La forêt de plaisir du monde matériel


Dans le Srimad-Bhagavatam ( 5ème chant. ch 13/14)) le monde matériel est comparé à une vaste forêt par le grand saint Jada Bharata alors qu’il instruit le roi Rahugana. Jada Bharata a recours à cette allégorie de la forêt afin d’aider le roi, devenu son disciple, à se détacher du monde matériel. Telle est la signification directe de l’analogie de la forêt : des marchands se rendent parfois dans la forêt pour y recueillir toutes sortes de produits rares qu’ils revendront en ville pour un bon prix; mais les sentiers de la forêt présentent toujours de multiples dangers. Lorsque l’âme pure veut abandonner le service du Seigneur pour les plaisirs qu’offre l’univers matériel, Krsna certes lui donne la possibilité de le faire.
Comme l’enseigne le Prema-vivarta: krsna-bahirmukha hana bhoga vancha kare -voilà la raison pour laquelle l’âme de nature purement spirituelle choit dans l’univers matériel. Selon ses activités sous l’influence des trois gunas, l’être vivant se trouve dans différentes situations au sein de diverses espèces. Il sera tantôt un deva sur une 
planète édénique, tantôt une créature des plus insignifiantes dans un système planétaire inférieur. A cet égard, Srila Narottama Dasa Thakura dit: nana yoni sada phire -l’être distinct passe d’une espèce à une autre; kardarya bhaksana kare -il se voit contraint de manger des choses abominables et de trouver son bonheur dans des situations non moins déplorables; tara janma adhah-pate yaya -sa vie tout entière se trouve par là ruinée. Sans la protection d’un vaisnava infiniment miséricordieux, l’ âme conditionnée ne peut échapper à l’emprise de maya. Selon la Bhagavad-gita, l’être conditionné commence sa vie matérielle avec son mental et ses cinq organes de perception, à l’aide desquels il prend part à la lutte pour l’existence dans ce monde matériel (BG 15.7).


Résumé chapitre 13

On compare les organes des sens à des brigands et des pillards vivant dans la forêt, car ils dépouillent l’homme de son savoir spirituel et referment sur lui le piège de l’ignorance. En plus de cela, les membres de sa famille -la femme et les enfants- sont exactement comme des bêtes féroces qui se nourrissent de chair humaine. L’être vivant se laisse attaquer par des chacals et les loups (la femme et les enfants), ce qui a pour effet de mettre un terme à sa vie spirituelle. Tous les habitants de la jungle matérielle sont mauvais comme des moustiques, et les rats comme les souris créent sans cesse de nouveaux problèmes. Ainsi, l’homme en ce monde doit affronter de nombreuses situations malaisées, tourmenté par des animaux ou des êtres mauvais, constamment dépouillé de ses biens et agressé de tous côtés. Néanmoins malgré tous ces ennuis, il ne veut pas renoncer à la vie familiale; il continue d’agir en vue de profiter du fruit de ses actes et de s’assurer un bonheur futur. Ce faisant il s’empêtre de plus en plus dans les conséquences de son karma, et se voit ainsi contraint d’agir de façon impie. Le Soleil durant le jour et la Lune durant la nuit sont témoins de ses actes; les devas également observent le moindre de ses agissements, mais l’âme conditionnée néanmoins croit que les efforts qu’elle déploie en vue de satisfaire ses sens passent tout à fait inaperçus. Parfois, lorsqu’elle se sent repérée, elle renonce temporairement à tout, mais du fait de son attachement profond pour le corps, elle cesse de renoncer avant d’avoir pu atteindre la perfection.

L’univers matériel abrite de nombreux êtres mauvais. Il y a le gouvernement qui exige des impôts et que l’on compare à une chouette, puis les grillons invisibles aux stridulations insupportables. L’âme conditionnée est littéralement tyrannisée par les agents de la nature matérielle, mais elle en vient à perdre son intelligence du fait de la mauvaise influence de son entourage. En voulant s’affranchir des maux engendrés par l’existence matérielle, elle devient la proie de prétendus yogis, sadhus et avataras, capables de faire des tours de magie mais n’entendant rien au service de dévotion. Parfois, l’être conditionné se trouve sans argent et devient alors désagréable envers les membres de sa famille. Il n’y a pas la moindre trace de bonheur véritable dans l’univers matériel, ce bonheur que l’âme conditionnée recherche vie après vie avec tant d’ardeur. Les dirig
eants dont nous parlions plus haut ressemblent à des Raksasas (mangeurs d’hommes): ils soutirent de lourds impôts aux contribuables pour soutenir les dépenses du gouvernement, et les âmes conditionnées, travaillant comme des forcenés, se lamentent amèrement sur leur sort.

