Pour quelques gouttes de plaisir

Preach_Poster_07_Working_Hard_Day_NightPar Saci Gaurasundara das

(d’après une histoire allégorique tirée du Mahabharata. Trad. de l’anglais, Jagadananda das))

 

Une fois, un prince qui se rendait dans la forêt pour chasser, fut attaqué  par un tigre. Le prince tomba de son cheval. N’ayant pas eu le temps  de saisir son arc pour se défendre, il se mit à courir pour sauver sa vie. Soudain, dans sa course effrénée, le prince trébucha sur une racine et fut précipité dans un puits desséché. Dans sa chute, il réussit à s’agripper à deux branches (d’un arbre qui avait poussé dans le puits). Regardant en haut, il constata que le tigre l’attendait au bord du puits. Après un certain temps,  ses yeux s’accoutumant à l’obscurité, il remarqua que deux rats, un noir et un blanc, étaient en train de grignoter lentement la branche à laquelle il s’était agrippée. Il compris alors qu’avant peu de temps celle-ci tomberait au fond du puits.

Regardant au fond du puits, le prince découvrit épouvanté que de nombreux serpents s’y trouvaient et il pouvait entendre leurs sifflements. Soudain, sur son visage tomba une goutte de miel que le prince s’empressa avidement de lécher. Elle provenait d’un nid d’abeille qui se trouvait entre les deux branches auxquelles il se tenait. Comme il avait secoué les branches et dérangées les abeilles, celles-ci s’affairaient à le piquer. Mais en même temps, le miel continuait à couler du nid.

Oubliant le tigre au bord du puits , les serpents au fond, les rats qui grignotaient ses branches, les abeilles qui le piquaient, il ne pensa plus qu’à la façon de se placer au mieux pour que le miel tombe pile sur sa langue. Maintenant, il était vraiment heureux! Il ne voulait pas penser à sa situation précaire. Il était complètement pris par la douceur du miel. Mais qu’adviendrait-il de lui ? On pouvait sans difficulté le deviner. Quand les branches céderaient, il servirait de nourriture aux serpents.

Cette histoire allégorique correspond parfaitement à la vie de l’homme du commun. Le prince représente l’homme du commun ou nous-mêmes. Nous sommes tombés captifs du puits sombre et redoutable de ce monde matériel (samsara). La mort (le tigre) est continuellement après nous;  elle ne nous lâchera pas tant qu’elle ne nous aura pas dévorée. Les rats blancs et noirs représentent respectivement, la nuit et le jour. Ils réduisent lentement notre existence. Les serpents sifflants représentent les problèmes majeurs de notre vie, ceux qui causent des dommages importants dans notre existence; comme des pertes d’argent majeures dans un business, des accidents graves, et la perte de proches. La piqûre des abeilles représente les problèmes quotidiens auxquels nous devons faire face dans notre vie.

Et que représente la douceur du miel qui nous dissuade de sortir de ce puits ? C’est la voix douce et agréable de notre épouse et de nos enfants, les petits plaisirs intimes avec sa compagne, les petits plats appétissants, les promotions au travail, l’amour de nos amis et des êtres chers et autres bonnes choses de la vie … À cause de ces quelques petites gouttes de plaisir, ces petites gouttes de miel, nous oublions notre réelle situation et négligeons de faire les efforts nécessaires pour sortir de ce puits matériel.

Cette histoire tirée du Mahabharata, dépeint avec acuité notre véritable situation dans ce monde. Quelle est la chose la plus urgente en période de dangers ? Se sauver soi-même ! Oui, en tant qu’humains, nous avons réellement besoin de nous libérer de ce puits sombre des morts et des renaissances répétées. Négliger cela c’est négliger un danger et être ainsi tué (pumān bhavābdhiṁ na taret sa ātma-hā) (1). Même un  petit effort fait pour nous sortir de cette situation par l’accomplissement du service de dévotion,  pourra nous délivrer de ce puits sombre (Bhagavad gita 2.40). Ne laissons pas ces gouttes de miel divertir notre attention de la voie du salut. Nous obtiendrons un océan de bonheur ( Du miel à profusion !) une fois que nous serons sortis !

Puissions-nous toujours demeurer conscient du caractère dangereux de notre situation en ce monde! Puissions nous arrêter d’être attirés par ces quelques gouttes de miel (de bonheur matériel) et agir résolument pour notre ultime bienfait.

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(1) SB 11.20.17
nṛ-deham ādyaṁ su-labhaṁ su-durlabhaṁ
plavaṁ su-kalpaṁ guru-karṇadhāram
mayānukūlena nabhasvateritaṁ
pumān bhavābdhiṁ na taret sa ātma-hā

« L’homme intelligent doit toujours se rappeler que la forme humaine ne s’obtient qu’après de nombreuses transmigrations de l’âme, sur plusieurs millions d’années. On compare parfois l’univers matériel à un océan, et le corps à un solide vaisseau conçu pour le traverser. Les Ecritures védiques et les acharyas jouent le rôle de capitaines expérimentés; les avantages qu’offre la forme humaine deviennent des vents favorables qui peuvent aider les navires à voguer paisiblement vers son but. L’asura est celui qui, malgré de tels atouts, ne profite pas pleinement de la forme humaine pour réaliser son moi spirituel. Il est un atma-hana, un « assassin de l’âme », dont le destin est de s’enfoncer dans les plus profondes ténèbres de l’ignorance pour y souffrir interminablement . »



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