau corps matériel. Mais Krishna dit qu’il est possible de façonner un corps spirituel  afin de Le rejoindre. Il affirme que ceux qui L’adorent atteindront Sa planète après leur mort. L’entière philosophie védique enseigne que pous se rendre sur une planète spécifique, il faut être doté d’un corps adapté à son atmosphère. On ne saurait s’y rendre dans notre corps actuel. On cherche maintenant à atteindre la Lune avec ce corps physique, mais on ne peut s’y établir de façon définitive. Krishna nous révèle toutefois l’art d’atteindre d’autres planètes, dont la Sienne, d’entre toutes la plus haute:

« Ceux qui vouent leur culte aux dévas renaîtront parmi les dévas, parmi les spectres et autres esprits ceux qui vivent dans leur culte, parmi les ancêtres les adorateurs des ancêtres; de même, c’est auprès de Moi que vivront Mes dévots. « 

Ces derniers ne reviennent pas vivre en ce monde misérable. Pourquoi? Parce qu’ils ont atteint la plus haute perfection; ils sont retournés auprès de Krishna. Telle est donc la plus haute bénédiction pour l’humanité: éduquer les gens sur la voie du retour au royaume de Dieu, où tous pourront danser avec Krishna. Avez-vous déjà vu des peintures de la danse rasa (rasalila)?

John Lennon: Quelles peintures?

Disciple: Celles où l’on voit Krishna dansant avec Radha et les gopis, où jeunes villageoises.

John Lennon: Vous voulez dire celle qui se trouve sur l’un des murs du temple?

Prabhupada: Oui. Nous pouvons ainsi gagner le monde spirituel pour y danser d’extase avec Krishna, libre de toute angoisse. Les êtres vivants peuvent s’unir à Lui de tant de façons: en tant que serviteur, ami, parent, amante, selon leur choix. Krishna dit:

ye yathâ mâm prapadyante
tâms tathaiva bhajâmi aham

« Tous, selon qu’il s’abandonnent à Moi, en proportion Je les récompense. »
[Bhagavad-gita 4.11]

Développer simplement la conscience de Krishna relative à la relation que vous désirez établir avec Krishna. Il est prêt à vous accepter de cette façon. Telle est la solution à tous les problèmes.

Rien en ce monde n’est permanent, extatique ou tout empreint de connaissance. Aussi éduquons-nous le jeunes d’Occident dans la science de Krishna. Tous peuvent en profiter, car elle s’avère trés bénéfique. Efforcez-vous aussi de la comprendre et si vous l’appréciez, acceptez-la. Vous cherchez quelque chose de sublime. Trouvez-vous ma proposition déraisonnable? Vous êtes intelligents; essayez d’approfondir cette science.

MUSIQUE ET MANTRAS
Vous êtes également d’excellents musiciens. Les mantras védiques furent tous transmis par voie musicale. Le Sâma Véda est plus particulièrement riche en musique:
yam brahma varunendra-rudra-marutah
stuvanti divyaih stavair
vedaih sânga-pada-kramopanisadair
gâyanti yam sâma-gâh


« J’offre mon humble hommage au Seigneur Suprême, que Brahma, Varuna, Indra, Shiva, les maruts et autres grands dévas glorifient à travers les hymnes spirituels. Ceux qui connaissent le Sâma Véda chantent Sa gloire grâce aux différents hymnes védiques. »
[Srimad-Bhagavatam 12.13.1]

Sâmagâh signifie « les adeptes du Sama Véda » et gâyanti, « qui s’adonnent toujours à la musique ». C’est à l’aide de vibrations musicales qu’ils abordent l’Être Suprême. Le mot gâyanti signifie aussi « chanter »; les mantras védiques furent conçus pour être chantés. La Bhagavad-gita (« Chant du Bienheureux ») et le Srimad-Bhagavatam  peuvent être chantés de façon merveilleuse. Ainsi doit-on vibrer les mantras des textes védiques. Le seul fait d’entendre ces vibrations est bénéfique, même si on n’en comprend pas la signification. (Prabhupada chante ici quelques mantras du Bhagavatam). Tout peut s’acquérir grâce aux seules vibrations transcendantales.

Puis-je vous demander de quelle philosophie vous êtes les adeptes?

John Lennon: Adeptes?

Yoko Ono: Nous ne sommes pas des adeptes. Nous vivons, un point c’est tout.

George Harrison: Nous avons fait de la méditation. Je récite pour ma part un mantra.

