Le drame d’Haïti: Dieu qu’ont-ils fait de mal?

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 Face au terrible drame qui a frappé il y a plus d’une semaine Haïti, on ne peut encore qu’être envahi d’un sentiment d’horreur en pensant à toutes ces personnes qui en quelques secondes, surpris par le tremblement de terre , sont mortes écrasées sous les maisons.

J’ai en mémoire ainsi le témoignage particulièrement bouleversant de la directrice de Notre-Dame de la Nativité, une crèche de Port-au-Prince,  qui disait ne plus avoir le courage de retourner à cet endroit où 56 de ses enfants ont été ensevelis.

Face à une telle catastrophe naturelle, d’une ampleur – selon les spécialistes – pratiquement inégalée, les Haïtiens ont montré un courage exceptionnel. Il faut dire aussi, et cela est de notoriété mondiale, qu’Haïti a été durement éprouvé par les catastrophes et les calamités de tous ordres durant son histoire.

Comme en cette fin du XVème siècle où l’arrivée des colonisateurs européens condamna la population indigène à la quasi-disparition:

« Les Espagnols exploitèrent l’île pour son or. Les Amérindiens refusant de travailler dans les mines furent massacrés et réduits en esclavage ; les rares personnes qui réussirent à s’échapper trouvèrent refuge dans les montagnes et furent marginalisées et fortement paupérisées. Les maladies infectieuses arrivées avec les Européens firent des ravages ; les mauvais traitements, la dénutrition et la baisse de natalité firent le reste : la population indigène fut exterminée en quelques décennies. Les Espagnols furent alors amenés à faire venir d’Afrique des esclaves noirs déportés. Dès 1517, Charles Quint autorisa la traite des esclaves. »

                         – Wikipedia Haïti –

Depuis 1804, l’année de son indépendance (pour laquelle Haïti dut payer 90 millions de francs or à la France!) jusqu’à nos jours, Haïti a connu une grande instabilité politique et de nombreux coups d’Etat ainsi que la dictature corrompue des Duvaliers (Francois Duvalier et Jean Claude Duvalier ) avec leurs tristement célèbres tontons macoute. Haïti est également un des pays les plus pauvres au monde: 80 % de la population vis sous le seuil de la pauvreté, 54% dans la pauvreté la plus abjecte et le taux de chomage atteint plus de 65% de la population active.

De plus le pays doit faire face régulièrement à de nombreuses calamités naturelles : cyclones, ouragans, tempêtes tropicales, pluies torrentielles, crues, inondations, tremblements de terre.

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Après cette terrible catastrophe et les successions de calamités qui, au cours de son histoire, ont frappé le peuple haïtien, on s’attendrait naturellement à rencontrer des hommes et des femmes trés aigris, profondément malheureux, abattus et découragés. Et pourtant il n’en est rien! En tout cas pour une partie assez substantielle de la population de Port-au-Prince: celle de confession chrétienne dont la foi et la pratique sont ardentes. Ainsi, la télévision a diffusé, à la grande stupeur de beaucoup, quelques images de processions de gens joyeux, chantants et dansants, animés d’une ferveur dévotionnelle, qui remerciaient et glorifiaient Dieu de les avoir épargnés.

Un chef pompier francais, venu à Haïti pour extraire des survivants des décombres, avouait être ému à la vue de ces processions religieuses et de la ferveur qui s’en dégageait, au  point même d’ être parcouru de frissons.

En effet, comment ne pas se sentir fasciné à la vue d’une telle manifestation de ferveur dévotionnelle alors que ceux-là même qui célèbrent et glorifient la bonté de Dieu ont tout perdu dans le séisme ? Comment comprendre une telle chose? Certainement, tout le monde ne le pourra pas. Seuls ceux qui possèdent une grande foi en Dieu le pourront. Les autres ne pourront au mieux que s’adresser à Dieu (alors que beaucoup n’auront même pas la capacité de s’adresser à Lui) pour Lui faire des reproches. Tel ce célèbre chanteur français et star international qui, avec de nombreux autres, a contribué à la création d’un clip pour venir en aide aux victimes d’Haïti, et qui a écrit ces quelques lignes:

« Dieu qu’ont-ils fait de mal? Pour que tu martyrises
Tes enfants mal aimés, sacrifiés, orphelins
Ils chérissaient ton nom, vénéraient tes églises
Ils n’avaient pas grand chose, à présent ils n’ont rien »

Aux antipodes d’une attitude réprobatrice et accusatrice vis-à-vis de Dieu, on retrouve ces paroles de  soumission à Dieu de la directrice de la crèche Notre Dame de la Nativité,  Mme Eveline Louis-Jacques (dont on a parlé déjà plus haut), qui réagit en citant les fameuses paroles de la Bible :

« Dieu m’a tout donné. Dieu m’a tout repris, que le Nom de Dieu soit béni ! » et elle rajoutait « C’est la vie, Il faut continuer! »

Ces deux attitudes différentes et contraires s’expliquent par le fait qu’il existe plusieurs catégories de dévots de Dieu ou de « croyants » selon le language populaire. Dans la première catégorie, on retrouve le dévot néophyte ou matérialiste qui accepte certes l’existence de Dieu et Sa suprématie sur le monde et les hommes, mais dont la foi en Dieu est fragile et fluctuante (selon que Dieu réponde ou non à ses aspirations matérielles, selon qu’Il accomplit ou contrarie ses plans personnels) et sa foi en les Ecritures (la Parole de Dieu) est peu ou pas développée. Dans la deuxième catégorie, le dévot possède une foi en Dieu bien plus développée et une bonne connaissance des Ecritures mais dans la troisième catégorie, le dévot est un pur dévot (uttama adhikari), sa dévotion envers Dieu est complètement pure et parfaitement accomplie, sa foi est inébranlable et sa connaissance des Ecritures trés développées. Il peut même argumenter sur tout sujet et avec toutes sortes de personnes et avec le soutien des Ecritures dont il a parfaite connaissance, et la force de sa pureté, réussir à convertir certaines âmes égarées en dévot du Seigneur.