La voie de l’ action intéressée mène à des montagnes abruptes; l’âme conditionnée veut parfois les gravir, mais sans jamais y parvenir, ce qui ne fait qu’accroître sans cesse sa douleur et sa déception. A cause de ses problèmes matériels en général -et financiers en particulier- l’être conditionné s’en prend à sa famille sans raison valable. L’existence matérielle comporte quatre besoins principaux, parmi lesquels le sommeil, qui est comparé à un python. Une fois endormi, l’être conditionné oublie tout de son existence véritable, et ne connaît plus les vicissitudes de la vie matérielle. Parfois lorsqu’il a besoin d’argent, il a recours au vol et à l’escroquerie, bien qu’ apparence il puisse entretenir des relations avec des bhaktas en vue de progresser sur la voie spirituelle. Son unique souci doit être d’échapper à l’emprise de maya, mais étant mal dirigé, il s’empêtre de plus en plus dans la vie matérielle. L’univers matériel tout entier n’est qu’une source de difficultés; on n’y rencontre que des tribulations sans fin revêtant l’aspect du bonheur, du malheur, de l’attachement, de l’inimitié et de l’envie. Dans l’ensemble, il ne nous offre que problèmes et souffrances. Lorsqu’un homme perd son intelligence pour s’être attaché à sa femme et à la vie sexuelle, sa conscience en est complètement dénaturée, et il ne pense plus alors qu’à la compagnie des femmes. Quant à l’élément temps, pareil à un serpent, il emporte la vie de tous les êtres depuis Brahma jusqu’à la fourmi insignifiante. L’âme conditionnée tente parfois d’échapper à l’influence inexorable du temps en cherchant refuge auprès de quelque prétendu sauveur; malheureusement, comment ce charlatan ne pouvant même pas se sauver lui-même pourrait-il veiller sur les autres? Les faux messies ne font aucun cas du savoir authentique recueilli de sources védiques et auprès de brahmanas confirmés. Leur seul souci est de se livrer aux plaisirs de la chair et de recommander la liberté sexuelle, même pour les veuves. Ils sont donc comme les singes de la forêt. C’est en ces termes que Srila Sukadeva Gosvami dépeint à Maharaja Pariksit la jungle matérielle et les difficultés qu’elle présente pour celui qui veut s’y enfoncer.
 

Résumé chapitre 14


Il s’y trouve des voleurs de grands chemins (les six sens) et des carnivores comme les chacals, les loups et les lions (la femme, les enfants et les autres proches), qui désirent constamment s’abreuver du sang du chef de famille. Les pillards de la forêt et les bêtes assoiffées de sang s’allient pour épuiser l’énergie de l’homme qui vit dans ce monde. Il existe également un gouffre obscur, recouvert d’herbes, où l’on risque de tomber. Celui qui pénètre dans cette forêt et se laisse séduire par toutes sortes d’objets de plaisir matériel en vient à s’identifier à ce monde, à la société, à l’amitié et à l’amour matériels, ainsi qu’à la famille. Ainsi égaré et ne sachant où aller, ha
rcelé par les animaux, il est également victime de nombreux désirs. C’est ainsi qu’il se dépense en efforts considérables, tout en errant çà et là dans cette forêt. Charmé par un bonheur éphémère, il est également affligé par ce qu’il considère comme le malheur. En fait, dans cette forêt, il ne fait que souffrir, que ce soit sous les apparences du bonheur ou du malheur. Il y est parfois attaqué par un serpent (le sommeil profond), et sous l’effet de sa morsure, il perd conscience et ne sait plus très bien où il en est quant à ses devoirs. Parfois, il s’y sent également attiré par des femmes autres que son épouse et croit alors jouir d’un amour adultère. Il doit subir les assauts de diverses maladies et de l’affliction, mais aussi de l’été et de l’hiver. Ainsi, celui qui se trouve dans la forêt de l’univers matériel connaît toutes les souffrances de l’existence conditionnée. Espérant trouver le bonheur, l’être distinct se déplace d’un lieu à un autre, mais en fait, un matérialiste plongé dans ce monde ne connaît jamais le bonheur. Constamment absorbé par des activités matérielles, il ne connaît que l’agitation et oublie qu’il devra mourir un jour. Bien qu’il souffre amèrement, il continue de soupirer après le bonheur ici-bas, illusionné par l’énergie matérielle. Il oublie ainsi complètement ce qui le relie à Dieu, la Personne Suprême.

Maharaja Rahugana écouta les enseignements de Jada Bharata et y gagna de raviver sa conscience de Krsna. Il comprit que son illusion s’était dissipée et implora Jada Bharata de lui pardonner sa mauvaise conduite.



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