La réelle indépendance

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Avec les récents événements concernant la Catalogne et qui ont dominé l’actualité ces dernières semaines, la question de l’indépendance d’un peuple au sein d’une nation, a été remise au goût du jour.

Ayant vécu moi-même 13 ans au Québec où la question de l’indépendance est assez sensible (voir l’indépendantisme dans Wikipedia), ce thème ne m’est pas indifférent.

Néanmoins, si vous le voulez bien, j’aimerais aborder ce thème d’une façon plus large, essentiellement spirituelle et philosophique, que celle qui concerne l’indépendance des nations entre elles ( ou des régions – si l’on se réfère à la Catalogne ou au Québec – par rapport aux nations ) qui se limite au domaine matériel, politique, culturelle et linguistique, et qui ne présente, après sérieuse analyse, qu’une réflexion pervertie de la réelle indépendance.

J’ai relevé dans les livres de Srila Prabhupada les 4 passages suivants extraits du Srimad Bhagavatam qui, tout en détruisant un stéréotype, nous éclairent en même temps, sur ce qu’est la réelle indépendance ; celle-ci n’existe que de façon très relative et superficielle dans le monde matériel. Elle est alors un vain combat de l’âme conditionnée contre la nature matérielle et l’influence insurmontable des gunas, où elle correspond au désir illusoire de jouir pleinement et librement de la nature matérielle et de complètement la dominer.

Sous cette perspective, l’indépendance s’apparente alors au désir de jouir indépendamment de Dieu, Krishna, autrement dit, de rivaliser avec Lui, de se poser en maître par rapport à Krishna plutôt qu’en serviteur. Elle n’est alors qu’une réflexion pervertie de la réelle indépendance. Celle que l’on goûte pleinement quand on est de nouveau situer dans la conscience de Krishna, selon les paroles de Prabhupada: “ Le plaisir spirituel que procure le service d’amour offert au Seigneur représente l’indépendance réelle.’

Srimad Bhagavatam 1.8.37 :

apy adya nas tvam sva-krtehita prabho
jihasasi svit suhrdo nujivinah
yesam na canyad bhavatad padambujat
parayanam rajasu yojitamhasam

TRADUCTION

(La reine Kunti s’adressant à Krishna) Tout, mon Seigneur, fut par Toi accompli. Nous quitteras-Tu aujourd’hui, nous qui vivons entièrement de Ta grâce, nous qui, devant l’hostilité que nous montrent maintenant tous les rois, n’avons pour seul refuge que Tes pieds pareils-au-lotus?

TENEUR ET PORTEE

Les Pandavas ont l’incomparable fortune de se trouver sous l’entière dépendance du Seigneur et de Sa miséricorde. Car si, dans l’univers matériel, dépendre des bonnes grâces d’autrui représente le plus grand malheur, sur le plan de la relation spirituelle et absolue qui nous unit à Dieu, vivre sous Son entière dépendance est le plus grand bonheur. Nous souffrons en ce monde de la fièvre matérielle parce que nous y croyons à notre totale indépendance, alors qu’en vérité la nature cruelle nous asservit à chaque minute. L’illusoire tentative d’agir indépendamment des lois strictes de la nature, par quoi se meut l’univers tout entier, est au principe même du développement matériel de la connaissance expérimentale. De Ravana, qui voulut ériger un escalier conduisant directement aux planètes édéniques, à l’homme moderne, lequel cherche à atteindre, par divers moyens mécaniques et électroniques, d’autres systèmes planétaires, les êtres conditionnés s’efforcent artificiellement de vaincre les lois de la nature. Ils ignorent la plus haute perfection de la civilisation humaine: œuvrer avec ardeur, de toute son âme, sous la direction du Seigneur tout en apprenant à dépendre entièrement de Lui. Les Pandavas nous en offrent le meilleur exemple: ils dépendaient totalement de la volonté du Seigneur, Sri Krsna, mais ne vivaient pas pour cela comme des parasites; tous étaient hautement qualifiés, tant par leur caractère que dans leur façon d’agir; néanmoins, ils se confiaient en toutes circonstances à la grâce du Seigneur, sachant bien que tous les êtres sont dépendants par nature. Comprenons donc que la perfection de l’existence est atteinte lorsqu’on se met sous la dépendance de la volonté du Seigneur, et certes pas à travers l’illusion, en ce monde, qu’on puisse se rendre indépendant de tout.