Avoir pleinement foi en Dieu cela signifie vouloir s’abandonner à Sa volonté (même si elle contrarie parfois la mienne). Dans l’Enseignement du Seigneur Chaitanya, au chapitre 12 la voie de l’abandon à Dieu est décrite ainsi:

1) accepter avec détermination tout ce qui est favorable au service de dévotion ou aux devoirs envers Dieu, Krishna;
2) rejeter, avec autant de détermination, tout ce qui entrave le service de dévotion;
3) être fermement convaincu que seul Krishna peut nous protéger et qu’Il nous accordera Sa protection.
4) Le dévot doit toujours voir en Krishna son soutien. Ceux qui aspirent aux fruits de l’action espèrent généralement être protégés par les devas, mais le dévot ne compte sur la protection d’aucun deva, étant fermement convaincu que Krishna le protégera de toute condition défavorable.
5) Le dévot a toujours conscience de ce que la satisfaction de ses désirs ne dépend pas que de lui, et qu’à moins d’être comblés par Krishna, ils resteront inassouvis.
6) L’être distinct doit toujours se considérer comme la plus déchue de toutes les âmes afin que Krishna prenne soin de lui (autrement dit, il doit cultiver l’humillité).

Ainsi,  dans le contexte de la catastrophe d’Haïti, si l’on considère le troisième point parmi ces six points de la voie de l’abandon à Dieu, le dévot aura pleinement foi en la protection du Seigneur même au milieu des pires calamités.

Un prêtre chrétien de Port-au-Prince au cours d’une prédication en plein air ( l’église étant détruite) réconfortait ses paroissiens par les paroles suivantes:

 » Vos maisons se sont écroulés, vos églises mêmes se sont écroulées, et vos proches mêmes ont pu être écrasés sous les décombres,  mais votre âme elle rien ne pourra la détruire, elle est éternelle et appartient à Dieu. Vous appartenez à Dieu. Il faut que vous ayez pleinement foi que Dieu vous protègera en toutes circonstances… »

Dans la traditon vaisnava (la conscience de Krishna) on retrouve cette expression de totale confiance et de parfait abandon à Dieu merveilleusement exprimée par le grand saint Bhaktivinoda Thakura dans son célèbre recueil de poésies « Saranagati« .

Voici un extrait de ce recueil admirablement adaptée en francais par Charanambuja Prabu, un disciple de Srila Prabhupada . Cette prière intitulée « La règle d’or »  traduit avec excellence le sentiment de foi absolu en la protection de Dieu, la Personne Suprême, et la sérénité qui l’accompagne, que peuvent ressentir en son coeur un pur dévot du Seigneur:

La règle d’or
Qui saurait protéger qui tu choisis d’abattre?
Les trois mondes* se plient à ce que tu ordonnes.
Sans nombre les devas et Brahma à leur tête
sont serviteurs soumis de ta digne personne.

Si les astres déploient leurs fastes influences
mais éveillent aussi de funestes tendances,
c’est qu’ainsi l’a voulu ta puissante ordonnance.
La maladie, la peine et la peur, et la mort,
c’est ton agencement qui leur fait prendre corps.

Si le vent souffle, c’est qu’il craint ta sentence.
Le soleil et la lune et les autres planètes,
pour les mêmes motifs, à leurs devoirs se prêtent.
Souverain sans pareil, suprême intelligence,
c’est à Toi que revient la plus haute épithète.
Dans le coeur des saints tu élis résidence.

O Seigneur de nature toujours immaculé,
dont les désirs sont à jamais satisfaits,
Ô Maître éternel de qui t’aime et t’adore,
tu te prends d’affection pour les âmes dédiées.
O Bhakta Vatsala **, c’est un nom qui te sied!
Qui saurait attaquer qui tu veux protéger?
d’entre toutes les lois, tu es la règle d’or.

A tes pieds prosterné, ton humble serviteur
nommé Bhaktivinoda a son corps incliné.
Il a pleinement foi, en son for intérieur,
qu’il sera protégé contre tous les dangers.

* Selon les Ecritures védiques l’Univers est divisé en trois niveaux : inférieur, intermédiaire et supérieur. La terre fait partie des planètes intermédiaires.
** Bhakta vatsala: nom de Krishna qui signifie  » trés affectionné vis-à-vis de Ses dévots »

giridhari.gif Sri Krishna, Dieu, la Personne Suprême, soulevant la colline Govardhana pour protéger les habitants de Vrindavana des pluies diluiviennes.  Le Seigneur est alors célébré sous le Nom de Giridhari « Le Seigneur qui souleva la colline Govardhana »


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