Prabhupada: Il y a aussi le mantra Hare Krishna.

John Lennon: Mais notre mantra ne se chante pas.

George Harrison:
Non

John Lennon: Nous l’avons reçu de Maharishi – un mantra chacun.

Prabhupada:
Ses mantras ne doivent pas êtres révélés.

George Harrison:
Non…ils ne doivent pas être prononcés à voix haute.

John Lennon:
Non, c’est un secret.

Prabhupada: Permettez que je vous raconte, à ce sujet, l’histoire de Râmânujacarya, grand maître de la conscience de Krishna. Son propre maître spirituel lui donna un mantra en disant: « Cher disciple, prononce ce mantra à voix basse, car nul autre ne doit l’entendre que toi. C’est un grand secret. » Râmânuja s’enquit de son guru: « Quel effet produit-il? » Le maître de répondre: « En le prononçant de façon méditative, tu obtiendras la libération. » Râmânuja se rendit aussitôt à une grande assemblée publique et s’écria: « Prononcez tous ce mantra et sous serez libérés. » [Rires] Puis, il revint auprès du maître qui, furieux, le semonça: « Je t’avais pourtant bien averti de ne pas le dire à voix haute! » Râmânuja lui répondit: « Je sais, j’ai commis une offense. Punis-moi donc comme bon te semble. Sachant que ce mantra confère la libération, je l’ai révélé. Que tous soient libérés et que j’aille en enfer, que m’importe. Mais si ce mantra peut sauver tous les êtres, qu’on le diffuse partout.  » L’embrassant, son maître spirituel lui dit: « Tu es plus grand encore que moi. » Vous voyez? Pourquoi garder secret un mantra doté d’un tel pouvoir? Mieux vaut le diffuser. Les gens souffrent. Chaitanya Mahaprabhu enseigne ainsi qu’il faut chanter à voix haute le mantra Hare Krishna. Quiconque l’entend, fût-il même oiseau ou bête, sera libéré.

 

QUEL MANTRA CHOISIR ?

 

Yoko Ono: Si ce mantra est si puissant, pourquoi chanter quoi que ce soit d’autre? Vous parliez de chansons et de différents mantras. A quoi servirait-il de les chanter?

Prabhupada: Il en existe d’autres, mais le mantra Hare Krishna est spécifiquement recommandé pour cet âge. Mais, au risque de me répéter, des sages comme Nârâda Muni chantaient divers mantras védiques en s’accompagnant sur des instruments à cordes, dont la et la tamboura. L’art de chanter sur un fond musical n’est pas récent; il se pratique depuis des temps immémoriaux. Mais l’Agni Purâna, le Bramanda Purâna et la Kali-santarana Upanisha – entre autres écritures diques – préconisent le chant du mantra Hare Krishna pour cette ère. De plus, Krishna Lui-même, en la personne de Sri Chaitanya, prôna le chant de ce mantra. Et nombreux furent ceux qui suivirent Son exemple.

Lorsqu’un savant fait une nouvelle découverte, elle devient propriété publique et tous peuvent en profiter. De même, chacun doit pouvoir tirer profit du pouvoir d’un mantra. Pourquoi le cacher? S’il a quelque valeur, pourquoi le réserver à une seule personne?

John Lennon: Qu’ils soient secrets ou non, tous les mantras ne sont que différents Noms de Dieu. Qu’importe alors lequel on choisit.

Prabhupada: Cela importe beaucoup. Prenons un exemple: la pharmacie vous offre divers médicaments qui guérissent différents maux. Mais vous devez néanmoins vous munir d’une prescription pour obtenir un remède spécifique. Sinon, le pharmacien refusera de vous le vendre. Vous aurez beau vous rendre à la pharmacie et dire : « Donnez-moi un médicament quelconque; je suis souffrant », on vous demandera : « Avez-vous une prescription? »

PRESCRIPTION
POUR L’ÂGE DE KALI

Dans un même ordre d’idée, les Ecritures prescrivent le mantra Hare Krishna pour cet âge de Kali. Et le grand maître Chaitanya Mahaprabhu, en qui nous reconnaissons une incarnation divine, le recommande également. Nous avons pour principe d’adhérer aux instructions des autorités en matière de spiritualité. Il faut marcher sur leurs traces; tel est notre devoir. Le Mahabharata déclare:


Mahajano yena gatah sa panthâh
« Les vains arguments ne sont guère concluants. Toute personne dont l’opinion ne diffère point de celle d’autrui ne peut être considérée comme un grand sage. La seule étude des Védas, lesquels s’avèrent trés variées, ne saurait nous mener à la voie juste qui permet de comprendre les principes de la spiritualité. Cette vérité inébranlable se cache dans le coeur de l’âme réalisée et entièrement pure. Aussi, comme l’affirment les Ecritures, doit-on accepter toute voie axée sur le perfectionnement de l’être que préconisent les Mahajanas. »
[Mahabharata, Vana-parva 313.117]

Ce mantra védique  qu’il est difficile d’approcher la Vérité Absolue par la logique spéculative, car nos arguments et notre raison sont limités. De plus, nos sens souffrent souvent dimperfection. Il existe une variété déroutante d’ Ecritures et chaque philosophe avance une opinion différente; aucun philosophe ne peut être considéré important s’il ne vainc tous ses adversaires en matière de philosophie. Une théorie en remplace une autre, de sorte qu’on ne saurait accéder à la Vérité Absolue par la spéculation philosophique. La Vérité Absolue s’avère très confidentielles; comment l’atteindre alors? En marchant sur les traces des grandes âmes dont les efforts ont déjà été couronnés de succés. La méthode philosophique de la conscience de Krishna consiste à suivre dans le sillage d’autorités tels Krishna, Chaitanya et les maîtres spirituels de la succession disciplique. Prenez refuge d’autorités authentiques et vivez selon leur enseignement; voilà ce que recommandent les Védas. Ainsi atteindrez-vous le but ultilme.

Sril Krishna préconise également cette voie dans la Bhagavad-gita:

« Le Seigneur Bienheureux dit: J’ai donné cette science impérissable, la science du yoga, à Vivasvan, le déva du soleil, et Vivasvan l’enseigna à Manu, le père de l’humanité. Et Manu l’enseigna à Ikshvâku. »

Krishna dit ici: « Mon cher Arjuna, ne crois pas que la conscience de Krishna est une invention récente. Non, elle est éternelle et Je l’ai d’abord énoncée à Vivasvân, le déva du Soleil, celui-ci l’a transmise à son fils Manu qui, à son tour, l’a donnée à son propre fils, le roi Ikshvâku. »

Le Seigneur explique encore:

 evam paramparâ-prâptam
imam râjarsayo viduh
sa kâleneha mahatâ
yogo nastah parantapa

« Savoir suprême, transmis de maître à disciple, voilà comment les saints trois l’ont reçu et réalisée. Mais au fil du temps, la succession disciplique s’est rompue, et cette science, en son état de pureté, semble maintenant perdue. »
(  SUITE ….)  ON NE PEUT INVENTER UN MANTRA

 

(1) Ses propos de Srila Prabhupada, adressés à John Lennon, ont une raisonnance particulièrement tragique, lorsque l’on sait que John Lennon lui-même mourra assassiné, onze années après cette conversation, de façon aussi violente et soudaine que Kennedy.

(2) Quelques mois après cette conversation avec Srila Prabhupada, John Lennon écrira « Instant Karma »  (Karma Instantané), une chanson qui atteindra la troisième place des hits-parades américains et la cinquième des hits-parades anglais.


KARMA INSTANTANE

Le Karma instantané finira par t’avoir
Il te frappera droit sur la tête
Tu ferais mieux de te ressaisir
Tu vas pas tarder à mourrir
Mais à quoi penses tu?
Te moquant ouvertement de l’amour
   Mais qu’est-ce que tu tentes de faire
C’est entre tes mains, oui les tiennes
 
Le Karma instantané t’aura  
Il te regardera droit dans les yeux  
Tu ferais mieux de te ressaisir, cher
Joindre la race humaine
  Comment peux tu regarder
   Rire des idiots comme moi
Mais qui penses-tu être
    Une super star ?
   Oui, c’est ce que tu es
 
[Refrain]    [Refrain]
   Oui nous brillons tous
  Comme la lune et les étoiles et le soleil
  Oui nous brillons tous
 
Le Karma instantané t’aura
  Il te fera tomber
Tu ferais mieux de reconnaître tes frêres
  Et tous ceux que tu rencontres
Pourquoi, diable, sommes-nous ici ?
    Certainement pas pour vivre dans la douleur et la peur
Pourquoi es-tu là ?
Quand tu es partout
  Viens, prends ta part

 



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