On nomme anatha, « sans protecteur », celui qui, vainement, cherche à vivre en dehors de la volonté du Seigneur, et sanatha, « protégé », celui qui se donne entièrement à Sa volonté. Œuvrons donc dans le but de devenir sanatha, toujours protégés des maux de l’existence matérielle. Sous l’influence illusoire de l’énergie matérielle, externe, nous oublions que l’existence conditionnée représente la plus indésirable source d’embarras. C’est pourquoi la Bhagavad-gita nous enseigne qu’après maintes et maintes renaissances, l’homme peut connaître la fortune de prendre conscience que Vasudeva est le Tout de ce qui est, et que la meilleure façon de mener son existence est de s’abandonner tout entier à Lui, ce que fait le mahatma.(1)

Tous les membres de la dynastie Pandava, dont Maharaja Yudhisthira était l’aîné, et la reine Kuntidevi la mère, se trouvaient être, même au sein de la vie familiale, des mahatmas. C’est pour cette raison que les enseignements de la Bhagavad-gita et de tous les Puranas, surtout du Bhagavata Purana, sont directement rattachés à l’histoire des Pandavas, grands mahatmas. Ceux-ci dépendaient du Seigneur comme un poisson dépend de l’eau, et leur séparation d’avec Sa Personne leur fut donc une grande douleur. Srimati Kuntidevi se sentait comme frappée par la foudre, et toute sa prière vise à persuader le Seigneur de rester auprès des Pandavas.

La Bataille de Kuruksetra avait vu périr tous les rois hostiles, mais fils et petits-fils demeuraient pour venger leurs pères, et les Pandavas restaient en danger. Ce n’est pas là un cas exceptionnel; tous les hommes sont sans cesse confrontés à l’hostilité des autres êtres, et le seul vrai moyen de se protéger, de vaincre tous les maux de l’existence matérielle c’est de dépendre entièrement de la volonté du Seigneur.

(1) bahunam janmanam ante jnanavan mam prapadyate
vasudevah sarvam iti sa mahatma sudurlabhah

« Après de nombreuses renaissances, lorsqu’il sait que Je suis tout ce qui est, la cause de toutes les causes, l’homme au vrai savoir s’abandonne à Moi. Rare un tel mahatma. »

(B.g., VII.19)

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Srimad Bhagavatam 1.9.22 :

Dieu, le Seigneur Suprême et Absolu, Sri Krsna, Se montre, bien qu’égal envers tous, davantage porté vers le bhakta inlassable dans le service qu’il Lui offre, le bhakta qui tout entier s’est abandonné à Lui et Le connaît pour son unique maître et protecteur. Posséder une foi inébranlable en le Seigneur Suprême et voir en Lui son unique maître, ami et protecteur, telle est d’ailleurs la condition naturelle de l’être jouissant de la vie éternelle. Car l’être distinct, par la volonté du Tout-puissant, est constitué de manière telle que c’est en se plaçant dans une condition de dépendance absolue vis-à-vis du Seigneur qu’il trouve la plus grande satisfaction, le plus grand bonheur. Quant à l’inclination contraire, par quoi, dans un esprit illusoire d’indépendance totale, il s’imagine capable de dominer la nature matérielle, elle constitue pour lui la cause et l’occasion de la chute. L’origine fondamentale de tous les problèmes auxquels doit faire face l’âme conditionnée réside dans ce faux ego, dans cette fausse conception d’un moi indépendant. Ainsi, pour s’affranchir de l’illusion et de la souffrance, il faut, en toutes circonstances, s’approcher du Seigneur.

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Srimad Bhagavatam 3.27.24 :

VERSET 24

bhukta-bhoga parityakta
drsta-dosa ca nityasah
nesvarasyasubham dhatte
sve mahimni sthitasya ca

TRADUCTION

Abandonnant son désir de dominer la nature matérielle pour avoir pris conscience de la nature fautive de ce désir, l’être vivant devient indépendant et se dresse dans sa propre gloire.

TENEUR ET PORTÉE

Parce que l’être distinct n’est pas le véritable bénéficiaire des ressources de la nature matérielle, ses efforts en vue de s’imposer en maître sur celle-ci se traduisent toujours, en fin de compte, par un échec. La frustration qui s’ensuit l’amène ensuite à désirer davantage de puissance que les êtres du commun, ce pourquoi il désire se fondre dans l’existence du bénéficiaire suprême de tout ce qui existe. Il conçoit ainsi un plan destiné à lui procurer une satisfaction plus grande encore.

Or, c’est lorsqu’on s’établit véritablement dans le service de dévotion qu’on devient indépendant. Les hommes d’intelligence réduite restent incapables d’apprécier la position des serviteurs éternels du Seigneur. L’emploi du mot « serviteur » les plonge dans la confusion; ils ne peuvent comprendre que cette forme de service n’a rien à voir avec la servitude matérielle. La position du serviteur de Dieu est la plus élevée qui soit. Celui qui peut comprendre ceci et qui retrouve dès lors sa nature originelle de serviteur éternel auprès du Seigneur, devient ainsi parfaitement indépendant. L’indépendance de l’âme se perd au contact de la matière. Mais sur le plan spirituel, l’âme possède une indépendance totale, en sorte qu’il n’est pas question à ce niveau de tomber sous la dépendance des trois gunas. Le bhakta accède à cette position, si bien qu’il abandonne la tendance à jouir de la matière, ayant pris conscience de sa nature fautive.

La différence entre le bhakta et l’impersonnaliste tient à ce que ce dernier cherche à se fondre dans l’identité de l’Etre Suprême afin de pouvoir jouir de l’existence à sa guise, tandis que le bhakta renonce à tout esprit de jouissance pour embrasser le service d’amour absolu du Seigneur. Telle est sa glorieuse condition naturelle, originelle et éternelle. Il devient alors isvara, pleinement indépendant. Bien sûr, le véritable isvara ou l’isvarah paramah, l’isvara suprême, ou encore l’Être à l’indépendance suprême, est Krsna. L’être distinct pour sa part ne devient isvara que lorsqu’il se voue au service du Seigneur. En d’autres mots, le plaisir spirituel que procure le service d’amour offert au Seigneur représente l’indépendance réelle.

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Srimad Bhagavatam 4.9.35 :

VERSET 35

svarajyam yacchato maudhyan
mano me bhiksito bata
isvarat ksina-punyena
phali-karan ivadhanah

TRADUCTION

(Dhruva Maharaja dit: ) Dénué de toute intelligence, n’ayant pas d’actes de piété à mon actif, je désirais la prospérité, les honneurs et le renom matériels, bien que le Seigneur m’ait offert de Le servir personnellement. En cela, je suis comme un pauvre diable qui a su plaire à un puissant empereur et qui, lorsque celui-ci lui promet de satisfaire n’importe quelle requête de sa part, ne demande, dans son ignorance, que quelques grains de riz décortiqué.

TENEUR ET PORTEE

Dans ce verset, il convient de s’arrêter sur le mot svarajyam, qui signifie « indépendance complète ». L’âme conditionnée ignore ce qu’est l’indépendance totale, laquelle consiste à être situé dans sa position originelle et éternelle. Ainsi, pour l’être distinct, qui fait partie intégrante de Dieu, la Personne Suprême, l’indépendance réelle sera de demeurer toujours sous la dépendance du Seigneur, tout comme un enfant joue dans la plus complète indépendance sous la direction de ses parents qui le surveillent. Pour l’âme conditionnée, l’indépendance ne se trouve pas dans le combat mené contre les obstacles que lui oppose maya, mais plutôt dans le fait de s’abandonner à Krsna. Dans le monde matériel, chacun s’efforce d’atteindre une indépendance complète simplement en luttant contre les difficultés créées par maya. C’est là ce que l’on appelle la lutte pour l’existence. Toutefois, la véritable indépendance consiste à retrouver sa position dans le service du Seigneur. Quiconque atteint les planètes Vaikunthas ou Goloka Vrndavana offre alors son service au Seigneur en toute liberté. Là se trouve l’indépendance totale par opposition à la domination exercée sur l’énergie matérielle —ce que nous identifions faussement à l’indépendance. Nombre de grands dirigeant politiques se sont efforcés d’instaurer cette prétendue indépendance, mais ils n’ont ainsi contribué qu’à accroître la dépendance des hommes. L’être vivant ne peut connaître le bonheur en essayant d’être indépendant en ce monde matériel. L’homme doit donc s’abandonner aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur, et se consacrer au service éternel et originel qui lui est propre.

Dhruva Maharaja regrette ici d’avoir désiré l’opulence matérielle et une prospérité supérieure à celle de son bisaïeul, Brahma. Ce qu’il avait demandé au Seigneur était comparable aux quelques grains de riz qu’un pauvre irait quémander à un puissant empereur. Nous devons en conclure que quiconque emprunte la voie du service d’amour offert au Seigneur ne doit jamais Lui demander la prospérité matérielle. L’obtention de cette dernière ne dépend que des lois rigoureuses de l’énergie externe. Un pur bhakta ne demande au Seigneur que le privilège de Le servir. Là réside notre véritable indépendance; si nous aspirons à quoi que ce soit d’autre, il faut y voir un signe de notre infortune.



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